THÉÂTRE D'OMBRES ET DE SILHOUETTES

ARLEQUIN CORSAIRE*

 

PIÈCE À LA SILHOUETTE

du théâtre Séraphin

 

Avant 1789

http://openlibrary.org/books/OL23549332M/Histoire_de_ce_spectacle_depuis_son_origine_jusqu'a_sa_disparition_1776-1870.

PERSONNAGES :

Arlequin, Corsaire,
Son Lieutenant,
Première Recrue,
Deuxième Recrue.

 

(*) Devenu à l'époque de la Révolution Arlequin patriote.
 


     Cette pièce d'ombres est tirée de l'ouvrage consultable et téléchargeable en ligne, auquel on pourra se reporter :

http://openlibrary.org/books/OL23549332M/Histoire_de_ce_spectacle_depuis_son_origine_jusqu'a_sa_disparition_1776-1870. Le tout fait partie du domaine public.


 

maison en théâtre d`ombres chinoises silhouettes

 

SCÈNE  PREMIÈRE.

 

Arlequin, le Lieutenant.

karagoz hacivat en ombres chinoises théâtre d`ombres silhouettes marionnettes
Lieutenant

LE  LIEUTENANT. - Oui, mon capitaine, ce sont des jeunes gens que l'amour de la gloire engage à se ranger sous vos drapeaux. Je vous les présente pour que vous les examiniez et jugiez par vous-même s'ils sont convenables.
 

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Arlequin

ARLEQUIN. - C'est bon, lieutenant. Allez à mon vaisseau et dites-lui qu'il se tienne prêt à mettre à la voile cet après-midi.

LE  LIEUTENANT. - Si vous vouliez, capitaine, le vent est bon, et nous pourrions partir ce matin même.


ARLEQUIN. - Non pas, sangodémi, monsieur le lieutenant ; je veux dîner auparavant. On dit que quand un vaisseau est bien lesté, il marche mieux ; hé bien, mon ventre ressemble à un navire : il faut qu'il ait sa charge avant de démarrer. Ecoutez, vous direz à mes canons de se bien garnir la panse afin de pouvoir cracher au nez de l'ennemi, s'il vient à nous regarder de travers.

LE  LIEUTENANT. - C’est bien, mon capitaine.

ARLEQUIN. - Vous ferez aussi boire la goutte à tous les gens de l'équipage, afin qu'ils aient plus de cœur à me défendre, si nous venions à en découdre.

LE  LIEUTENANT. - Ça suffit, ils vont la boire à votre santé.

ARLEQUIN. - À ma santé ! Attendez donc ; ça me fait faire une réflexion. Ils en boiraient ainsi dix verres à ma santé, que ça ne la rendrait pas meilleure ; mais vous attendrez que je sois arrivé ; je trinquerai avec eux et ma santé s'en sentira davantage.

LE  LIEUTENANT. - Je crois que vous avez raison.

ARLEQUIN. - Oui, j'ai comme ça tout plein de revenez-y qui ne sont pas d'un sot, voyez-vous ; et ça me fait penser encore à une chose : Avez-vous engagé un cambusier ?

LE  LIEUTENANT. - Non, mon capitaine, pas encore. Comme c’est à cet homme-là que sont confiées les clefs du vin, de l'eau-de-vie et des liqueurs, on ne saurait le choisir trop fidèle.

ARLEQUIN. - Vous dites bien, et vous n'en engagerez pas, entendez-vous, c’est une charge que je supprime. Dorénavant, dans les vaisseaux que je commanderai, je garderai les clefs de la cave moi-même. Allez à présent, et envoyez-moi les recrues.

(Le lieutenant sort).

 

SCÈNE  II

 

Arlequin, première recrue.

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la recrue

LA  RECRUE, avec un accent traînard. - Salut, mon capitaine.

ARLEQUIN. - Comment t'appelles-tu ?

LA  RECRUE. - Qu'est-ce-que-ça-vous-fait.

ARLEQUIN. - Comment, qu'est-ce que ça me fait ? Ça me fait que je veux le savoir, puisque je te le demande. Voyons, comment est-ce que tu t'appelles ?

LA  RECRUE. - Qu'est-ce-que-ça-vous-fait, encore une fois.

ARLEQUIN. - Hé mais, mon drôle, je te trouve bien impertinent ! Est-ce que l'on parle comme cela à un capitaine, et à un capitaine de corsaires ?

LA RECRUE. - Mais, mon capitaine, je ne peux pas parler autrement. Vous me demandez mon nom, n'est-ce pas ?

ARLEQUIN, le contrefaisant. - Vous me demandez mon nom, n'est-ce pas ?... Sans doute, que je te le demande.

LA RECRUE. - Hé bien, mon capitaine, je vous le répète : Qu'est-ce-que-ça-vous-fait.

ARLEQUIN. - Mais ça me fait tout, animal. Est-ce que je peux t'engager sans savoir ton nom ?

LA RECRUE. - Hé bien, vous le savez aussi, mon capitaine.

ARLEQUIN. - Ça n'est pas vrai, je ne le sais pas, puisque quand je te le demande, tu me réponds toujours : Qu'est-ce-que-ça-vous-fait.

LA RECRUE. - Mais je ne puis pas vous répondre autrement.

ARLEQUIN. - Tu ne le sais donc pas toi-même, ton nom ?

LA RECRUE, riant niaisement. - Oh ! que si fait, que je le sais.

ARLEQUIN. - Alors, dis-le moi.

LA RECRUE. - Voilà une heure que je vous dis : Qu'est-ce-que-ça-vous-fait.

ARLEQUIN. - Ohimé ! voilà encore son diable de qu'est-ce que ça vous fait. Ah ! ça, veux-tu parier que je te vas rincer les épaules, et nous verrons qu'est-ce que ça te fera, à ton tour.

LA RECRUE. - Mais, mon capitaine, vous vous fâchez mal-à-propos, ou vous ne voulez pas me comprendre : vous me demandez mon nom, pas vrai ; et bien, voilà quatre ou cinq fois que je vous le dis.

ARLEQUIN. - Mais non, mais non. Tu ne m'as jamais dit autre chose que : Qu'est-ce-que-ça-vous-fait.

LA RECRUE. - Certainement, puisque c'est mon nom.

ARLEQUIN, riant. - Comment, c’est ton nom ! Tu t'appelles Qu'est-ce-que-ça-me-fait ?

LA  RECRUE. - Je ne vous dis pas : Qu'est-ce-que-ça-me-fait -fait ; mais Qu'est-ce-que-ça-vous-fait... vous fait... là !

ARLEQUIN. - Qu'est-ce-que-ça-vous-fait ! Ah ! vous fait !... Qu'est-ce-que-ça-vous-fait ? Voilà un singulier nom : il n'est pas bon pour les curieux, par exemple. Et c’est ton nom de famille, ça ?

LA  RECRUE. - Oui, mon capitaine.

ARLEQUIN. - Mais est-ce que tu n'en aurais pas un autre plus commode et plus poli ?

LA RECRUE. - Oh ! si, mon capitaine, j'ai un nom de guerre.

ARLEQUIN. - Eh bien, dis-le moi, ton nom de guerre.

LA  RECRUE. - Je le veux bien, Ça-m'est-égal.

ARLEQUIN. - Je le crois bien, mais ça ne me l'est pas à moi. Allons, dis-moi vite ton nom.

LA  RECRUE. - Oh ! mon Dieu, mon capitaine, Ça-m'est-égal.

 
 



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