LE COMBAT DU KANCHIL
(intermède basé sur une parabole médiévale japonaise entre un jeune et un vieux samouraï)
par Nicolas AUBERT, libre de droits.
Personnages :
NARRATEUR
KANCHIL
JEUNE PORC-ÉPIC
Décor : à droite : le fleuve ; à gauche, un palmier.
Accessoire : une barque.
NARRATEUR, devant l'écran. - Tout le monde cherche quelque chose qu’il n’a pas. Ainsi, un jeune Porc-épic rêvait de renom et de gloire. Il décida de combattre un Kanchil. Mais notre jeune Porc-épic n'avait jamais participé à une bataille... et notre Kanchil ne s'était jamais battu. Mais, comme d'habitude, je parle trop. Laissons la magie des ombres apparaître. (La lumière de la salle s'éteint. La lumière s'allume derrière l'écran d'ombres).
(Kanchil débarque et tire le bateau vers le rivage. Un jeune Porc-épic arrive de la forêt).
JEUNE PORC-ÉPIC. - Hé toi ! Je cherche le Kanchil ? Sais-tu où je peux le trouver ?
KANCHIL. - Ne cherche plus, mon jeune ami. Je suis Kanchil. Que puis-je faire pour toi ?
JEUNE PORC-ÉPIC, menaçant. - On dit que tu es plus fort que le Tigre, que tu peux battre le Loup, l'Ours et les Crocodiles sans même lever le petit doigt. Alors, si je parviens à te battre, moi, simple Porc-épic, je deviendrai le plus fort de la forêt. Je me ferai une ré-pu-ta-tion ! Battons-vous ! Mais avant le combat, dis-moi comment tu t'appelles, ton âge et l'endroit d'ou tu viens. Je veux savoir le nom de celui que je vais battre. Je le noterai sur mes titres de noblesse !
KANCHIL, calmement. - D'accord, l'ami, d'accord. Je m'appelle Kanchil Tragulus. Je viens de la province de Bornéo et j'ai onze ans.
JEUNE PORC-ÉPIC. - À quelle école de combat appartiens-tu ? Fais-tu partie de l'école des dents, de celle des griffes, de celle épines, de celle des sabots ou de celle des cornes ?
KANCHIL. - Aujourd'hui, mon ami, j'appartiens à l'école de ceux qui gagnent sans se battre.
JEUNE PORC-ÉPIC, perplexe. - J'avoue que je n'ai jamais entendu parler de cette école. Peux-tu m'en dire plus ?
KANCHIL. - Tu en entendras davantage, jeune guerrier, tu en entendras davantage. Mais, mon ami, nous ne combattrons pas sur cette rive, mais sur l'autre.
JEUNE PORC-ÉPIC. - Et pourquoi donc, Kanchil ?
KANCHIL. - Ici, c'est une Terre sacrée. Il est interdit de s'y battre. On dit que le Bouddha lui-même est venu pour s'y reposer. Allons, l'autre rive n'est pas si loin et, ensemble, il nous sera plus facile de ramer.
JEUNE PORC-ÉPIC. - Kanchil, je dois admettre que tu as raison. Traversons et combattons-nous !
(Le Kanchil saute dans le bateau, le pousse hors du rivage et le bateau s'éloigne, laissant le Porc-épic sur la rive).
KANCHIL. - Adieu, mon jeune ami ! Adieu !
JEUNE PORC-ÉPIC, confus. - Reviens, Kanchil, reviens ! Hé, où pars-tu tout seul ? Après tout, toi et moi avons convenu de nous battre...
KANCHIL, moqueur. - Espèce de gros malin, je t'ai déjà vaincu !
(Le bateau s'éloigne).
JEUNE PORC-ÉPIC, confus. - Qu'est-ce que ça veut dire ?
KANCHIL. - (Sa voix) Tout est bien qui finit bien, mon ami, tout est bien qui finit bien.
JEUNE PORC-ÉPIC, criant. - Adieu, Kanchil, adieu ! Et... merci pour la leçon ! Je la retiendrai ! Moi aussi, je saurai gagner sans me battre ! Merci !
RIDEAU