SCÈNE VIII
LES MÊMES, FLEURANT
FLEURANT. - Prenez chaud, chaud, chaud !...
BEAUTRU. - Remportez ! Remportez !
THOMAS. - Octroyez-moi la faveur de le prendre de ma main.
BEAUTRU. - Non, non, cent fois non !
AIR : Ah ! c'est donc toi madame Barras.
(La fille de Madame Angot).
DIAFOIRUS, THOMAS et FLEURANT. -
Vous décidez-vous ?
BEAUTRU. -
Non, non, non !
DIAFOIRUS, THOMAS et FLEURANT. -
C'est l'ordre de maître Purgon :
Il faut le prendre et sans retard ;
Vous pourrez le rendre plus tard.
BEAUTRU. -
Non, je demande à réfléchir...
DIAFOIRUS, THOMAS et FLEURANT. -
Eh ! pourquoi ?... Laissez-vous fléchir :
Il ne faut qu'un bon mouvement
Pour accepter un lavement.
BEAUTRU. -
J'aimerais mieux un peu de thé.
DIAFOIRUS, THOMAS et FLEURANT. -
C'est l'ordre de la faculté :
C'est un ordre supérieur...
BEAUTRU. -
Moi, je le crois postérieur.
Allons ! Sachez vous taire :
Je suis le maître ici.
DIAFOIRUS, THOMAS et FLEURANT. -
Prenez donc ce clystère (ter)
Et vous direz merci.
BEAUTRU, se sauvant. -
Sauve qui peut !...
(Ils sortent en courant et en poursuivant Beautru).
SCÈNE IX
TOINETTE. - Que se passe-t-il ? Depuis que le digne monsieur Beautru s'est mis dans l'esprit qu'il est malade, c'est toujours quelque comédie nouvelle.
(Elle sort).
SCÈNE X
BEAUTRU, LA PETITE LOUISON
BEAUTRU, essoufflé. - Ouf ! Ouf ! Je suis essouffl... essouffl... essoufflé ! Asseyons-nous.
(Il s'assied).
LA PETITE LOUISON. - Monsieur Polissinelle, accompagné d'une troupe de masques, arrive céans.
BEAUTRU. - Si tu mens, petite Louison, gare aux verges !
(Louison se sauve ; Crispin entre, puis des musiciens et des masques).
SCÈNE XI
BEAUTRU, CRISPIN, MUSICIENS, MASQUES
CRISPIN, déclamant. -
Polichinel-Crispin vient, seigneur, vous guérir :
Votre rate est enflée, il faut vous divertir !
(Un berger et une bergère exécutent un pas de danse et sortent. Un faune et une bacchante dansent à leur tour. Beautru se met à danser avec eux.).
BEAUTRU, essoufflé. - Ouf ! Ouf ! me voici, de nouveau, essouffl... essouffl... essoufflé !
SCÈNE XII
LES MÊMES, LE DOCTEUR PURGON
PURGON. - Que vois-je ? des musiciens, des masques ! Sortez, place au cortège de la science !
(Crispin, les masques et les musiciens sortent).
SCÈNE XIII
BEAUTRU, PURGON puis le défilé des docteurs et des apothicaires.
BEAUTRU. - Mais je ne veux pas qu'ils partent : leur présence m'a guéri.
(Les docteurs et les apothicaires défilent sur le choeur suivant :)
Monsieur Beautru guerirarum
Purgarum, lavementarum.
(Crispin entre, suivi du faune et des musiciens).
SCÈNE XIV
CRISPIN. - À moi, Mascarille, Scapin, Pantalon ! chassons ces donneurs de clystères. (Ils poussent devant eux les docteurs et les apothicaires).
BEAUTRU, à Purgon. - Docteur, je crois que je suis un malade imaginaire. Je me crois empoisonné depuis que j'ai mangé certaine tarte de la collation du cardinal. Une tarte aux amandes et au citron...
PURGON. - Est-il vrai ? Rassurez-vous : ce gâteau, qu'on a tant cherché, contenait un purgatif.
BEAUTRU. - Me voici guéri complètement. Oh ! Là ! venez tous, je suis guéri !
SCÈNE XV ET DERNIÈRE
LES MÊMES, BÉLINE, ANGÉLIQUE, TOINETTE puis CLÉANTE et TROIS ARCHERS
BÉLINE. - Mon cher frère, Cléante, votre filleul, sollicite la main de ma fille.
CLÉANTE, à Beautru. - J'aime Angélique, elle ne me déteste pas : donnez-la moi, je jure de la rendre heureuse !
BEAUTRU. - Mon cher Cléante, si ma soeur y consent, je donne de grand coeur mon autorisation.
BÉLINE. - En ce cas, il y aura ici une double noce, car Toinette épouse Crispin, à qui j'ai promis cent pistoles.
BEAUTRU. - Je double la dot !... Docteur Purgon, vous serez du festin et du bal. J'ai fait la diète pendant plusieurs jours, je veux me rattraper !
TOUS. - Vive monsieur Beautru ! Vive le malade imaginaire !
(La toile tombe).
FIN