LES DISCIPLES D'EMMAÜS
http://gallica.bnf.fr/ark:/12148/bpt6k1156706j
Récit Évangélique en sept Tableaux
Poème de Pol Canteroy
Musique de Jean Fragerolle
Ombres et Décors de H. Callot
1. - LES FUGITIFS
2. - VERS EMMAÜS
3. - LA RENCONTRE
4. - LES PROPHÉTIES
5. - LE REPAS
6. - LES ONZE
7. - LA PAIX SOIT AVEC VOUS
INTRODUCTION
Au Golgotha maudit, les trois croix vers la nue
Levaient leurs bras sanglants.
Le disciple pleurant,
Vainement de Jésus attendait la venue ;
Le tombeau du doux Maître était vide pourtant.
RIDEAU
PREMIER TABLEAU : LES FUGITIFS
Cependant, il disait qu'il reviendrait encore.
Hélas ! Durant trois jours dut se lever l'aurore.
Depuis qu'à son tombeau, les femmes ont pu voir
La lourde pierre retirée ;
Près d'elle un chérubin dont la main vénérée
Leur faisait un geste d'espoir ;
Honte et malheur sur nous, nous l'eussions dû défendre,
Mais d'un simple regard, d'un mot de sa voix tendre,
Il aurait arrêté l'élan de notre bras
Levé sur ses bourreaux sans âme.
Quittons Jérusalem, cité deux fois infâme,
Qui lui préféra Barabas !
DEUXIÈME TABLEAU : VERS EMMAÜS
Deux disciples pourtant s'en allaient solitaires ;
Le soir tombait, le soir plein de mystères.
« Regagnons, disaient-ils, le hameau de nos pères,
Le Maître ne reviendra plus,
Cachons aux assassins nos larmes trop amères,
Et nos regrets trop superflus,
Emmaüs est prochain. Dans son morne silence,
Nous vivrons tous deux ignorés,
Car nul ne connaîtra notre folle espérance
Et nos remords désespérés. »
TROISIÈME TABLEAU : LA RENCONTRE
Aux rayons de la lune, apparaît le village
Que les marcheurs ont pris pour but de leur voyage
Quand un nouveau venu leur emboîte le pas,
Et les disciples ne le reconnaissent pas.
« De qui donc parlez-vous, et quelle est votre peine,
Dit l'étranger ? - Venez-vous d'assez loin
Pour n'avoir pas été témoin
Du procès de Jésus, de sa mort inhumaine ?
Nous espérions par Lui voir sauver Israël
Il a pour jamais regagné le ciel. »
Aux rayons de la lune, apparaît le village
Que les marcheurs ont pris pour but de leur voyage.
QUATRIÈME TABLEAU : LES PROPHÉTIES
La lune alors voila sa face,
Et l'étranger parla dans la paix de la nuit :
« Hommes de peu de foi, dit-il, ce qui se passe,
Dans les livres sacrés ne fut-il pas prédit ?
Moïse annonça la naissance
Du Sauveur à son peuple errant,
Lorsque, dans le désert immense,
Il émigrait vers Chanaan.
Plus tard, Michaya le prophète,
Dit qu'un sauveur né dans Juda
Paraîtrait sous le ciel en fête
De vers Berhléem Ephrata.
C'est au même temps qu'Isaïe
Prédit qu'une vierge au front pur
Enfanterait un doux Messie
Méconnu du peuple au cœur dur ;
Du ciel enfin, espoir suprême,
Indiqua le moment précis
Où dans cinq-cents ans, du ciel même,
Dieu le père enverrait son fils
Dont la mort cruelle et féconde,
Les maux patiemment soufferts,
Devaient enfin sauver le monde
Et l'arracher aux noirs enfers !
C'est ainsi que devait se passer toute chose.
Le fils de l'homme et fils de Dieu
Dans la paix des tombeaux nullement ne repose.
Il revit au pays hébreu,
Il est auprès de vous dans votre humble demeure,
Il se tient sur votre chemin ;
Pour se faire connaître, il choisira son heure,
Aujourd'hui, peut-être demain.
Alors dans Sion, les fidèles
Étendront leurs bras vers l'azur
Où la Vierge, de ses pieds frêles,
Foulera le serpent impur.
Toute ville, proche ou lointaine,
Convertie à nos Saintes lois,
Chantera la prière humaine
Du Rédempteur mort sur la croix.
Dans Rome, ville de lumière,
Arrachée aux cultes pervers,
Naîtra l'église de Saint Pierre
Où Dieu régira l'univers !
Mais l'heure n'était pas venue où le mystère
Put être révélé par un simple entretien,
Les disciples, les yeux détournés vers la terre,
Ne voyaient et n'entendaient rien.
CINQUIÈME TABLEAU : LE REPAS
Alors l'étranger accepta l'invite
De venir prendre place au modeste repas
Préparé pour les fils d'Emmaüs. Il s'acquitte
Du soin de rompre le pain, et son bras
Le bénit et leur tend tout en rendant les grâces.
Quel souvenir, ô ciel ! Soudain, leurs yeux voient clair.
C'est lui , c'est le seigneur ! Devant l'être si cher
Ils inclinent leurs têtes
Et lorsqu'ils relèvent le front,
Tendant les bras au divin Maître,
Furtif et prompt,
Celui qu'ils adoraient venait de disparaître.
SIXIÈME TABLEAU : LES ONZE
Cependant, à Sion, dans une salle basse,
Les onze s'étaient réunis ;
Rien ne pouvait calmer leur affreuse disgrâce,
Ni les propos de leurs amis
Qui disaient : « Le Sauveur parut à Madeleine,
Même il l'appela par son nom.
On a dit, et la chose, on l'assure, est certaine,
Il vient d'apparaître à Simon,
Saint Pierre avec André, Jacques, Saint Jean lui même,
Ce fils aimé du Rédempteur,
Sentaient le désespoir amer comme un blasphème.
Monter aux lèvres de leur cœur.
SIXIÈME TABLEAU : LA PAIX SOIT AVEC VOUS
Soudain, dehors un bruit surgit, augmente, monte,
Des hommes sont venus, des palmes à la main.
« Christ est ressuscité, clament-ils.
Notre honte, c'est dans notre foi trop prompte
D'avoir méconnu le Sauveur du genre humain
Qui d'Emmaüs, ainsi que nous fit le chemin.
Christ est ressuscité ! Christ est ressuscité !
Bientôt il va paraître.
Nous reverrons enfin le divin Maître
Il va revivre parmi nous ! »
Alors au flanc de la colline,
Parut l'ombre blanche et divine
Qui dit : « La paix soit avec vous. »
FIN