du théâtre Séraphin
(XVIIIème siècle)
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Le théâtre représente l'intérieur d'une ferme,
maison à droite, fontaine à gauche.
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PERSONNAGES :
MATHURIN, jeune paysan
MACLOU, garçon de ferme, au service
de Claudine
CLAUDINE, jeune fermière
Planche de La Fermière Coquette
Planche d'Epinal permettant de jouer la saynète : tout y est.
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SCÈNE I
MACLOU. - Me v'là l'vais, mé. Jarnigoi ! J'avons déjà faim ! Si c'est point désolant d'avoir une estomac comme la mienne ! Heureusement mame Claudine, la fermière, fait la soupe dès l' patron-minette ; ça fait qu' j' commençons la journée par avalai trois ou quatre assiettais d' bonne soupe aux pommes de terre et au lard, et ça me soutenont un tantinet, jusqu'au déjeuner.
SCÈNE II
MACLOU, CLAUDINE
CLAUDINE, appelant dans la coulisse. - Maclou, Maclou !
MACLOU. - Mame Claudine ?
CLAUDINE. - Où donc qu' t'es ?
MACLOU. - J' sons ici.
CLAUDINE. - Où qu' c'est, ici ?
MACLOU. - C'est là qu' je sons.
CLAUDINE. - Et quèqu' tu fais ?
MACLOU. - J' fesons rin.
CLAUDINE, entrant. - Ah ! Je te cherchions partout.
MACLOU. - J' n'y vons jamais. (Il rit lourdement). Ho ! ho ! ho !
CLAUDINE. - Voyons, paresseux, à la besogne. Tu sais que nous avons beaucoup d'occupations à la ferme. Il faut faire voir que tu as de bons bras dans tes manches.
MACLOU. - Pour que les bras fassent leur travail, faut que l'estomac soyont satisfait.
CLAUDINE. - Je te comprends. Va manger une assiettée de soupe : une bonne.
MACLOU. - Une ! c'est point assez.
CLAUDINE. - Manges-en deux.
MACLOU. - Deux... c'est point beaucoup.
CLAUDINE. - Manges-en trois, quatre, mais dépêche-toi.
MACLOU. - Je courons, la bourgeoise : quand on bat l' roulement de la soupe, je sons le premier à l'appel... je veux dire : à la cuillère. (Il rit). Ho ! ho ! ho !
ENSEMBLE. -
Air : La soupe aux choux se fait dans la marmite.
La soupe aux choux
Se fait dans la marmite ;
Allons de suite
Manger la soupe aux choux.
(Ils sortent).
SCÈNE III
MATHURIN. Il entre en appelant. - Mame Claudine, êtes-vous là ?... Maclou ?... Personne ! Voilà une ferme bien gardée !
Une belle ferme, da ! Tout respire l'ordre, le travail, la propreté ici. Ah ! c'est que la fermière est courageuse et qu'elle veille à tout ! C'est une femme comme celle-là qu'il me faudrait ; mais elle est riche, tandis que je n'ai que quelques ares de terre et une maisonnette. Je ne lui dirons jamais ce que je pensons d'elle, car Claudine croirait que la cupidité me guide, tandis que c'est l'estime et l'amitié !
SCÈNE IV
MATHURIN, CLAUDINE
CLAUDINE. - Eh ! bonjour, maître Mathurin.
MATHURIN. - Hein ! vous étiais là, dame Claudine !
CLAUDINE. - Non. Pourquoi donc ?
MATHURIN. - Pour rien... pour rien.
CLAUDINE. - Qu'est-ce qui vous amène de si bonne heure à la ferme ?
MATHURIN. - Voisine, j'irai aujourd'hui labourer mon champ ; je viens vous demander s'il vous est agréable que je labourions aussi le vôtre ?
CLAUDINE. - Vous êtes bien bon, Mathurin, mais je n'voudrions pas vous donner cette peine.
MATHURIN. - Allons donc ! Ça ne sera pas une peine. D'ailleurs, on doit s'entraider.
CLAUDINE. - Eh bien ! j'y consens, mais... à une condition.
MATHURIN. - Conditionnez, mame Claudine.
CLAUDINE. - C'est que j' vous enverrons un beau fromage et trois douzaines d’œufs frais.
MATHURIN. - Pas moyen d' vous refuser. D'ailleurs, vos fromages et vos œufs sont les meilleurs de tout le canton.
CLAUDINE. - C'est que j'ons de bonnes vaches laitières et de bonnes poules pondeuses. Ici, ma brune, ici.
(Une belle vache apparaît).
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MATHURIN. - Ajoutez que vous tenez l'étable très propre et que la litière est bien fournie et renouvelée à temps.
CLAUDINE. - Faut avoir soin des animaux : c'est un devoir ! Puis, plus ils sont entretenus convenablement, plus le fermier y trouve son compte. Va à l'étable, ma belle.
(La vache sort).
MATHURIN. - Ah ! Voici vos bêtes à laine, celles que les savants de la ville nomment des bêtes ovines. Le bélier, qui marche en tête.
(Un bélier passe).
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CLAUDINE. - C'est un mérinos, originaire d'Espagne. Admirez la longueur et la finesse de sa laine : sa toison pèse plus d'un tiers en sus de celle des moutons communs.
MATHURIN. - Voici une gentille brebis.
(On voit passer une brebis qui bêle).
BREBIS. - Bée !... Bée !... Bée !...
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CLAUDINE. - Ah ! maître Mathurin, mon chien fidèle va les surveiller. Guette, Rustaud, guette !
(Un gros chien passe en courant et en aboyant).
CHIEN. - Woup ! woup ! woup !
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MATHURIN. - Je vous fesons mes compliments, voisine : votre ferme est une ferme-modèle.
CLAUDINE. - Merci, Mathurin.
MATHURIN. - Je vais mettre le collier à mon cheval.
CLAUDINE. - Moi, je vais ôter mon chapeau, afin d'être plus t'aise pour donner à déjeuner à ma basse-cour.
MATHURIN. - Sans adieu, voisine.
CLAUDINE. - Au revoir, Mathurin.
(Ils sortent).