THÉÂTRE D'OMBRES ET DE SILHOUETTES

LE CHAT ET LE RENARD


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Texte et ombres de Nicolas AUBERT, libres de droits, d'après un conte traditionnel russe.
 

PERSONNAGES :

CHAT

RENARDE

LOUP

OURS
LIÈVRE


Décor. Un arbre sur la gauche, la cabane de Renarde à droite.

 

(Sur la gauche, le Chat entre sur l'écran. Il se retourne plusieurs fois, furtivement).


CHAT, haletant. - Ah ! Ils ne m'ont pas suivi ! Quelle course, mes aïeux, quelle course ! Il faut dire que j'ai fait fort : j'ai griffé, j'ai mordu, j'ai vidé la réserve de crème et j'ai laissé courir toutes les souris dans la maison... Je pense que, grâce à moi, toute ma famille humaine va manger du pain et quelques carottes à moitié pourries. Il est temps pour moi de partir à l'aventure. (Il regarde de tous les côtés). Mais où est-ce que je suis tombé ? 


(Le Chat et se dirige lentement vers l'arbre du décor. La Renarde arrive et s'en approche. Le Chat se tourne vers elle).


RENARDE. - Bon ami, dites-moi, qui êtes-vous, d'où venez-vous ? Si vous acceptez de devenir mon ami, je serai pour vous une compagne fidèle.


CHAT. - Mais, madame, je vous en prie. Nous n'avons pas été présentés... 

RENARDE. - Et bien, si ça ne vous dérange pas, je me présente : je suis dame Renarde.

CHAT. - Très bien, Dame Renarde. Sachez, ma belle, que je suis l'animal le plus rare du monde, de la race Angora. Je suis bien loin de mon pays. J'ai été envoyé ici par le gouverneur ! Je m'appelle Félix Léopardo, s'il vous plaît ! Je suis grand chevalier de la gouttière et gardien de la crème sacrée.


RENARDE, humblement. - Oh, à côté de vous, j'aurai l'air bien ordinaire. Mais, je vous en prie, pardonnez-moi, ne me jugez pas trop sévèrement ! Ma maison est la meilleure de la forêt, j'y vis seule.

 

CHAT. - Ah, moi aussi, je suis seul.


RENARDE, embrassant le Chat. - Bonjour, Félix, je m'appelle Hermina. Si tu me respectes, si tu es gentil avec moi, je pourrai devenir chérie ! Tu n'es pas marié, dis-moi ?


CHAT. - Non, Hermina, je suis célibataire !


RENARDE. - Ça, c'est gentil ! Mais... tu as l'intention de rester toujours tout seul ?


CHAT. - Non, ma jolie, j'aurais bien besoin d'une épouse.


RENARDE. - Eh bien, c'est d'accord, je te prends pour mari. Mais je te préviens, je serai la responsable de la maison !

 

CHAT. - Je suis tout à fait d'accord avec toi.


(Le Chat et la Renarde vont dans la cabane et disparaissent à l'intérieur. Au bout d'un moment, la Renarde sort de la maison avec un panier et le Chat regarde par la fenêtre).


RENARDE. - Mon Chatounet, je vais faire des courses. Je vais chercher un canard pour le dîner. 


CHAT. - Très bien, Hermina, je vais t'attendre.


RENARDE. - Reste bien au chaud et mets-toi à l'aise. Je serai de retour dans une heure !


(Le Chat disparaît dans la maison et la Renarde se dirige vers un grand arbre).


RENARDE, chantant sur l'air de « Bon voyage monsieur Dumollet ».
Belles filles, n'attendez pas,
Mariez-vous et même à la sauvette ;

Belles filles, n'attendez pas,
Et votre mari vous protégera.

(Le Loup arrive et vient à la rencontre de la Renarde).


LOUP, d'une voix rauque. - Hé, Renarde, où vas-tu par là ? Que transportes-tu dans ton panier ? Montre-moi ça !


(Le Loup essaie de regarder dans le panier. La Renarde saute sur le côté).


RENARDE. - Pas touche, Loup ! C'est personnel ! Bouge-toi de là !


(La Renarde recule, le Loup avance).


LOUP. - Arrête de te trémousser et montre-moi ce que transportes !

RENARDE. - N'insiste pas, Loup, tu n'auras rien. Ne compte pas sur mes friandises.

LOUP, menaçant. - Doucement, Renarde. Tu sembles oublier que je suis plus fort que toi !


RENARDE. - N'insiste pas, Loup, ou je vais me plaindre à mon mari. Il te donnera un coup de griffe sur le front et, sur le dos, des coups de bâton !


LOUP, hésitant. - Ah oui ? Et d'où vient-il, ton mari ? ! Et qui est-il pour que je doive avoir peur de lui ?


RENARDE, fièrement. - C'est l'animal le plus rare au monde, de la race Angora. Il vient des terres lointaines. Il est grand chevalier de la gouttière et gardien de la crème sacrée. Il a été envoyé par le gouverneur lui-même, et je suis maintenant son épouse !


LOUP, s'éloignant respectueusement. - Dis-moi, belle Renarde, pourrais-je au moins voir ton mari ? Je t'en prie, juste un coup d’œil, mon amie.


RENARDE, en colère. - Comment oses-tu ? Comment peux-tu prétendre voir l'ambassadeur Félix Léopardo ? Il mange une centaine de loups pour le petit déjeuner et il n'est pas pour autant rassasié ! Tu veux le voir, frère, mais s'il te trouve à son goût, il te dévorera en un clin d’œil. C'est le droit du plus fort, ne l'oublie pas !


LOUP, effrayé. - Alors, belle Renarde, dis-moi ce que je dois faire. Je t'en prie, mon amie.


RENARDE. - Apporte-nous un agneau. Et n'essaie pas d'entrer dans la maison. Attends-nous au ravin. Oui, cache-toi du mieux que tu pourras pour ne pas offenser mon terrible mari. Maintenant, écarte-toi !


LOUP. - Dans ma vie je n'ai rien vu d'aussi féroce que votre mari, chère Renarde ! Vous aurez un agneau. Dites-vous bien, Madame, que je vous souhaite une longue vie de bonheur et beaucoup d'enfants.


(Le Loup s'incline et s'enfuit, se cachant derrière un grand arbre).

 

RENARDE, chantant sur l'air de « Bon voyage monsieur Dumollet ».

Si le mari est respecté,

Alors sa femme est comme une princesse ;

Si le mari est respecté,

Du mode entier sa femme est protégée.


(La Renarde sort de l'écran, côté bois. L'Ours arrive de la cabane et se dirige lentement vers la forêt).


OURS, chantant sur l'air de « Au clair de la lune ».

Vous pouvez manger-er toute la journée

Vider les arbustes dans le framboisier,

À la fin du compte, vous aurez trop faim ;

Il vous faut du miel sur une tranche de pain.

(Parlé) C'est décidé : j'arrête de manger des bêtises, il me faut du miel, de la viande et quelques douceurs. Je veux du solide pour mon estomac !

 

(La Renarde entre sur l'écran, venant de la forêt. Elle tient un canard dans son panier et elle essaie de passer devant l'Ours. L'Ours l'arrête).


OURS. - Arrête-toi, Renarde. Le chemin est devenu un chemin à péage. Si tu veux passer, donne-moi ton canard et ton panier. Alors, peut-être, je dis bien : peut-être que je te laisserai passer.


RENARDE. - Arrière, Gros Lourdaud, sors de mon chemin !


OURS, menaçant. - Au cas où tu ne l'aurais pas remarqué, Renarde, je suis plus fort que toi !


RENARDE, sarcastiquement. - C'est ça, Gros Lourdaud, c'est ça ! Mon mari va sortir de la maison et il va t'apprendre les bonnes manières. Il te donnera un coup de griffe sur le front et, sur le dos, des coups de bâton ! Je t'avertis que c'est l'ambassadeur du Gouverneur et que c'est son plus grand guerrier. Je crois que nous allons manger du pâté d'Ours, du rôti d'Ours et que je vais pouvoir cuisiner à la graisse d'Ours.


OURS, perplexe. - Je ne l'ai jamais rencontré, ton soi-disant mari. D'après ce que tu m'en dis, ça doit être un chasseur et un bandit, et je devrais en avoir peur ? Mais, pauvre Renarde, il n'y a rien de plus terrible que moi dans cette forêt.


RENARDE, fièrement. - Arrête, Ours, ne me fais pas rire. Mon mari est l'animal le plus rare au monde, de la race Angora. Le gouverneur lui-même nous l'a envoyé des terres lointaines pour qu'il remette de l'ordre dans cette forêt. Il est grand chevalier de la gouttière et gardien de la crème sacrée. J'ai l'honneur d'être maintenant son épouse !


OURS, reculant. - Dites-moi, belle Renarde, pourrais-je au moins voir ton mari ? Je t'en prie, juste un coup d’œil, mon amie.


RENARDE. - Mais pour qui te prends-tu, espèce d'Ours mal léché, pour qui te prends-tu ? Tu te crois digne de jeter ton regard idiot sur mon mari ? Mais, malheureux, tu vas le mettre en colère et, tu sais, ça fait mal, une bête en colère ; c'est effrayant même pour moi. J'ai peur d'être blessée ou tuée dans la bagarre. Tu n'auras même pas le temps de regarder mon mari qu'il t'aura coupé en morceaux et fait cuire avec des haricots. C'est le droit du plus fort, ne l'oublie pas.


OURS, effrayé. - Que dois-je faire, belle Renarde ? Que dois-je faire pour l'amadouer ?


RENARDE. - Apporte-nous un bœuf bien gras et je verrai ce que je peux faire. Mais, je te préviens, tu ne dois pas essayer d'entrer dans la maison.


OURS. - Oui, oui, Gente Dame, je n'entrerai pas !


RENARDE. - Oui, et tu devras te cacher pour ne pas offenser mon mari. Mais pour l'instant, je suis pressée, éloigne-toi !


(L'Ours s'écarte et la Renarde entre dans la maison).


OURS, pensivement. - Il ne me reste plus qu'à attendre la tournure que vont prendre les événements...


(L'Ours sort de l'écran en entrant dans la forêt. On voit alors arriver, sur la gauche, le Loup avec un agneau. Il se dirige vers la maison).


LOUP, frissonnant. - Je suis terrifié. j'espère que mon cadeau fera plaisir au mari de Renarde.


(Le Loup laisse l'agneau au milieu de l'écran et s'assoit devant l'arbre).


LOUP. - Je suis fatigué, je dois me reposer un peu. J'espère que le mari de Renarde aura pitié de moi.


(L'Ours, avec un taureau, entre sur l'écran, s'approche du Loup et s'arrête).


OURS. - Hé, super, frère Loup, tu ne crois pas que tu es trop près de la maison de Renarde ?


LOUP, en soupirant. - Bonjour, frère Ours. J'espère bien que non.


OURS. - Moi aussi, frère Loup, moi aussi. Comme tu peux le constater, j'ai également une offrande pour le mari de Renarde.


(L'Ours s'approche de la maison de renarde. Il dépose le taureau et retourne à l'arbre).

 

OURS. - Vas-y, frère Loup, va frapper à la porte. Tu es plus agile que moi. Tu pourras te sauver avant qu'on vienne ouvrir.

 

LOUP, chuchotant. - Ne parle pas si fort, frère Ours. Ils pourraient t'entendre. Il est hors de question que je m'approche de la maison de Renarde, pas après ce qu'elle m'a dit sur son mari... Tu ferais mieux d'y aller, toi, tu es le plus costaud de nous deux.


OURS, dans un murmure. - Non, tout compte fait, je préfère attendre ; je crois que le mari de Renarde est une bête spéciale !


(Le Lièvre entre sur l'écran et s'approche des deux compères).


LOUP. - Stop ! frère Lièvre. Viens ici ! Nous avons vraiment besoin de toi.


OURS. - Frère Lièvre, s'il te plaît, va frapper à la porte de la maison de Renarde.


(Le Lièvre court vers la cabane).


OURS, au Loup. - Frère Loup, je crois bien que c'est le moment de nous cacher.

(L'Ours et le Loup disparaissent dans l'arbre du décor. 
Le Lièvre frappe à porte de la cabane).


LIÈVRE. - Ohé ! il y a quelqu'un dans la maison ? Toc ! toc ! Hé, bienvenue aux invités ! Allez, sortez, montrez-vous !


RENARDE, regardant par la fenêtre. - Quel genre d'invités ? Qui est là ?


LIÈVRE, effrayé. - Le Loup est venu avec l'Ours.
 

RENARDE. - C'est très bien, gentil Lièvre. (à la cabane) Chéri, viens voir un peu par ici, nous avons des visiteurs.


(On entend un grand bruit dans la maison. Le Lièvre court vers la forêt et sort de l'écran. On voit la tête de l'Ours dépasser du décor de l'arbre. La Renarde disparaît dans la maison et en sort bientôt avec le Chat).


OURS, au Loup. - Ne bouge pas, je vais tout te décrire. Le mari de Renarde n'est pas très grand. Il est assez vilain à regarder. Il a l'air tout doux, pas du tout méchant.


(Soudain, le Chat se jette sur le taureau et l'agneau).


CHAT. - Miaou ! Miaou !


OURS, au Loup. - Oui, il est tout petit mais très gourmand. C'est un vrai glouton.

 

LOUP. - Pousse-toi, que je regarde à mon tour. (On voit la queue du Loup dépasser du décor).


CHAT. - Je crois que j'ai vu bouger les buissons. Il doit y avoir une souris cachée par ici. Je vais la rattraper ! (Il se précipite vers l'arbre du décor).


voix de l'OURS et du LOUP. - Au secours, sauvons-nous ! Il va nous dévorer !


RENARDE, à la cantonade. - C'est ça, sauvez-vous, sinon il vous mettra en pièces ! (Elle s'approche du Chat et l'embrasse). Tu sais, mon chéri, être mariée à un chat, c'est juste du bonheur !

CHAT. - Je dois avouer, ma tendre amie que, dans ton genre, tu n'es pas mal non plus.


(La Renarde et le chat prennent les cadeaux et entrent dans la maison).


FIN


 

 
 



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