THÉÂTRE D'OMBRES ET DE SILHOUETTES

LE LIÈVRE ET LA TORTUE

le lièvre et la tortue, fable en theatre d`ombres, ombres chinoises, silhouettes, marionnettes, free

par Mesdemoiselles AUROY
1930

domaine public

http://gallica.bnf.fr/ark:/12148/bpt6k8887770/f99.image

* * *

PERSONNAGES :

LE LIÈVRE,
LA TORTUE.

La scène représente un champ.
Une grosse pierre à l'extrémité marquera le but.
Un arbre sera le point de départ de la course.

 

LE LIÈVRE, moqueur. - Où allez-vous donc si vite, Madame la Tortue ? (Scandant lentement les syllabes). Bre... lin, bre... lan, tout... dou... ce... ment...

LA TORTUE, parlant très lentement. - Vous êtes un impertinent, Lièvre, et vous avez tort de vous moquer de moi. Tenez, faisons un pari. Vous voyez cette pierre, là-bas, au bout du champ ? Faisons la course, je parie que j'arrive la première.

LE LIÈVRE, riant. - Ah ! ah ! ah ! que vous êtes drôle, ma commère ! Ah ! ah ! ah !
 

LA TORTUE. - Je vous assure, Lièvre, que je parle sérieusement.

LE LIÈVRE. - Mais alors, ma pauvre Tortue, vous êtes folle, complètement folle et vous ferez bien de vous soigner. Je connais justement une bonne tisane...
 

LA TORTUE. - Je ne suis point folle et je vous répète que j'arriverai au but avant vous.
 

LE LIÈVRE. - Mais, ne savez-vous pas que, dans le pays, personne ne court aussi vite que moi ? Les chiens du chasseur même ne peuvent m'attraper.

LA TORTUE. - Et moi, je vous répète que j'arriverai la première. Allons, commençons la course. Partons de cet arbre. Un... deux... et trois !

     (Ils partent ; la Tortue avance lentement, le Lièvre s'arrête aussitôt).

LE LIÈVRE, parlant haut au public. - J'aurais l'air bien sot de me presser. Amusons-nous un peu. Une petite cabriole... Youp ! Sautons... roulons-nous dans l'herbe... Où en est la Tortue ? Oh ! elle n'a pas avancé... Du train où elle y va...

LA TORTUE, moqueuse. - Amusez-vous bien, Lièvre !

LE LIÈVRE, chantant. - (Air : Malborough s'en va-t-en guerre).
     Tortue s'en va-t-en guerre,
     Mironton, mironton, mirontaine,
     Tortue s'en va-t-en guerre,
     Ne sais quand arrivera (ter).
     Elle arrivera-z-à Pâques
     Mironton, mironton, mirontaine,
     Elle arrivera-z-à Pâques
     Ou à la Trinité (ter).

 

LA TORTUE. - J'avance, j'avance !
 

LE LIÈVRE, au public, moqueur. - Elle avance ! Elle est encore à une distance incroyable du but ! J'ai encore le temps de friser ma moustache. Cela me va bien, la moustache frisée. (Il passe sa patte sur son museau). (Au public). Entre nous, n'est-ce pas que je suis un joli petit Lièvre ?... Avec cela, où en est la Tortue ? Diable ! elle avance cette fois. Courons, courons. (Il galope).

LA TORTUE, touchant le but. - J'ai gagné ! J'ai gagné ! que vous avais-je dit ?


LE LIÈVRE, honteux. - Je suis parti trop tard...

LA TORTUE. - Naturellement, et c'est bien là-dessus que j'avais compté ! Qu'en dites-vous, Monsieur l’Étourdi ? (Répétant les paroles du Lièvre). La tortue bre... lin..., bre... lan... est arrivée avant le lièvre agile. Et je porte ma maison ! Et maintenant, Lièvre, que me donnerez-vous pour avoir gagné le pari ?

LE LIÈVRE. - Je vous offre un bon déjeuner. Ah ! Tortue, je ne me laisserai plus prendre. (Il chante. Air : La soupe aux choux).

     En s'amusant,
     Lièvre a perdu la course ;
     Dorénavant,
     Il partira à temps.


RIDEAU



tortue en ombre chinoise théâtre d`ombres silhouette marionnette
tortue par Nicolas AUBERT, libre de droits

lièvre en ombre chinoise théâtre d`ombres silhouette marionnette
Lièvre par Nicolas AUBERT, libre de droits
 


LE LIÈVRE ET LA TORTUE

Rien ne sert de courir ; il faut partir à point.
Le Lièvre et la Tortue en sont un témoignage.
Gageons, dit celle-ci, que vous n'atteindrez point
 Si tôt que moi ce but. Si tôt ? Êtes-vous sage ?
Repartit l'Animal léger.
Ma Commère, il vous faut purger
Sage ou non, je parie encore.
Ainsi fut fait : et de tous deux
On mit près du but les enjeux.
Ni de quel juge l'on convint.
Notre Lièvre n'avait que quatre pas à faire ;
J'entends de ceux qu'il fait lorsque prêt d'être atteint
Il s'éloigne des Chiens, les renvoie aux calendes,
Et leur fait arpenter les landes.
Ayant, dis-je, du temps de reste pour brouter,
Pour dormir, et pour écouter
D'où vient le vent, il laisse la Tortue
Aller son train de Sénateur.
Elle part, elle s'évertue ;
Elle se hâte avec lenteur.
Lui cependant méprise une telle victoire ;
Tient la gageure à peu de gloire ;
Croit qu'il y va de son honneur
De partir tard. Il broute, il se repose,
Il s'amuse à toute autre chose
Qu'à la gageure. À la fin, quand il vit
Que l'autre touchait presque au bout de la carrière,
Il partit comme un trait ; mais les élans qu'il fit
Furent vains : la Tortue arriva la première.
Eh bien, lui cria-t-elle, avais-je pas raison ?
De quoi vous sert votre vitesse ?
Moi l'emporter ! et que serait-ce
Si vous portiez une maison ?

 

Jean de LA FONTAINE
 


LE LIÈVRE ET LA TORTUE


     Le Lièvre considérant la Tortue qui marchait d'un pas tardif, et qui ne se traînait qu'avec peine, se mit à se moquer d'elle et de sa lenteur. La Tortue n'entendit point raillerie, et lui dit d'un ton aigre, qu'elle le défiait, et qu'elle le vaincrait à la course, quoiqu'il se vantât fièrement de sa légèreté. Le Lièvre accepta le défi. Ils convinrent ensemble du lieu où ils devaient courir, et du terme de leur course.
     Le Renard fut choisi par les deux parties pour juger ce différend. La Tortue se mit en chemin, et le Lièvre à dormir, croyant avoir toujours du temps de reste pour atteindre la Tortue, et pour arriver au but avant elle. Mais enfin elle se rendit au but avant que le Lièvre fut éveillé. Sa nonchalance l'exposa aux railleries des autres Animaux. Le Renard, en Juge équitable, donna le prix de la course à la Tortue.

 

ÉSOPE


     On pourra rapprocher cette saynète de celle du Lièvre et du Hérisson : 
http://ombres-et-silhouettes.wifeo.com/le-lievre-et-le-herisson.php

     Un pastiche de Dominique Bonnaud est consultable sur Gallica :

https://gallica.bnf.fr/ark:/12148/bpt6k9691780h/f43.item

 
 



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