LE KANCHIL ET LES FÉROCÉROS écrit par Nicolas AUBERT Cette histoire est le pastiche d'une saynète d'ombres chinoises qui avait été représentée dans la Marne dans les années 1980. Les écrans avaient la forme de voiles de bateaux, la pièce commençait et finissait par l'arbre de vie, les ombres étaient de vraies poupées wayang. À l'histoire s'ajoutaient des défilés d'ombres plus belles les unes que les autres. Pour travailler avec des élèves, le présent pastiche a été élaboré. Il ne saurait en aucun cas prétendre à égaler la pièce d'ombres de base ni le travail des professionnels qui l'avaient mise en scène et représentée.
La nuit du chevrotain, sur Gallica, semble être à l'origine de tout :
LE KANCHIL ET LES FÉROCÉROS
(.Dans un décor de forêt, un singe arrive par un côté. Il siffle un air connu. On entend un bruit de boîtes de conserves secouées entre elles).
SINGE. - (Il regarde vers l'extérieur de l'écran, du côté du bruit des boîtes de conserve). Qu'est-ce que je vois ? Une soucoupe volante ! Un vaisseau spatial ! Une fusée interplanétaire ! Mama mia ! Qui peut donc se déplacer avec un engin pareil ? Oh ! Quelqu'un en descend. Il vient vers moi. Maman, j'ai peur...
FÉROCÉROS, entrant en scène. - Bip ! bip ! bip !
SINGE. - Quoi ? Comment ? Hein ?
FÉROCÉROS. - J'ai dit bip bip bip ! Qui es-tu ?
SINGE. - Moi ? Eh bien... je suis là, je me promène... je ne suis personne.
FÉROCÉROS. - Eh bien, Personne, je désire parler à ton chef.
SINGE. - Moi, je veux bien mais qui es-tu ?
FÉROCÉROS. - Je suis un Férocéros (prononcer comme rhinocéros) et je viens conquérir ta planète.
SINGE. - Un férocéros, tu dis ? Tu ressembles plutôt à un tigre en combinaison spatiale, c'est tout.
FÉROCÉROS. - Il y a des tigres ici ?
SINGE. - Oh oui. Si j'osais, je dirais même qu'il y a en a bien trop, en tout cas largement assez pour qu'on n'ait pas besoin de toi dans les parages.
FÉROCÉROS. - Ne me fais pas rire, misérable petite personne. Va dire au plus fort de tous les tigres que je veux lui parler.
SINGE. - C'est bien joli tout ça, mais si je dérange le roi de la jungle, il va me mettre en pièces.
FÉROCÉROS. - Dis-lui que s'il ne vient pas, je viendrai le chercher par la peau du cou.
SINGE. - J'aimeras bien voir ça.
FÉROCÉROS. - Dis à ton chef que nous, les férocéros, prenons le commandement de votre planète. Il doit venir ici pour prendre les ordres de mon roi.
SINGE. - Tu crois vraiment que vous allez faire le poids contre notre tigre en chef ? Tu rêves ? Il est fort comme dix éléphants et il ne fera qu'une bouchée de ton roi.
FÉROCÉROS. - On verra. Je vais te donner un poil de la moustache de mon roi. Tu le montreras à ton chef. (Ils sortent tous les deux).
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(Le singe entre en scène avec un poil à la main.)
SINGE, criant. - Kanchil, Kanchil, Kanchil !
ÉLÉPHANT. - Ne crie pas si fort, Singe. Qu'est-ce que tu veux ?
SINGE. - Je dois absolument parler au Kanchil.
ÉLÉPHANT. - Et pourquoi donc ?
SINGE. - Nous sommes attaqués par des tigres venus de l'espace.
ÉLÉPHANT. - Ce n'est que ça. Montre-moi ces tigres et je vais les avaler pour mon petit déjeuner.
SINGE. - Excuse-moi de te le dire, mais ça m'étonnerait que tu fasses le poids. Tiens, regarde, voici un poil de moustache de leur roi.
ÉLÉPHANT. - Un poil de moustache ?! Mais ce tigre doit être énorme, bien plus gros que dix éléphants !
SINGE. - Oui, je ne pense pas que quiconque puisse le battre. De plus, le férocéros que j'ai vu était armé.
ÉLÉPHANT. - Ce sont donc des férocéros ? Oui, petit singe, va vite trouver Kanchil. Lui seul peut avoir une idée pour nous délivrer de ces tigres de l'espace.
SINGE. - Tu as raison, Éléphant, je dois faire vite. (L'éléphant sort. Le singe crie). Kanchil ! Kanchil ! Kanchil !
TIGRE, entrant. - Qu'est-ce que j'entends ? Tu cherches le kanchil ? Tu es son ami ? Rien que pour la moitié de ça, je devrais te transformer en steak haché...
SINGE. - ...Tais-toi donc, sac à puces, l'heure est grave. Nous sommes attaqués par des tigres venus de l'espace. Tiens, regarde, c'est un poil de moustache de leur roi, un férocéros comme ils disent.
TIGRE. - Mais mais mais mais... il doit être plus gros que dix éléphants.
SINGE. - Et plus gros que toi, ça c'est sûr. Alors, si tu veux rester le roi par ici, laisse-moi trouver le kanchil.
TIGRE. - Va donc, petit frère singe, va vite trouver Kanchil.
SINGE. - Oui, tu m'as assez fait perdre de temps.
TIGRE. - Ne t'inquiète pas, je disparais. (Il sort).
SINGE, criant et appelant. - Kanchil ! Kanchil ! Kanchil !
KANCHIL, arrivant. - Bonjour, Singe. Que se passe-t-il ? Pourquoi me cherches-tu ?
SINGE. - Kanchil, nous sommes envahis par des tigres venus de l'espace : des férocéros.
KANCHIL. - Comme si on n'avait pas assez de tigres chez nous, c'est ça ? Va voir l'éléphant. Ses frères et lui vont chasser tes tigres, tu verras.
SINGE. - Non, Kanchil, tiens, regarde, c'est un poil de moustache de leur roi.
KANCHIL. - Houlala ! Ce tigre doit être énçorme... plus gros que tous les tigres d'ici en tous les cas. Mais j'ai une idée, Singe. Dis-moi simplement où sont ces tigres de l'espace. Je m'occupe de tout.
SINGE. - Les férocéros sont dans la clairière près du manguier tordu. Mais, qu'est-ce que je dois faire du poil de moustache ?
KANCHIL. - Donne-le à l'hippopotame, il m'a dit qu'il cherchait un cure-dents. Dis-lui bien que c'est moi qui t'envoie... J'ai une petite histoire à faire oublier.
SINGE. - Je n'y manquerai pas. Au revoir, mon ami Kanchil.
KANCHIL. - Au revoir, Singe. (Le singe sort). Bon, maintenant, il ne me reste plus qu'à trouver Pic-Pic. (Kanchil sort à son tour. Il revient sur l'écran par l'autre côté).
KANCHIL. - Ohé, Pic-Pic, où es-tu ? Ohé ! C'est Kanchil !
PIC-PIC, entrant sur l'écran. - Oh, Kanchil, tu es bien gentil, mais je faisais la sieste, moi. Alors, dis-moi vite ce que tu veux et laisse-moi dormir.
KAKANCHIL. - Eh bien, Pic-Pic, c'est une longue histoire...
PIC-PIC. - ... et je ne veux pas l'entendre, ce que je veux, c'est dormir. Alors, dis-moi : qu'est-ce que tu veux ?
KANCHIL. - C'est bon, j'ai compris. J'ai besoin du plus gros des piquants que tu portes sur le dos. PIC-PIC. - D'accord, mais à une condition.
KANCHIL. - Laquelle ?
PIC-PIC. - Je veux que tu viennes tout me raconter à la saison des pluies.
KANCHIL. - Tu peux compter sur moi, Pic-Pic.
PIC-PIC. - (Il tourne son dos vers le kanchil). Vas-y, sers-toi. Plus ils sont gros et moins ils me font mal quand on les enlève.
KANCHIL. - (Changement d'ombre. Le kanchil est remplacé par l'ombre avec un gros piquant). Merci, Pic-Pic et à bientôt.
PIC-PIC. - À bientôt, Kanchil. Je m'endors debout.. (Pic-Pic sort).
KANCHIL. - Maintenant, allons vite voir ces fameux férocéros ! (Il sort).
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KANCHIL. - (Il entre sur scène). Ohé, les rhinoféros, les on-l'a-dans-l'os, ohé !
FÉROCÉROS. - (Il entre sur scène, face au kanchil). C'est nous que tu appelles ?
KANCHIL. - Nous ? Tu as dit nous ? Tu es pluriellement singulier ou singulièrement pluriel ? Pour quelqu'un de nous, je te trouve bien seul.
FÉROCÉROS. - Qu'est-ce que tu nous veux ?
KANCHIL. - J'ai une livraison. On m'a dit que c'était pour les féroféroces ou quelque chose comme ça...
FÉROCÉROS. - C'est fé-ro-cé-ros ! pas féroféros !
KANCHIL. - D'accord, d'accord, d'accord, ne nous fâchons pas. Bon, le machin, j'ai un message de mon roi pour ton roi et pour toutes les chaussettes à rayures de ton pays.
FÉROCÉROS. - Passe-moi ton message que je puisse te dévorer plus vite !
KANCHIL. - Mon roi m'a demandé de te montrer un de ses poils de moustache.
FÉROCÉROS. - Mais mais mais... il il il est énorme !!!
KANCHIL. - Tu plaisantes ou quoi ? Tu ne crois tout de même pas que mon roi allait retirer un de ses plus beaux poils de moustache pour un mal brossé de ton espèce. Le poil que tu vois est le plus petit des poils de sa majesté.
FÉROCÉROS. - Je ne te crois pas ! Je vais te manger !
KANCHIL. - Mais ce n'est pas possible. Vous, les tigres, vous ne savez dire que ça ! Allez, dépêche-toi car mon roi arrive et il te dévorera avec ta soucoupe volante. Ça lui changera du troupeau d'éléphants qu'il lui faut à chaque repas.