LES VIERGES SAGES
ET
LES VIERGES FOLLES
L'Époux.
Ce mystère est tiré de l'ouvrage Mystères du moyen-âge : mystères liturgiques par Adolphe d'Avril (1822-1904), édité en 1892.
Il est disponible sur le site de Gallica (site de la Bibliothèque Nationale) et libre de droits.
Son adaptation aux ombres chinoises et à un langage plus contemporain a induit des changements dans le texte. Il sera bon, si on le désire, de se reporter au texte de base :
LES VIERGES SAGES
ET
(Le théâtre représente la sortie d'un village : maison d'un côté, arbre de l'autre. Un soleil est présent au milieu de l'écran. On le retirera à la fin du monologue du Maître du jeu.)
LE MAÎTRE DU JEU, à l'assistance.
L'époux, qui est le Christ, vient : Que les vierges veillent !
Tous les hommes joyeux chanteront ses merveilles.
Il vient pour délivrer toutes les nations,
Qu’Ève, par son péché, soumettait aux démons.
C'est un second Adam, prédit par le prophète,
Qui du premier Adam répare la défaite.
Il mourra sur la croix, pour nous rendre le Ciel,
Et pour nous délivrer de l'Ennemi mortel.
Il va venir, l'Époux qui, pour laver nos crimes,
En mourant sur la croix, nous tire des abîmes.
(Le maître du jeu sort, l'ange Gabriel arrive d'un côté tandis que les vierges folles entrent de l'autre.)
L'ANGE GABRIEL
Écoutez, vierges, ce que je vous dirai :
Ayez présent ce que j'ordonnerai.
L'Époux viendra ; Jésus il est nommé.
Point ne vous endormez :
Voici l'Époux, lui que vous attendez !
Sur terre, il est venu pour nos péchés.
À Bethléem de la Vierge il est né.
Dans le Jourdain, Jehan l'a baptisé,
Point ne vous endormez ;
Voici l'Époux, lui que vous attendez !
Le Christ sera battu et renié ;
Et sur la Croix son corps sera cloué ;
Puis il sera au sépulcre couché.
Point ne vous endormez ;
Il vient l'Époux, lui que vous attendez !
Comme les Saints nous l'ont prophétisé,
Après trois jours sera ressuscité.
Moi, Gabriel, je viens vous l'annoncer.
Point ne vous endormez ;
Il vient l'Époux, lui que vous attendez !
(La lumière s'abaisse, Les vierges folles sortent. Le maître du jeu arrive par l'autre côté, traverse l'écran et fait mine de regarder les vierges folles qui sont dans la maison.)
LE MAÎTRE DU JEU, à l'assistance.
Les vierges folles se sont toutes endormies :
L'huile de leurs lampes par terre est répandue.
L'une d'entre elles s'est réveillée et crie :
UNE VIERGE FOLLE, voix.
Venez, mes soeurs, car nous sommes perdues
L'Epoux viendra, nous serons dans le noir.
L'huile des lampes à terre est répandue
Réveillez-vous mes soeurs et s'il est quelque espoir,
Dites-le moi bien vite, déjà, je n'en peux plus.
LES VIERGES FOLLES
Par notre faute, notre huile est répandue.
De la lumière nous voilà dépourvues !
C'est vers nos sœurs que nous sommes venues ;
C'est notre espoir ! Qu'il ne soit pas déçu !
Ah ! Pauvres malheureuses, nous avons trop dormi !
(Elles s'adresseront aux vierges sages.)
Vous, nos compagnes, dans le même voyage,
Ô vous, nos sœurs dans le même lignage !
Bien qu'il nous soit arrivé grand dommage,
Faites-nous rendre le céleste apanage.
Ah ! Pauvres malheureuses, nous avons trop dormi !
Ah ! Prêtez-nous l'huile avec la lumière.
Nous sommes folles ! Pitié pour nos misères !
L'Époux va vous admettre à ses mystères,
Et nous laisser dehors, dans sa colère.
Ah ! Pauvres malheureuses, nous avons trop dormi !
LES VIERGES SAGES
Cessez, nos sœurs ; cessez de nous prier.
C'est vainement que vous continuerez
Et à gémir et à nous demander ;
Car rien de plus de nous vous n'obtiendrez.
Ah ! Pauvres malheureuses, vous avez trop dormi !
Allez plutôt, allez tout doucement
Quérir de l'huile auprès de ces marchands,
Pour remplacer l'huile qu'imprudemment
Avez laissé se répandre en dormant.
Ah ! Pauvres malheureuses, vous avez trop dormi !
LES VIERGES FOLLES
Ah ! Malheureuses, hélas ! Qu'avons-nous fait ?
Pourquoi ne pas veiller comme il fallait ?
De notre faute nous subissons l'effet.
Notre malheur, c'est nous qui l'avons fait.
Ah ! Pauvres malheureuses, nous avons trop dormi !
À ces marchand, sans retard, demandons
Leur marchandise que nous achèterons,
Pour remplacer l'huile que nous avons
Laissé couler pendant que nous dormions.
Ah ! Pauvres malheureuses, nous avons trop dormi !
(Alors les vierges folles iront parler aux marchands.)
LES MARCHANDS
Gentilles dames, ici vous ne pouvez
Auprès de nous plus longtemps demeurer.
Ce qu'il vous faut, nous ne pouvons donner.
Allez quérir qui peut vous consoler.
C'est à vos sœurs qu'il vous faut recourir.
À donner l'huile — par votre repentir —
Au nom de Dieu, faites-les consentir.
Mais hâtez-vous ; car l'Époux va venir.
(Alors les vierges folles retourneront vers les vierges sages.)
LES VIERGES SAGES
Vous ne pouvez de nous rien espérer.
Nous n'avons pas d'huile pour vous donner.
À ces marchands que là-bas vous voyez,
Allez, nos sœurs, allez en demander.
LES VIERGES FOLLES
À qui aller, hélas ! Nous ne savons :
Il n'y a pas ce qu'ici nous cherchons.
Tout est fini ! Bientôt nous le verrons.
Hélas ! Aux noces, jamais nous n'entrerons.
Ah ! Pauvres malheureuses, nous avons trop dormi !
Nous gémissons ici, divin Époux !
Laisse ta porte s'ouvrir aussi pour nous.
Ah ! Que nos pleurs apaisent ton courroux.
Avec nos sœurs au festin reçois-nous.
(Bientôt, l’Époux se présentera.)
LE CHRIST
Vous manquez de lumière ; je ne vous connais pas.
De ceux qui l'ont perdue ici nul n'entrera,
Ah ! Malheureuses, vous êtes condamnées !
À des tourments sans fin serez livrées ;
Car dans l'enfer vous serez entraînées.
(Les démons saisiront les vierges folles, et elles seront précipitées dans l'enfer.)
démons
FIN DU MYSTÈRE
Le maître du Jeu