THÉÂTRE D'OMBRES ET DE SILHOUETTES

SCÈNE  V


MACLOU. - Ah ! ça va mieux. J'avons mangeai quatre assiettais de soupe, et quelle soupe ! la cuillère tenait tout debout dedans.
      Maintenant, je ferions ben mein petit somme, afin de facilitai la digestion, mais mame Claudine avont l'oeil partout. Ah ! quand j' serons riche, je ferons sept repas par jour et j' dormirons entre mes repas.

  Air : Marie, tremp' ton pain !

J' f'rons trois déjeuners,
Je f'rons trois dîners :
Quell' bombance,
Quelle chance !
J' f'rons trois déjeuners,
J' f'rons trois dîners
Et j'aurons douze cuisiniers !

CLAUDINE
(voix dans la coulisse). - Maclou, n'oublie pas de fendre la grande pièce de bois qui est dans la cour.

MACLOU. - Oui, la bourgeoise. (À part). Ah ben ! ah ben ! v'là qui va être fatigant et pénible ! oh ! j'apercevons Mathurin ; j'allons le priai de fendre ce bois à ma place. (Il crie). Mathurin.

MATHURIN, dans la coulisse. - Qu'y a-t-il pour ton service ?

MACLOU. - Venez par ici, mon homme.

MATHURIN, dans la coulisse. - J'arrive, j'arrive.

MACLOU. - C'est à seule fin d' vous priai de me fendre cette pièce de bois qu' vous voyez dans c' coin là-bas.

MATHURIN. - Volontiers, mais pourquoi ne la fends-tu pas ?

MACLOU. - J' sons trop petit et le bois est trop gros !

MATHURIN, entrant. - Ajoute que tu es paresseux et maladroit.



SCÈNE  VI


MACLOU, MATHURIN
 

MATHURIN. - Tiens, voici comment on s'y prend. (Il fend le bois). Hein ! Hein ! Ca y est.

MACLOU. - Jarangoi ! Déjà !

MATHURIN. - Sans doute.

MACLOU. - En vous remerciant. Ah !... ne dites point à mame Claudine que c'est vous, pas vrai ?

MATHURIN. - Sois tranquille.

MACLOU. - À la bonne heure. En vous remerciant derechef.

MATHURIN. - Au revoir

MACLOU. - À la revoyure.

     (Mathurin sort).


SCÈNE  VII

MACLOU, puis CLAUDINE

 

MACLOU, riant. - Eh ! eh ! eh ! De c' te façon, v'là m' n'ouvrage faite, j'avons plus qu'à me reposai, pour le quart d'heure.

CLAUDINE. - Eh bien, ce bois ?


MACLOU. - Le v'là dans le coin.

CLAUDINE. - À la bonne heure ! tu n'as pas été long.

MACLOU. - Et comme il est bien fendu !

CLAUDINE. - C'est vrai.

MACLOU. - Et bien rangé.

CLAUDINE. - C'est encore vrai. Voyons. (Elle regarde). Je te fais mon compliment.

MACLOU. - Voyez-vous, la bourgeoise, quand je m' mettons à la besogne, j'en abattions, j'en abattions.

CLAUDINE. - Malheureusement, tu ne t'y mets pas souvent. (À part). S'il croit que suis sa dupe, que je n'ai pas vu Mathurin, il se trompe.

MACLOU. - Qu'est-ce que vous faites là, bourgeoise ?

CLAUDINE. - Tu le vois bien, je prends de l'eau à la fontaine pour donner à boire aux bestiaux. (Elle écoute). Qu'est-ce que j'entends là ?

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MACLOU. - Allons bon ! C'est don pourceau qui est sorti de la porcherie...

CLAUDINE. - Dont tu n'avais pas fermé la porte.
(Elle sort).

MACLOU. - C'est ben possible. (Un porc paraît en grognant). Veux-tu rentrer porc et pis que... porc !

     (Il chasse le porc, qui sort à reculons).

     (Une chèvre paraît).

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MACLOU. - À la chèvre, maintenant.

Air connu.
Ah ! tu rentreras, biquette, biquette ;
Ah ! tu rentreras
Dans c'coin là-bas.

     (La chèvre sort ; un veau paraît).

C'est comme dans l'arche de Noël, v'là toutes les bêtes de la récréation !

     (Le veau sort, chassé par Maclou).


SCÈNE VIII.


CLAUDINE, jetant du grain aux poules en les appelant. - Petites, petites, petites ! Venez, poulettes. Les voici qui accourent, l'une après l'autre, comme dans la chanson.

(Elle chante).

Quand trois poules vont au champ,
La première va devant,
La second' suit la première,
La troisièm' va par derrière;
Quand trois poules vont au champ,
La première va devant.


SCÈNE  IX.


CLAUDINE ; MATHURIN.

Mathurin arrive, monté sur un cheval de labour.


MATHURIN. - Me voilà parti, madame Claudine.

CLAUDINE. - Voisin Mathurin, je vous remercions de nouveau, sans compter que j' savons qu' c'est vous qui avez fendu cette énorme pièce de bois qui était dans la cour.


MATHURIN. - Ne parlons point d'ça ; j'ai été labourer votre champ... Voisine Claudine, ne vous gênez point quand vous aurez besoin de mes services.

CLAUDINE. - J'accepte ; je ne suis pas très satisfaite des services de Maclou : c'est un paresseux et un menteur !

MATHURIN. - Faut d'  l'indulgence, voisine: si vous le permettez, je le surveillerai de temps en temps.

CLAUDINE. - Bien volontiers... Mathurin... (Elle hésite). Mathurin !

MATHURIN. - Dame Claudine ?

CLAUDINE. - J' connaissons vos sentiments à mon égard.

MATHURIN. - Est-il possible ?

CLAUDINE. - Ils m'honorent et j'en suis fière !

MATHURIN. - Ah ! voisine, vous avez toutes les qualités d'une bonne ménagère, malheureusement, vous avez aussi un grand défaut.

CLAUDINE. - Lequel, sans être trop curieuse ?

MATHURIN. - Vous êtes plus riche que mé.

CLAUDINE. - Allons donc ! vous êtes travailleur, actif, intelligent : c'est une fortune ça !

MATHURIN. - Tenez, mame Claudine, j'allons labourai votr' champ ; au retour je vous dirons le fin fond de ma pensée.

CLAUDINE. - Je le devine... silence, on vient : c'est Maclou !

 

 SCÈNE  X

LES MÊMES,  MACLOU

 

MACLOU. - La bourgeoise, nous allons-t-y bientôt mangeai la soupe ? J'avons l'estomac dans les talons, mé !

     (Ils rient. Mathurin s'éloigne).


(La toile tombe).

FIN




 
 
 



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