THÉÂTRE D'OMBRES ET DE SILHOUETTES

LA TORTUE ET LES DEUX CANARDS


la tortue et les deux canards, fable en ombres chinoises, theatre d`ombres, marionnettes, silhouettes

par Mesdemoiselles AUROY
1930

domaine public


http://gallica.bnf.fr/ark:/12148/bpt6k8887770/f107.image
 

PERSONNAGES :
LA TORTUE,

DEUX CANARDS,
DEUX OU TROIS ENFANTS.

La scène représente une prairie.

 

LA TORTUE, seule. - (Elle chante lentement. Air : Il était un petit navire).
          Il était une petite tortue,

          Il était une petite tortue,
          Qui n'avait ja, ja, jamais voyagé (bis).
     Non, je n'ai jamais voyagé pourtant, j'en meurs d'envie ! Mais, voilà, peut-on entreprendre un voyage quand on marche si lentement en portant sa maison sur son dos ? Tiens ! Tiens ! Voilà deux canards qui volent là-haut ! Oh ! comme ils volent bien ! (Appelant). Canards ! Canards ! Venez donc un peu par ici.

LES CANARDS, se posant. - (Voix très nasillarde). Que voulez-vous, dame Tortue ?

LA TORTUE. - Je voudrais savoir où vous allez.

UN CANARD. - Nous allons loin, loin, bien loin, dame Tortue... jusqu'en Amérique ! Nous allons passer par-dessus les bois, les montagnes, les mers.

LA TORTUE. - Que vous avez de la chance, de faire un beau voyage ! Moi, je suis lasse de rester toujours dans ce petit coin de champs. Ah ! si je pouvais vous suivre !

PREMIER CANARD. - Mais, ma pauvre Tortue, c'est impossible, vous n'avez pas d'ailes, vous ne pouvez pas voler !

DEUXIÈME CANARD. - Vous ne savez même pas courir !

LA TORTUE. - Hélas ! mes pattes sont trop courtes, et ma carapace trop lourde !

PREMIER CANARD. - Écoutez, dame Tortue, il me vient une idée. Si vous faites bien ce que je m'en vais vous dire, vous pourrez venir avec nous.

LA TORTUE. - Est-ce possible ?

DEUXIÈME CANARD. - Oui, et nous vous ramènerons dans votre champ quand vous aurez vu beaucoup, beaucoup de pays. (S'adressant à l'autre canard). Veux-tu, ami Canard, nous allons chercher un gros bâton bien solide ? La Tortue s'y accrochera solidement et nous pourrons l'enlever dans les airs. (Les canards disparaissent pour aller chercher le bâton).

LA TORTUE. - (Elle chante. Air : Il était un petit navire).
          Je m'en faire un long voyage (bis)
          Avec mes za, za, zamis les canards (bis).
     (Les canards reviennent, tenant le bâton dans leur bec).

PREMIER CANARD. - Maintenant, amie Tortue, écoutez-m:oi bien. Serrez bien la bâton dans votre bouche, et surtout ne lâchez pas, vous tomberiez.

LA TORTUE. - Soyez tranquilles !

DEUXIÈME CANARD. - Es-tu prêt, ami Canard ?

PREMIER CANARD. - Voilà !

     (Oiseaux et tortue s'envolent - voir l'illustration- pendant que le piano joue : Il était un petit navire. Un enfant apparaît dans la prairie).

UN ENFANT, appelant. - Pierre ! Marcelle ! Regardez là-haut ! Qu'est-ce qui vole ?

MARCELLE. - Mais on dirait une tortue qui se balance entre deux canards !

LES ENFANTS, ensemble. - Une tortue dans les airs ! Une tortue dans les nuages ! C'est la reine des tortues ! La reine des tortues !

LA TORTUE, qui écarte les mâchoires et, en tombant. - Oui ! Oui ! c'est moi... la reine... des tortues !

LES ENFANTS, s'approchant de la tortue qui est au sol, tandis que les canards s'éloignent. - La tortue est tombée !

PIERRE. - Elle ne bouge plus ! Je crois qu'elle est morte ! (Les enfants sortent).

LES CANARDS. - (Ils chantent. Air : Ma commère, quand je danse).
          En criant : « Je suis la reine »
          Elle a lâché le bâton. (bis)
          Pauvre tortue !
          Pauvre tortue !
          Ah ! quelle triste aventure !
          Pauvre tortue !
          Pauvre tortue !
          Son grand orgueil l'a perdue !
     (Les canards sortent).

LA TORTUE, se relevant. - Trop super ! Mais la prochaine fois, je prendrai un parachute...

 

RIDEAU
 

 

 

LA TORTUE ET LES DEUX CANARDS

Une Tortue était, à la tête légère,
Qui, lasse de son trou, voulut voir le pays,
Volontiers on fait cas d'une terre étrangère :
Volontiers gens boiteux haïssent le logis.
Deux Canards à qui la commère
Communiqua ce beau dessein,
Lui dirent qu'ils avaient de quoi la satisfaire :
Voyez-vous ce large chemin ?
Nous vous voiturerons par l'air en Amérique .
Vous verrez mainte république,
Maint royaume, maint peuple ; et vous profiterez
Des différentes mœurs que vous remarquerez.
Ulysse en fit autant. On ne s'attendait guère
De voir Ulysse en cette affaire.
La Tortue écouta la proposition.
Marché fait, les Oiseaux forgent une machine
Pour transporter la pèlerine.Dans la gueule en travers on lui passe un bâton.
Serrez bien, dirent-ils ; gardez de lâcher prise.
Puis chaque Canard prend ce bâton par un bout.
La Tortue enlevée on s'étonne partout
De voir aller en cette guise
L'animal lent et sa maison,
Justement au milieu de l'un et l'autre Oison.
Miracle, criait-on. Venez voir dans les nues
Passer la Reine des Tortues.
La Reine : " Vraiment oui ; Je la suis en effet ;
Ne vous en moquez point ".
Elle eût beaucoup mieux fait
De passer son chemin sans dire aucune chose ;
Car lâchant le bâton en desserrant les dents,
Elle tombe, elle crève aux pieds des regardants.
Son indiscrétion de sa perte fut cause.
Imprudence, babil, et sotte vanité,
Et vaine curiosité,
Ont ensemble étroit parentage.
Ce sont enfants tous d'un lignage.

Jean de LA FONTAINE


L'AIGLE ET LA TORTUE

     Une tortue demandait à un aigle de lui apprendre à voler. Il avait beau lui représenter que cela n'était pas dans sa nature, la tortue n'en mettait dans sa demande que plus d'insistance. Il la prit donc entre ses serres, l'enleva dans les airs, puis la lâcha. La tortue tomba sur des rochers où elle se brisa.
     Bien des hommes, dans leur désir d'émulation, se font tort à eux-mêmes, pour n 'avoir pas voulu écouter des gens plus sensés qu eux.

ÉSOPE

 

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http://www.flickr.com/photos/maptitefabrique/4332584176/in/photostream/


      Note du webmestre. La dernière réplique de la tortue a été ajoutée au texte original. De même, les enfants et les canards ont été différenciés dans les dialogues, ce qui n'était pas le cas.

 
 



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