THÉÂTRE D'OMBRES ET DE SILHOUETTES

LA  TENTATION  DE  SAINT  ANTOINE

 du théâtre Séraphin (XVIIIème siècle)


Saint Antoine en théâtre d`ombres ombres chinoises marionnettes silhouettes

 http://www.photo.rmn.fr/cf/htm/CSearchT.aspx

    Il existe plusieurs versions de cette histoire. En ombres chinoises, on peut citer la pièce du cabaret du Chat noir. Une image d'Épinal permet de la construire avec des marionnettes en papier.

     Sur le site : http://jb.guinot.pagesperso-orange.fr/pages/accueil.html
on peut en trouver deux versions écrites par Gustave Flaubert, aux pages :
http://jb.guinot.pagesperso-orange.fr/pages/antoine1.html

et
http://jb.guinot.pagesperso-orange.fr/pages/A5601.html

 


LA  TENTATION  DE  SAINT  ANTOINE

 du théâtre Séraphin

 

(XVIIIème siècle)
 

    La scène représente l'ermitage de l'illustre anachorète égyptien dont la légende chrétienne a popularisé le souvenir et que l'histoire de la vie ascétique a surnommé : LE  GRAND.


     Au fond, une forêt. La tentation de Saint Antoine Séraphin planche d`ombres théâtre d`ombres ombres chinoises silhouettes marionnettes

SCÈNE  Ière

Au lever du rideau, le théâtre est dans l'obscurité. Des éclairs sillonnent la nue. On entend au loin un choeur de démons.

Air : Bonjour, mon ami Vincent.

Fiers démons, accourons tous :
Nous détruirons l'ermitage,
Car Lucifer est jaloux
D'Antoine, le saint, le sage !
Que la foudre gronde, et que les éclairs
Montrent à ses yeux les fils des enfers !
Que nos chants doublent le tapage :
Digne saint Antoine, ouvrez sans façons :
Ouvrez aux démons,
Ouvrez ou, sinon,
Gare à saint Antoine, à son compagnon !

(Un éclair est suivi du sourd grondement de la foudre. Saint Antoine paraît sur la porte de l'ermitage).

 

SAINT  ANTOINE

Air connu


Ciel ! l'univers va-t-il donc se dissoudre ?
Quel bruit, quel trouble, quel horrible fracas !

(Un éclair, puis un coup de tonnerre très fort ; Saint
Antoine reculant jusqu'à son ermitage et
continuant à chanter :
)


Quoi ! devant moi, je vois la foudre,
Elle tombe par éclat.

(Regardant dans son ermitage).

Tout est en poudre (bis) sur mon grabat.
Grand Dieu ! du haut des cieux,
Vois ma disgrâce,
Fais, par ta grâce
Que je chasse l'enfer de ces lieux.


(Il se promène en bénissant les environs de son
ermitage, puis rentre et ferme l'entrée
).


SCÈNE  II

Au bruit de l'orage succède une musique mélodieuse
qui annonce l'arrivée de Luciole.

 

LUCIOLE. -  Me voici devant l'ermitage du grand anachorète dont les vertus, les austérités bravent, assure-t-on, les tentations les plus puissantes.
    Lucifer, irrité de ce défi à son pouvoir, m'a envoyée sur la terre, moi, Luciole, la fille chérie de Satan pour dérouler aux regards de Saint Antoine les séductions magiques auxquelles les hommes les plus forts, les plus sages, ne sauraient résister !
     Il y va de ma gloire, de ma réputation, de mon bonheur même, car Lucifer a juré sur sa barbe d'or et sur son trident d'airain que, si je réussis à faire succomber le caractère austère du vieil ermite, je passerai sur la terre dix siècles entiers... Dix siècles ! c'est-à-dire, mille années de fêtes, de plaisirs, de voluptés !
     Mais, si je succombe dans ma tentative, je me suis engagée à redescendre, à l'instant même, dans le séjour infernal où Satan, l'orgueilleux déchu, tient ses assises éternelles !

     Ne perdons pas un instant ! prenons le costume et les traits d'un pauvre mendiant.

     (Coup de tam-tam- Luciole disparaît et reparaît aussitôt sous le costume d'un mendiant).

     Maintenant, frappons à la porte du saint.

La voix de SAINT ANTOINE. - Qui est là ? Qui frappe à la porte de cette humble retraite ?

LUCIOLE. - Un malheureux, un mendiant.

 

 

SCÈNE  III

LUCIOLE, SAINT  ANTOINE

 

SAINT  ANTOINE. - Ma porte est toujours ouverte à ceux qui souffrent. Si vous avez faim, mon repas : des légumes cuits sous la cendre ; l'eau fraîche de cette cruche apaisera votre soif.

LUCIOLE. - De l'eau !... des légumes !... voilà des aliments bien grossiers !


SAINT  ANTOINE. - On n'en connaît pas d'autres dans cette Thébaïde. L'appétit et l'exercice les assaisonnent.

LUCIOLE. - Les rois de la terre mangent des mets exquis, servis dans des plats d'argent, et boivent des vins parfumés qui pétillent dans leurs coupes d'or.

SAINT  ANTOINE. - Que m'importe ! je dédaigne ce luxe superflu ; je l'abandonne de grand cœur aux puissants.

LUCIOLE. - Antoine vaut mieux que tous les rois de la terre ; il est digne de commander aux troupeaux humains, de régner sur les plus vastes empires.

SAINT  ANTOINE. - Je m'essaie chaque jour à faire un peu de bien, je cherche les plantes qui guérissent les malades, j'offre un asile au voyageur perdu ; je porte des consolations aux affligés : mon ambition ne va pas au delà.


LUCIOLE. - Suis-moi et l'univers sera ton domaine, les peuples courberont le front devant toi !

SAINT  ANTOINE. - Je préfère à toutes ces grandeurs ma vie humble et cachée, consacrée à la prière et au travail. Mais qui donc es-tu, toi qui viens ici pour me tenter ? Je le devine. Retire-toi, vieillard, tu es l'envoyé de Satan. Retire-toi !

     (Il repousse Luciole et rentre dans l'ermitage.)

 

 SCÈNE  IV
 

LUCIOLE. - Il m'a résisté ; essayons des moyens plus puissants. Je veux reprendre mon costume et mes traits.

     (Coup de tam-tam. Le mendiant disparaît – Luciole reparaît sous son premier costume).

     À l’œuvre !... à l’œuvre !

     (Elle frappe à la porte de l'ermitage).

La voix de SAINT  ANTOINE. - Qui êtes-vous ?

LUCIOLE. - Une pauvre orpheline qui vient vous implorer !

 

SCÈNE  V

LUCIOLE,  SAINT  ANTOINE

 

SAINT  ANTOINE, sur le seuil. - Que puis-je faire pour vous ?

LUCIOLE. - Me suivre.


SAINT  ANTOINE. - Vous suivre ! Que dites-vous !

LUCIOLE. - Je suis seule, triste, abandonnée ! J'ai besoin de consolations.

SAINT  ANTOINE. - Bien ! je prierai pour vous.

LUCIOLE. - Suivez-moi ; vous serez mon guide, mon appui, mon ami de tous les jours et de toutes les heures !

SAINT  ANTOINE. - Je me dois à tous les malheureux : je ne m'appartiens pas.

LUCIOLE. - L'ennui et la lassitude doivent t'accompagner sans cesse.

SAINT  ANTOINE. - Celui qui travaille ne s'ennuie jamais.

LUCIOLE. - Viens avec moi : en échange de cet ermitage, je te donnerai un palais. Ta vie s'écoulera dans des fêtes délicieuses, dans des festins somptueux. Les parfums de l'Orient t'enivreront ; mes esclaves chanteront sans cesse, en s'accompagnant sur la harpe aux cordes d'or.

SAINT  ANTOINE. - Pour prix de cette existence tumultueuse, insensée, que me demandez-vous ?

LUCIOLE. - Rien !

SAINT  ANTOINE. - Rien !... Vous ne me demandez que mon âme, n'est-ce pas ? Oh ! je t'ai démasquée ! Retire-roi, envoyée de l'Enfer. Antoine saura résister à toutes les tentations.

LUCIOLE. - Tu me repousses... Eh bien, je te frapperai cruellement. Je briserai ton corps et le couvrirai d'infirmités : tu finiras tes jours dans des souffrances épouvantables !

SAINT  ANTOINE. - Dieu me donnera la force de les supporter ; que sa volonté soit faite.

LUCIOLE. - Malédiction ! Je suis vaincue ! à moi les flammes de l'Enfer.

     (Coup de tam-tam. Elle s'engloutit dans la terre).

 

SCÈNE  VI
 

SAINT  ANTOINE Quel horrible spectacle ! suis-je enfin délivré de ces séductions maudites ?

 

SCÈNE  VII


     Deux groupes de diables arrivent par la droite et par la gauche ; ils entourent le saint et commencent à chanter et danser.

CHŒUR  DES  DÉMONS.
     Tirons-le par son cordon,
     Faisons-le danser en rond !
     Tirons-le par son cordon,
     Faisons danser le patron.

SAINT  ANTOINE, se débattant.
     Messieurs les démons,
     Laissez-moi donc, laissez-moi donc,
     Laissez-moi donc, laissez-moi donc.

LES  DÉMONS.
     Non, tu danseras, tu sauteras,
     Tu danseras, tu sauteras, tu chanteras
     Tirons-le par son cordon,
     Faisons-le danser en rond ;
     Tirons-le par son cordon,
     Faisons danser le patron.


     (L'on répète le chœur deux fois, ensuite, les démons entraînent Saint Antoine).


SCÈNE  VIII

Plusieurs groupes de diables reviennent en chantant.


CHŒUR.
     Nous allons casser la maison
     Du bienheureux Antoine,
     Nous la mettrons en charbon,
     En dépit de ce moine.
     La faridondaine, la faridondaine, la faridondon ;
     Nous en f'rons part à nos amis, biribi,
     À la façon de barbari, mon ami.

     (Après avoir chanté, les démons démolissent la maison ; on a le soin de démonter les pièces recouvrant la charpente de l'ermitage ; les démons disparaissent avec les débris et reviennent en chantant).


CHŒUR.
     Nous allons prendre le cochon
     Du bienheureux Antoine,
     Nous ferons des saucissons,
     En dépit de ce moine,
     À la faridondaine, la faridondaine, la faridondon ;
     Nous en f'rons part à nos amis, biribi,
     À la façon de barbari, mon ami.

     (Ils entrent dans la maison, font sortir le cochon et l'emmènent avec eux. Les diables font entendre des rugissements et le cochon crie de toutes ses forces, après quoi ils disparaissent).

 

SCÈNE  IX

SAINT ANTOINE, il chante.
     Grand Dieu ! du haut des cieux,
     Vois ma disgrâce ;
     Fais par ta grâce
     Que je chasse l'enfer de ces lieux.


SCÈNE  X
 

UN ANGE descend du ciel sur un nuage. - Antoine, Dieu, du haut de son trône céleste, admire ta vertu, honore ton courage dans les tentations ; rentre dans ton ermitage, bientôt tu recevras la récompense que le Seigneur accorde à ses élus !

     (Le cochon reparaît, ils rentrent).

FIN
 

 
 



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