THÉÂTRE D'OMBRES ET DE SILHOUETTES

DOUBLŒIL. - Voilà un ménage vite fait ! J'espère que je pourrai revoir la vieille dame pour lui dire merci. (Doubloeil sort avec sa chèvre).
 

LE  COMPLOT

 

Décor : la campagne, la maison.

Ombres : la mère, Uniqu
œil, Doublœil, Triplœil.

 

NARRATEUR. - (Doublœil entre et sera manipulée en suivant les indications du narrateur). Le soir, quand elle rentra à la maison avec sa chèvre, Doublœil trouva sa méchante gamelle avec la pitance que lui avaient laissée ses soeurs. Elle n'y toucha pas. Le lendemain, elle reprit le chemin des champs avec sa chèvre sans manger les miettes qu'on lui avait données (Doublœil sort, ses soeurs et sa mère entrent dans la maison).
     Tout d'abord, ses soeurs ne s'aperçurent pas de son manège. Mais comme il en fut ainsi tous les jours, elles finirent par le remarquer.


UNIQUŒIL. - Quelque chose ne va pas. Chaque jour, Doublœil laisse son repas alors qu'autrefois elle mangeait tout ce qu'on lui donnait. En plus, elle a du gras entre les côtelettes.

TRIPLŒIL. - Oui, elle a dû trouver quelque autre moyen de se nourrir. C'est simple : je lui  avais laissé le trognon de ma pomme et elle ne l'a pas mangé.

MÈRE. - Il faut faire quelque chose. Uniquœil,  tu devras accompagner Doubloeil aux champs. Tu observeras ce qui s'y passe et tu verras si quelqu'un apporte à manger et à boire à ta soeur.

UNIQUŒIL. - Très bien maman  (La mère et Triplœil sortent. Doubloeil entre).

UNIQUŒIL. - Doublœil, je vais aller aux champs avec toi pour voir si tu gardes bien la chèvre et si tu la conduis où elle trouve à manger.

DOUBLŒIL. - Très bien, ma soeur (Elles sortent et arrivent à la campagne avec la chèvre).

     Viens t'asseoir, Uniquœil, je vais te chanter une chanson. (Uniquoeil s'assoit.)

Uniquœil, veilles-tu ?
Uniquœil, dors-tu ?
Uniquœil, dors-tu, dors-tu, dors-tu ?

     Ca y est, Uniquœil s'est endormie (mettre un cache devant l'oeil d'Uniquoeil). Profitons-en.

Chèvre, fais beh !
Table se met !

(La chèvre est remplacée par la table).

 

NARRATEUR. - Doublœil s'assit devant sa petite table, mangea et but tout son content. Puis elle dit :

DOUBLOEIL. -

Chèvre, fais beh !
Table disparais !

 

     (Tout disparaît. Doubloeil réveille Uniquœil).

    Uniquœil, tu voulais garder la chèvre et voilà que tu dors. Pendant ce temps, notre bête aurait pu s'enfuir n'importe où. Viens, nous allons rentrer à la maison !

     (Elles sortent de l'écran. Uniquœil réapparaît et rencontre sa mère).

MÈRE. - Alors ? Qu'est-ce qui s'est passé ?

UNIQUŒIL. - Je me suis endormie.

MÈRE. - Ce n'est pas grave, Uniquœil. Doublœil est ma fille, après tout, elle est un peu sorcière. Je vais envoyer Triplœil l'accompagner. Il ne fait aucun doute qu'elle mange et boit en secret. (La mère et Uniquœil sortent. Triplœil et Doublœil entrent).

TRIPLŒIL. - Doublœil, je vais aller avec toi pour voir si la chèvre est bien gardée et si tu la conduis là où elle trouve du fourrage.

DOUBLŒIL. - Comme tu voudras, Triplœil. (Elles sortent avec la chèvre et réapparaissent à la campagne). Nous allons nous asseoir, Triplœil, et je vais te chanter une chanson. (Triplœil s'assoit.)

    Triplœil, veilles-tu ?
    Doublœil, dors-tu ? 

Doublœil, dors-tu, dors-tu, dors-tu ?


TRIPLŒIL. - (à elle-même) Quelle idiote, elle a dit Doublœil, dors-tu au lieu de dire Triplœil, dors-tu. Mon troisième oeil ne dort pas. Regardons bien ce qui va se passer.

DOUBLŒIL. -

Chèvre, fais beh !
Table se met !

(La chèvre est remplacée par la table).

Chèvre, fais beh !
Table disparais !

(La chèvre revient à la place de la table).


     (Doublœil s'approche de Triplœil). Eh ! Triplœil, tu t'étais endormie !  Viens, nous allons rentrer ! (Elles sortent. Triplœil entre seule à la maison où se trouve déjà sa mère).

TRIPLOEIL. - Maman, maman, je sais maintenant pourquoi cette orgueilleuse ne mange pas ! Elle dit des mots à la chèvre et une petite table apparaît devant elle, avec le meilleur des repas, bien meilleur que celui que nous avons ici.
     Quand elle a bien mangé, elle dit d'autres paroles 
et il n'y a plus rien. J'ai tout vu.

MÈRE. - Elle veut vivre mieux que nous ! Nous allons lui en faire passer le goût ! je vais, de ce pas, couper le cou à la chèvre (Elle sort).



LES  POMMES  D'OR
 

     (Doublœil arrive à la campagne et elle pleure. La fée arrive).


FÉE. - Doublœil, pourquoi pleures-tu ?

DOUBLŒIL. - Ma mère vient de couper le cou de ma chèvre. Je vais de nouveau mourir de faim.

FÉE. - Doublœil, je vais te donner un bon conseil : demande à tes soeurs qu'elles te remettent les entrailles de la chèvre et enterre-les devant la porte de la maison. Cela te portera chance. (L'écran s'éteint).

arbre
 

NARRATEUR. - Doublœil prit les entrailles et, sans bruit, elle les enterra devant la porte de la maison.
     Le lendemain, un arbre magnifique avait poussé devant la porte. Ses feuilles étaient d'argent, des fruits d'or y pendaient.

     (La mère et ses trois filles arrivent devant l'arbre).

 

UNIQUŒIL. - (Elle s'approche de l'arbre). Comment ? Je n'arrive pas à cueillir de pommes. On dirait qu'elles me fuient.

TRIPLŒIL. - (Elle s'approche de l'arbre, à son tour). C'est pareil pour moi. Pourtant, avec mes trois yeux, j'y vois mieux que toi.


MÈRE. - (Elle fait comme ses deux filles). C'est pareil pour moi. Ce n'est pas croyable !

DOUBLŒIL. - Je vais monter à mon tour. Peut-être réussirai-je ?


MÈRE. - Toi, avec tes deux yeux, tu veux rire !

DOUBLŒIL. - Regardez, les pommes viennent d'elles-mêmes dans ma main. (On entend un bruit de galop. La mère met un tonneau sur Doublœil).

tonneau
 

PRINCE. - (Il arrive sur son cheval et s'adresse à la mère de Doubloeil). Bonjour mesdames. Je suis le prince Rodolphe. À qui appartient ce bel arbre ? Celle qui m'en donnera un rameau pourra me demander ce qu'elle voudra.
 


prince
 

UNIQUŒIL, TRIPLŒIL, MÈRE. - (Elles s'agitent autour de l'arbre). Moi ! moi ! moi ! (Un temps). Oh non, l'arbre ne veut pas nous donner ses pommes.

PRINCE. - Voilà qui est étonnant. L'arbre vous appartient et vous êtes incapables d'y cueillir quelque chose.

cheval
 

MÈRE. - C'est que j'ai une troisième fille : Doublœil...

PRINCE. - Doublœil, montre-toi ! (Doublœil sort de son tonneau). Toi, Doublœil, tu pourras certainement briser pour moi une branche de l'arbre.

DOUBLŒIL. - Oui, je peux le faire car l'arbre m'appartient (Une branche amovible vient se poser dans la main de Doublœil. Elle la donne au prince).


PRINCE. - Que veux-tu en échange de cette branche, Doublœil ?

DOUBLŒIL. - Je souffre de la faim et de la soif, du chagrin et de la misère, du matin jusqu'au soir. Si vous pouviez m'emmener et me donner la liberté, je serais heureuse.

PRINCE. - Je vais faire tout cela, Doublœil, tu es si belle. Voudrais-tu devenir ma femme ?

DOUBLŒIL. - C'est mon plus grand rêve, mon prince (Doublœil monte sur le cheval avec le prince et ils sortent).


MÈRE. - Qu'elle parte, cette idiote ! L'arbre merveilleux reste à nous. On va faire payer les imbéciles qui voudront le voir (L'arbre bouge). Quoi ? Que se passe-t-il ? (L'arbre sort).

ÉPILOGUE

Le décor montre le château et la ville.

 

château

NARRATEUR. - (Doublœil, ses soeurs et sa mère se promènent sur l'écran). On raconte que, plus tard, la reine Doubloeil accueillit sa mère et ses soeurs au château et qu'elle s'en occupa avec beaucoup d'amour. On dit également que sa mère et ses deux soeurs regrettèrent d'avoir été méchantes avec elle aux temps anciens.

 
 



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