THÉÂTRE D'OMBRES ET DE SILHOUETTES

LE  MALADE  IMAGINAIRE

COMÉDIE  EN  UN  ACTE

du théâtre Séraphin

(XVIIIème siècle)



avec l'aimable autorisation de Christine HERVOUIN
http://atelier-du-49.over-blog.com/

 

Le malade imaginaire Séraphin planche d`ombres théâtre d`ombres ombres chinoises silhouettes marionnettes

 Planche d'Epinal (Pellerin).
 

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PERSONNAGES

                           BEAUTRU, pelletier-fourreur
                           BÉLINE, sa soeur
                      ANGÉLIQUE, sa nièce

                      TOINETTE, servante de Béline
                      CRISPIN, valet de Beautru, sous le
                                       costume de Polichinelle        
                      CLÉANTE
                      Le docteur PURGON
                      DIAFOIRUS, apothicaire
                      Thomas DIAFOIRUS, son fils
                       FLEURANT, élève apothicaire,
                       La petite LOUISON,
                       Docteurs, Archers, Apothicaires, 
                       Musiciens et Masques.


Le malade imaginaire L`embarras du ménage Séraphin planche d`ombres théâtre d`ombres ombres chinoises silhouettes marionnettes


Planche hollandaise. La partie de droite correspond au malade imaginaire.


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(Le théâtre représente l'appartement de Beautru.)


SCÈNE PREMIÈRE


TOINETTE, appelant. - Crispin !... Comment ! le fidèle serviteur de monsieur Beautru ne répond pas ! Son maître, le digne pelletier-fourreur de la rue aux Ours, est revenu du Palais Mazarin fort malade, d'une maladie à laquelle M. Purgon, le docteur en renom, ne comprend rien. (Elle appelle). Crispin !


 

SCÈNE II


TOINETTE, CRISPIN


CRISPIN. - Le Crispin demandé.

TOINETTE. - C'est ma foi vrai. Pourquoi ce déguisement ?


CRISPIN. - Madame Béline, la soeur de mon maître, voyant que les onguents et les drogues ne rendent pas la santé à son frère, m'a consulté à ce sujet.

TOINETTE, riant. - Un bon donneur de conseils ! ha ! ha ! Ha !

CRISPIN. - Ne ris pas, Toinette. Si je parviens à guérir mon maître, madame Béline me donnera cent pistoles. J'ai convoqué mes amis, Scapin, Scaramouche, Mascarille et Pantalon, et nous avons décidé, arrêté...

TOINETTE, vivement. - Quoi donc ? parle vite !

CRISPIN. - D'abord, de ne rien te dire, et ensuite... ensuite... Avant ce soir, tu sauras le reste.

TOINETTE. - Voyez le beau discret ! Allons, conte-moi tout.

CRISPIN. - Non, ma mie. Depuis cinq ans que nous servons tous deux dans cette maison, je vous ai offert mainte fois mon coeur et ma main ; vous m'avez toujours répondu en me riant au nez : je me venge !

TOINETTE. - Si tu guéris ton maître, si tu touches les cent pistoles, je m'engage à devenir ta femme. Je vais porter ce jus d'herbes au malade.


ENSEMBLE

      AIR :
Ah mon beau château.

Allons bon espoir
Confiance
En la/ma science
Allons bon espoir
Confiance en ton/mon savoir.

                                                                                    (Crispin sort).


SCÈNE III

TOINETTE,  BÉLINE   et  ANGÉLIQUE



BÉLINE. - Eh bien ! Toinette, comment va mon frère ?

TOINETTE. - Heu ! Tantôt il se plaint de la tête et tantôt des pieds.

ANGÉLIQUE. - Mon pauvre oncle !

BÉLINE. - Qu'as-tu mis dans ce jus d'herbes ?

TOINETTE. - Oseille, laitue, cerfeuil, belle-dame et beurre bien frais.

BÉLINE. - Porte-le de suite. Nous allons consulter monsieur Purgon ; nous serons de retour dans un instant.

     (Béline et Angélique sortent).


 

SCÈNE IV
 

TOINETTE,  BEAUTRU



BEAUTRU, entrant lentement. - Aïe !... Ah ! la tête !... Aïe !... Ah ! les pieds !... Aïe !... Ah !... le tout ! Et personne près de moi : ni ma soeur, ni ma nièce, ni Toinette !

TOINETTE. - Monsieur, je sons là, près de vous, votre jus d'herbes à la main. Buvez vite, ça flaire comme baume.

BEAUTRU. - Bois toi-même... Mon docteur est-il venu ?... Aïe ! Oh !


TOINETTE. - Pas encore, Madame et votre nièce sont chez lui.

BEAUTRU. - Et maître Diafoirus, mon apothicaire ?... Oh ! là là !


TOINETTE. - Je l'ons point vu non plus.

BEAUTRU. - Va à la cuisine, dès que l'un deux... aïe ! se présentera, amène-le céans.

TOINETTE. - Bien, notr' maître.

     (Elle sort).


SCÈNE V


BEAUTRU, seul. - Asseyons-nous. (Il se place dans le fauteuil). Aïe ! Il est bien dur, ce fauteuil ! Oh ! là là ! Cette maladie est bizarre. Il y a huit jours, je m'étais rendu au Palais-Mazarin pour porter au ministre un superbe manteau doublé de petit-gris. J'attendis longtemps, j'avais faim, j'avisai sur une table une collation préparée pour Son Eminence... Il y avait un certain gâteau, dont l'odeur et la mine m'alléchèrent fort... Aïe aïe Me voyant seul, je me risquai à goûter ce gâteau ; j'en pris une bouchée... délicieux !... deux... exquis !... Le gâteau tout entier y passa ! Quand je rentrai chez moi, je ressentis des... des nécessités impérieuses. Aïe !... Ai-je été empoisonné ? Je n'ose avouer le fait : si le ministre apprenait que j'ai mangé son gâteau, il me ferait jeter à la Bastille !



SCÈNE  VI


BEAUTRU,  LE  DOCTEUR  PURGON


PURGON. - Serviteur !

BEAUTRU. - Bonjour, Docteur Purgon.

PURGON. - Comment passâtes-vous la nuit ? Dormîtes-vous ? Sommeillâtes-vous ?

BEAUTRU. - Je ne sommeillai point, mais je dormis à poings fermés.

PURGON. - Remplîtes-vous régulièrement vos fonctions ?

BEAUTRU. - Hélas ! Non. Point ne pus... point ne pus !

PURGON. - Purgarum et lavementarum, plusieurs fois.

BEAUTRU. - Plusieurs foisrarum.


PURGON. - Mangez des pruneaux, vous aurez le ventre libre : liberum venter. Je vais vous envoyer Diafoirus ; le mal est entêté : ne l'attaquons pas par devant, au contraire...

BEAUTRU. - Au contraire ! en ce cas, attaquez-le par derrière.

PURGON. - Il y a du fondement dans ce que vous dites. Au revoir. Ne bougez, ne bougez. (Il sort).


 SCÈNE  VII

BEAUTRU,  DIAFOIRUS,  THOMAS



BEAUTRU. - Quel habile homme ! Décidément, je suis malade, je dois être malade.

     (Diafoirus entre avec son fils Thomas).

DIAFOIRUS. - Monsieur Beautru, permettez-moi de vous présenter mon fils et élève, Thomas Diafoirus, un habile homme, qui saigne, purge, médicamente quasi comme son papa. (ÀThomas) Saluez, Thomas, mon fils.

     (Thomas salue en sautant).

DIAFOIRUS. - Je viens de remettre à votre servante douze boîtes de pillules, vingt flacons d'élixir et quatorze bocaux de sangue-sucs.

BEAUTRU. - Miséricorde ! Vous allez me ruiner !

THOMAS, d'une voix flûtée. - N'ayez crainte, point ne vous écorcherons... Monsieur Fleurant, notre aide et préparateur, est ici avec un joli, mignon petit clystère.

 

 
 



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