(...) Il est aussi nécessaire d'avoir quelques sujets très comiques. En voici un exemple : la scène, absolument vide, ne présente sur l'écran qu'un palmier et qu'un cactus. On annonce : "le désert". Puis on fait passer un éclaireur. Ensuite, arrive le chamelier que l'on relie au chameau par une petite corde, poportionnée comme grosseur mais de plusieurs mètres de long, et que le public voit filer à perte de vue. Pour que la corde semble bien se dérouler, elle doit être nouée tous les 30 centimètres environ. Enfin, après quelques instants, arrive le chameau.
le gros de la troupe
Voici le texte qui peut accompagner cette vue : "Ici, nous sommes au désert. La plaine s'étend au loin avec un palmier comme décor, pour jeter une note gaie sur la tristesse infinie des choses sans horizon, et aussi pour indiquer que nous sommes près d'une oasis. À l'arbre, nous avons joint un cactus à l'aspect rébarbatif. Nous aurions pu planter indifféremment notre végétation du côté cour, mais dans notre sagacité de metteur en scène expert aux choses du théâtre (ne nous écorchons pas aux piquants du cactus), nous l'avons mise du côté jardin, naturellement. C'est donc le désert et toute sa désolation. Mais quelque chose bouge à distance : c'est une caravane qui se dirige vers l'oasis. En voici l'avant-garde : l'éclaireur puis un petit maigre qui représente le gros de la troupe (filage de la corde), le filage de cette corde usée et raccommodée au moyen de noeuds sans nombre nous donne bien l'impression de la morne solitude tout autant que la fameuse tenue de violons dans la symphonie de Félicien David."
dromadaire
Cette petite scène a toujours énormément d'effet près du public. L'idée primitive vient, croyons-nous, du Chat Noir (voir plus bas), et c'est sur cette idée que nous avons dessiné les trois personnages. Nous ne saurions trop insister sur ce point que le texte, l'application parlée, le boniment en un mot, qui accompagne une scène d'ombres a une énorme importance (...)
exemple d'arbre et de cactus
(tiré d'un livret des Coeurs Vaillants : Rachat)
http://ombres-et-silhouettes.wifeo.com/rachat2.php
Dans l'ouvrage Les théâtres d'ombres à Montmartre, Paul JEANNE cite une saynète équivalente, jouée au Chat Noir et commentée par SALIS. Alber avait donc raison en indiquant que l'idée première de la saynète venait du Chat Noir.
dover publication inc.
Il s'agit de « l'Éléphant », pièce d'Henry SOMM.
« Pas de décor : l'écran lumineux.
Un Nègre, les mains derrière le dos, tire une corde. Il avance, disparaît. -la corde s'allonge horizontalement. Puis un nœud dans la corde. Celle-ci se prolonge toujours éternellement !... Alors – tout a une fin- apparaît un Éléphant qui vient déposer « une perle odoriférante » -comme disait le Gentilhomme-Cabaretier -d'où germe une fleur- puis : Rideau ! »
« Sur ce banal défilé -avec ces simples éléments- Salis trouvait matière à commentaires -avec des improvisations toujours renouvelées -sous-entendus équivoques, sachant avoir le terme juste qui porte sur l'auditoire... »
Paul JEANNE.
NOTE DE NICOLAS AUBERT :
Pour l'Éléphant, plutôt qu'un homme de couleur, on pourra choisir un autre personnage pour tirer l'animal. Si on prend les deux exemples ci-dessous, on se rend vite compte que le ton de la saynète ne sera du tout pas le même en fonction de ce simple choix :
Les conseils d'Alber sur le boniment et la conduite de la saynète sont irremplaçables. Difficile de faire mieux.