LE PONT CASSÉ
par Paul EUDEL
1886 domaine public
http://www.cineressources.net/images/ouv_num/072.pdf
PERSONNAGES
Henriette, Nicolas. Un officier.
Un batelier. Un cygne. Des canards.
Nicolas et l'Officier.
SCÈNE I
(On fait passer les canards).
HENRIETTE (elle entre en chantant)
Sur le pont
D'Avignon
Tout le monde y passe (bis)
Les demoiselles vont par ci
Les messieurs vont par là.
Sur le pont d'Avignon,
Tout le monde y passe (bis).
Où donc est mon cygne ? je ne le vois points (elle appelle). Mimi ! Mimi ! il ne vient pas (elle appelle). Mimi ! Mimi ! Depuis que ce vilain pont est cassé, ce pauvre oiseau ne veut plus rester près de moi (elle appelle). Mimi ! Mimi ! viens mon petit Mimi ! Viens ! (L'oiseau entre). Ah ! le voici ! oh ! le bel oiseau ! le beau cygne ! petit ! Petit ! viens voir ta petite Henriette ; viens voir ta maîtresse. Je ne lui ai pas donné à manger depuis hier ; il doit avoir faim. Tiens ! Tiens ! (Elle lui jette du pain). Tiens ! Oh ! le bel oiseau! voyez son charmant plumage; il est blanc comme la neige. Tiens ! Tiens ! allons, je n'ai plus rien à te donner : à demain ! adieu, mon petit chéri ! Adieu !... (Elle rentre au logis).
SCÈNE II
(On entend sonner neuf heures).
NICOLAS, entrant en fredonnant. - Tra la la, etc... Nicolas mon ami, il est temps d'aller à l'ouvrage, la cloche vient de sonner neuf heures. Allons ! à l'ouvrage, mon garçon ! à l'ouvrage (il fredonne la ritournelle de la chanson du Pont cassé ; la la la, etc. et chante).
Je travaille au pont cassé.
Tire lire lire, loure loure loure.
Je travaille au pont cassé.
Tireliron fa.
SCÈNE III
L'OFFICIER, NICOLAS.
L'OFFICIER. - Eh ! dis donc, l'ami, peut-on passer la rivière ?
NICOLAS. - Les canards l'ont bien passée.
Tire lire lire, etc.
L'OFFICIER. - Est-elle profonde ?
NICOLAS. - Les cailloux touchent à la terre
Tire lire lire, etc.
L'OFFICIER. - Tu me parais de belle humeur ce matin, mon garçon ; mais, dis-moi, ne vend-on point du vin dans ce cabaret ?
NICOLAS. - On en vend plus qu'en en donne.
Tire tire tire, etc.
L'OFFICIER. Est-il bon au moins ?
NICOLAS. - Il est si bon qu'il se laisse boire.
Tire lire lire, etc.
L'OFFICIER.
Allons ! laisse un moment tes plaisanteries de côté et dis-moi où conduit ce chemin que je vois près d'ici.
NICOLAS. - Tout chemin mène à la ville.
Tire lire lire, etc.
L'OFFICIER. - Sans doute ; mais ce n'est pas là précisément ce que je te demande et jusqu'à présent tu n'as répondu à aucune de mes questions. Voyons, me diras-tu au moins quelle heure il est ?
NICOLAS, lui montrant le derrière. - Regardez, voici l'horloge.
Tire lire lire, etc.
L'OFFICIER. - Ah ! Maraud ! tu te moques de moi, je crois, attends, je vais, de ma canne, te frotter les épaules, et l'apprendre à faire l'insolent. À moi, holà ! Hé ! Matelot ! un bateau pour passer l'eau ! (Il sort. On entend te matelot qui répond).
MATELOT. - À vot' service, monsieur l'Officier, j' sommes sur l' paré.
NICOLAS. - Si tu avances, moi je recule.
Tire lire lire, etc.
(Le bateau passe avec l'officier).
NICOLAS, en travaillant. - Haim ?... Haim ?... s'il pouvait leur tomber quelque pierre sur la tête...Je travaille au pont cassé.
Tire lire lire, etc.
SCÈNE III
NICOLAS, L'OFFICIER (sa canne à la main).
L'OFFICIER. - Ah ! coquin, te voilà !... (Il le frappe). Tiens ! Tiens ! voila pour payer tes insolences.
NICOLAS. - Holà ! Ho ! Monsieur l'Officier, ho ! doucement, s'il vous plaît !
RIDEAU