THÉÂTRE D'OMBRES ET DE SILHOUETTES

LE RENARD ET LA CIGOGNE

le renard et la cigogne fable en ombres chinoises theatre d`ombres silhouettes marionnettes

http://igry-detei.ru/page/tenevoj-teatr

* * *

PERSONNAGES :

LE RENARD
LA CIGOGNE



DÉCORS : les abords d'une mare.

 par Mesdemoiselles AUROY
1930

domaine public

http://gallica.bnf.fr/ark:/12148/bpt6k8887770/f91.image

* * *

PREMIER TABLEAU

UN  COIN  PRÈS  DE  L’ÉTANG

(La scène sera jouée du côté gauche de l'écran).

 

jonc, rivière, rive, décor théâtre d`ombres, ombres chinoises, silhouettes, marionnettes.

LE RENARD. - Hé ! bonjour, commère la Cigogne !

LA CIGOGNE. - Bonjour, compère le Renard !


LE RENARD. - Je suis venu du côté de l'étang pour vous rencontrer. Venez donc déjeuner avec moi demain. Je vous ferai goûter d'une bouillie exquise. Vous m'en direz des nouvelles !

LA CIGOGNE. - J'accepte avec plaisir, cher monsieur Renard. Vous êtes trop aimable.

LE RENARD. - Donc, à demain, madame la Cigogne. Ne vous mettez pas en retard. Le déjeuner sera cuit à midi.

LA CIGOGNE. - Je serai exacte, je vous le promets. À demain !

LE RENARD, seul. - Attends un peu, commère aux longues pattes ! Ah ! tu crois que je vais te laisser manger ma bouillie ? Tu n'auras rien, rien, rien ! Si je t'ai invitée, c'est pour te jouer un bon tour. Je vais bien rire. Ha ! ha ! ha !


DEUXIÈME TABLEAU

CHEZ LE RENARD

jonc, rivière, rive, décor théâtre d`ombres, ombres chinoises, silhouettes, marionnettes.

La scène peut représenter une clairière dans un bois.
Au milieu de la scène, une assiette.

LE RENARD, seul. - Voilà la bouillie prête ! Et maintenant, ma stupide commère, vous pouvez venir. Je ris à l'avance du nez, je veux dire du bec que vous allez faire. (Il danse autour de l'assiette). Cette bouillie, je l'ai versée dans une assiette plate, et nous verrons bien si vous arrivez à en attraper une miette. (Il chante).

Air : Marie, trempe ton pain).

          Quel plaisir !
          Vraiment, quel plaisir

          De jouer de bons tours aux autres !
          Quel plaisir !
          Vraiment, quel plaisir
          De bien les tromper et d'en rire !

     Ah ! J'entends mon invitée. Prenons notre air le plus aimable. (La cigogne entre). Bonjour, chère hôtesse. Comment va la santé ? Et l'appétit ?

LA CIGOGNE. - Grand merci, cher Renard, l'appétit est bon : je sens que je vais faire honneur à votre déjeuner.

LE RENARD. - Tant mieux ! Ma bouillie est cuite à point. Vous allez vous régaler. (Montrant l'assiette). Approchez-vous.

     (La cigogne essaye de prendre avec son bec. Le renard mange gloutonnement).

LA CIGOGNE, à part. - Impossible d'en attraper une miette avec mon bec pointu. Ce renard est méchant. Il a fait exprès de servir la bouillie dans cette assiette plate.

LE RENARD. - Qu'en dites-vous, chère Cigogne ?

LA CIGOGNE. - Heu... heu... excellent ! (Elle essaye de nouveau d'attraper avec son bec). (À part). Décidément, impossible d'en attraper une miette, j'y renonce ! Du reste, ce coquin, en quelques coups de langue, aura vite fait de nettoyer l'assiette.

LE RENARD, qui a terminé. - Ma chère Cigogne, si ma cuisine vous plaît, revenez me voir quelquefois.

LA CIGOGNE. - Je n'y manquerai pas. (À part). Coquin ! Brigand ! Tu m'y reprendras. (Au renard). En attendant, venez donc me voir demain. Je pêcherai dans l'étang quelques bons poissons dont vous vous régalerez.

LE RENARD. - J'adore le poisson et je sais que vous êtes très bonne cuisinière. J'accepte avec plaisir.

LA CIGOGNE. - À demain !

LE RENARD. - À demain !

 

TROISIÈME TABLEAU

CHEZ LA CIGOGNE

* * *

Le coin près de l'étang.

(La scène sera jouée du côté droit de l'écran).

LA CIGOGNE, seule. - Voilà mon poisson prêt. Je l'ai coupé en tout petits morceaux avant de la faire cuire. Ah ! brigand, tu disais hier que tu adores le poisson ! Tu n'en auras pas le moindre petit bout ! J'ai trouvé le moyen de t'attraper à mon tour. Hier, tu m'as servi ta bouillie sur une assiette plate ; aujourd'hui, je te servirai mon poisson dans ce grand vase (elle montre le vase) dont le col est si étroit que ton museau n'y pourra pas passer... Nous verrons bien qui rira le dernier, rusé compère !

     (Elle chante. Air : Marie, trempe ton pain).

          Cher Renard,
          Cher petit Renard,

          Tu joues de bons tours aux autres.
          Cher Renard,
          Cher petit Renard,
          Mais on se venge tôt ou tard.

     Voilà mon invité.

LE RENARD. - Bonjour, chère amie !

LA CIGOGNE. - Bonjour, compère le Renard.

LE RENARD. - Votre poisson a une odeur délicieuse ! (Il fait entendre des claquements de langue significatifs).

LA CIGOGNE. - Vite, à table !

LE RENARD. - Mais où donc avez-vous servi le poisson, dame Cigogne ?


LA CIGOGNE. - Dans ce grand vase, cherchez bien tout au fond.

LE RENARD, à part. - Jamais je ne pourrai en attraper un seul morceau. Ce vase est trop étroit. Je commence à croire que la Cigogne a voulu se venger de moi. Essayons tout de même. (Il essaye d'entrer son museau dans le vase). Aïe ! Aïe ! je m'écorche le museau ! (Il essaye de nouveau). Aïe ! J'étouffe ! C'est impossible.

LA CIGOGNE, qui a terminé. - N'est-ce pas que ce poisson est excellent ?

LE RENARD. - Hum ! hum ! en effet... excellent. (À part). Sans compter que j'ai une faim terrible ! Et moi qui adore le poisson !

LA CIGOGNE. - J'espère, Renard, que vous reviendrez de temps en temps goûter le poisson de l'étang

LE RENARD. - Cette Cigogne se moque de moi, j'enrage ! Moi, Renard, être dupé par cette bête stupide ! (Sèchement). Au revoir, Madame, mes compliments. (Il sort).

LA CIGOGNE. - (Elle chante. Air : Bon voyage, monsieur Dumollet).

          Bon voyage, ô malin Renard,
          Va-t-en honteux, humilié, tête basse,

          Bon voyage, ô malin Renard,
          De mon festin, tu n'as pas eu ta part !


RIDEAU


 LE  RENARD  ET  LA  CIGOGNE

Compère  le Renard se mit un jour en frais,
Et retint à dîner commère la Cigogne.
Le régal fut petit et sans beaucoup d'apprêts :
Le galant, pour toute besogne
Avait un brouet clair (il vivait chichement).
Ce brouet fut par lui servi sur une assiette.
La Cigogne au long bec n'en put attraper miette ;
Et le drôle eut lapé le tout en un moment.
Pour se venger de cette tromperie,
À quelque temps de là, la Cigogne le prie.
"Volontiers, lui dit-il, car avec mes amis
Je ne fais point cérémonie."
À l'heure dite, il courut au logis
De la Cigogne son hôtesse ;
Loua très fort sa politesse,
Trouva le dîner cuit à point.
Bon appétit surtout ;renards n'en manquent point.
Il se réjouissait à l'odeur de la viande
Mise en menus morceaux, et qu'il croyait friande.
On servit, pour l'embarrasser
En un vase à long col, et d'étroite embouchure.
Le bec de la Cigogne y pouvait bien passer,
Mais le museau du Sire était d'autre mesure.
Il lui fallut à jeun retourner au logis,
Honteux comme un Renard qu'une Poule aurait pris,
Serrant la queue, et portant bas l'oreille.
Trompeurs, c'est pour vous que j'écris,
Attendez-vous à la pareille.

Jean DE LA FONTAINE


 

 
 



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