THÉÂTRE D'OMBRES ET DE SILHOUETTES


L'ÂNE  EMBOURBÉ
 

1886
 

http://www.cineressources.net/images/ouv_num/072.pdf
 

Paul Eudel
 

domaine public
 


PERSONNAGES :

Mathurin, sur son âne.
Mathurin tirant son âne par la bride.
Mathurin portant son âne sur son dos.



SCENE  I



MATHURIN (sur son âne.) - Hue Martin !... hue ! petit gris... allons donc ; et vite ! dépêchons-nous. Au trot, mon mignon, au trot... tu sais que j' tai promis un picotin à l'écurie !...
 


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     Dame ! c'est que j allons voir mam'zelle Suzon et n' faut s'amuser en route ; mam'zelle Suzon, à qui j' sommes fiancé, avec promesse de mariage pour troisième jour après le dimanche de Pâques, huit avril prochain, à huit heures précises du matin, comme qui dirait mardi en quinze.

     À cette fin aujourd'hui qu'est l' douze du mois, j'y portons un gros bouquet pour sa fête. Faut que je lui présentions ça c' matin sur l' coup d' sept heures, sans manquer, et avant la grand' messe, ou sinon, l' gros Mathurin, qu'est là !... j' l'avons surpris l'aut' jour à l'y faire les yeux doux !... et jarni ! y pourrait bien tout de même avoir appétit d'une bonne amie ; aussi pour l'y mieux taper dans l'oeil, j'avons du coup mis notre habit d'bouracan vert à fleurs jaunes et nos bas d'laine rouge qui sont achetés tout exprès pour la noce....

     Mais, c'est des idées tout ça... j' puis pas penser que mam'zelle Suzon, qu'est belle comme le soleil levant, voudrait me jouer pareille farce, tout d' même, faut que j' lui en souffle un petit mot en guise d' compliment.

     Allons, Martin, v'là là-bas l' clocher de la paroisse ; nous v'là bientôt rendus, allons p'tit gris, hue !... hue ! hue !... Eh bien ! Martin ! Tu t'enfonces. Martin ; eh bien ! que fais-tu là, mon garçon ; tu t'enfonces !... tu t'enfonces !... Martin !... holà ho !... holà ho !... Ah ! vilaine bête !... hu ! Hu !... oh mes bas rouges !... hue ! hue !... Mon habit jaune en bouracan ! Hu !... hu !.. mon gros bouquet !... hue !.. hue !... tu t'enfonces, maudite bête !... hue ! Martin ! — Ah ! chienne de bourrique ! me v'là dans l' bourbier jusqu'au ventre !... Ah ! mam'zelle Suzon ! chien d'animal que c't' animal là !.., mais voyez donc cette vieille bourrique ! assassin d' baudet... bourrique scélérate ! faudra-t-il pas bientôt que j' la porte ! elle ne bouge pas plus qu'si elle avait pris racine dans c'te mare.


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     Voyons, j' vas tâcher d' la haler par la bride... hue ! hue ! hue donc (Il tire le baudet par la bride.) Ah ! voleur, tu veux que je te mette sur mon échine !.. Y a pas d'aut' moyen de l' tirer d' là.

     Allons v'là qu'est dit, faut y passer. (Il met l'âne sur son dos.)

     (L'âne brait :) Hi han ! hi han l hi han (et fait des crottins).


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RIDEAU
 


 
     Voici une saynète ancienne que j'ai trouvée sur : Faune populaire de la France. Tome 4 / Eugène Rolland :
(http://gallica.bnf.fr/ark:/12148/bpt6k5758360v/f259.image).

L’ÂNE RÉTIF OU L'UN PORTANT L'AUTRE

Scène unique.

Le paysan monté sur son âne :

Aïe donc, marche donc, maudit roussin ! avez-vous vu un entêté comme celui-là ? Mon petit chouchou, voyons, marche, je te donnerai de beaux chardons en arrivant.

(L'âne fait quelques pas). Ce que c'est que de prendre les gens par la douceur.

(L'âne s'arrête). Comment, mon garçon, tu t'arrêtes ; allons, hue ; allons, hue donc, diarau ; marche, mon petit poulot ; ah ! tu ne veux pas aller ; il est entêté comme un âne rouge.

(Il lui donne des coups de poing). Tiens, tiens, tiens ; oh ! j'ai mal au bras de le frapper ; il a le dos dur comme du fer. J'use tous les jours un bâton à le rosser. Mais comment faire ? ma femme m'attend et ma soupe aussi, et j'ai une faim accompagnée d'une soif !

(Il bat encore son âne, l'âne le jette à terre). Ah ! coquin, tu me jettes à terre, tu me paieras cela à la maison. Comment faire pour m'en aller ; c'est qu'il ne veut pas marcher ! Je vois bien ce que c'est, il faut que je le porte.

(Il se baisse et le met sur son dos). Ah ! qu'il est lourd ; je suis dans le cas d'en attraper le torticolis.

(L'âne crie). Hi han ! Hi han ! Oui, fais hi han tant que tu voudras, tu es bien sûr de ne pas souper !

(Il sort).
 

FIN

 
     Une pièce sur le même argument a été jouée au théâtre Séraphin (du temps de Louis XIV). (à voir : http://ombres-et-silhouettes.wifeo.com/theatre-de-seraphin2.php)

 
 
 



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