Marton a une fille, Isabelle. Elle la refuse à Ernest qui est aimé, mais qui n'a pas le sou. Elle préfère la donner en mariage à Colin, riche paysan, qu'Isabelle ne peut sentir. Colin importune sa fiancée ; celle-ci appelle à son secours Ernest qui tue son rival en duel et s'acharne sur son cadavre. Isabelle, prise de pitié, fait revivre Colin. Celui-ci, non corrigé, recommence à faire sa cour. Ernest, qui veille, revient, le poignarde et, aidé d'Isabelle, le met dans un sac. Mais le cadavre récalcitrant s'enfuit en sautillant.
Un gendarme, prévenu par Marton, vient arrêter les coupables qui lui échappent et paraissent une dernière fois pour être unis par le diable.
PAUL EUDEL
le
MORT RÉCALCITRANT
ILLUSTRATIONS DE FALCOYANO
Ombres animées
en
UN ACTE
PARIS
Chez LÉON SAPIN, libraire
3, RUE BONAPARTE
1898
SCÈNE Ière
LE DIABLE, LE GENDARME
Le DIABLE et le GENDARME entrent par le fond. Ils saluent le public et montrent le titre de la pièce :
"LE MORT RÉCALCITRANT"
Ils font signe au public que la pièce est drôle et n'a d'autre prétention que de faire rire. Ils saluent de nouveau le public et sortent par le fond.
SCÈNE II
MARTON, seule.
MARTON entre par la gauche ; elle tient un balai à la main, elle fait le ménage, tout en traversant la scène ; elle s'arrête à plusieurs reprises pour priser, ramasser une épingle par terre, tuer une araignée, etc.
Arrivée à droite, MARTON revient vers le milieu de la scène, tout en restant un peu sur la droite. SCÈNE III
ERNEST, MARTON
ERNEST entre par le fond, salue profondément Marton, lui fait des signes aimables.
MARTON témoigne son ennui de le voir, lui demande ce qu'il veut.
ERNEST lui explique le but de sa visite. Marton a une fille, Isabelle, qui est dans sa chambre, à gauche, derrière lui ; elle est jeune, jolie ; il l'aime, il voudrait l'épouser.
MARTON se moque de lui. A-t-il de l'argent, beaucoup d'argent ?
ERNEST, ennuyé de cette demande, cherche si, par hasard, il aurait de l'argent. C'est en vain qu'il fouille dans toutes ses poches, il peut même les retourner sans rien trouver, absolument rien.
MARTON est indignée de son audace ; elle se met en colère, elle chasse Ernest, le poursuit avec son balai.
ERNEST lui échappe ; un coup de balai qui va l'atteindre frappe dans le vide au moment où il disparaît subitement par le fond.
MARTON, d'abord surprise, le suit par le même chemin.
SCÈNE IV
ISABELLE, seule.
ISABELLE entre par la gauche ; elle cherche Ernest, il n'est pas là. Pourquoi n'est-il pas là ? Elle se désole.
ISABELLE traverse ainsi toute la scène et revient vers le milieu.
SCÈNE V
ERNEST, ISABELLE.
ERNEST rentre par le fond, se place à la gauche d'Isabelle, la salue, lui indique que le voici.
ISABELLE l'aperçoit ; elle témoigne sa joie, lui envoie des baisers.
SCÈNE D'AMOUR
ERNEST et ISABELLE se disent qu'ils s'aiment, ils s'embrassent ; ils s'épouseront, malgré Marton.
SCÈNE VI
ERNEST, ISABELLE, MARTON
MARTON arrive par la droite ; elle voit Ernest et Isabelle ensemble, elle est indignée. Ernest, malgré sa défense, ose faire la cour à sa fille ! Une idée ! Elle va chercher la police ; elle sort à droite.
ISABELLE et ERNEST continuent à se faire de doux aveux.
SCÈNE VII
ERNEST, ISABELLE, MARTON, LE GENDARME.
MARTON revient, par la droite, suivie du gendarme ; elle lui montre Ernest : il faut l'arrêter.
LE GENDARME passe à gauche, derrière Ernest, le prend par l'oreille, le fait sortir par la droite et sort avec lui.
SCÈNE VIII
ISABELLE, MARTON.
MARTON, restée avec Isabelle, lui fait une scène violente, la menace.
ISABELLE pleure et fuit dans sa chambre.
SCÈNE IX
MARTON, seule.
MARTON ferme la porte de la chambre d'Isabelle avec une des clefs de son trousseau. Elle revient en scène, toujours en colère, menace toujours Isabelle, cherche à se calmer, prend une prise, boit à même un flacon qu'elle tire de sa poche.