THÉÂTRE D'OMBRES ET DE SILHOUETTES

(Chantant sur l'air de "Fais dodo").
Endors-toi
Petite princesse
Endors-toi
Au creux de mes bras.
Laisse-toi porter
Au bord des rizières
Laisse-toi rêver,
Suivez la rivière.
Endors-toi
Petite princesse
Endors-toi
Au creux de mes bras.

(Parlé. Doucement). Il est temps de dormir. 

     (L'esclave Li met la poupée dans un foulard, elle fait un nœud et la cache. Avec un gémissement, l'esclave frissonne, regarde autour d'elle. Le mendiant arrive en rampant sur la véranda).
 
SCÈNE  IV

MENDIANT. - Aidez-moi ! (Il s'évanouit).

     (L'esclave Li s'approche de lui, le soulève et lui donne de l'eau. Le mendiant reprend connaissance).

MENDIANT. - Je mourais de soif, tu m'as désaltéré. Merci. Maintenant, nourris-moi, je meurs de faim.

ESCLAVE LI. - Toute la nourriture est sous clé. Mais ce n'est pas grave, attendez. (Elle sort une petite galette et la tend au mendiant). Prenez. Ce n'est qu'une petite galette de riz. Je l'ai ramassé grain par grain dans la paille avec laquelle je chauffais le poêle.

MENDIANT, acceptant la galette. -  Merci pour le riz et pour la gentillesse. Un mot qui vient du cœur réchauffe trois hivers d'affilée. Comment t'appelles-tu, ma fille ? 

ESCLAVE LI. - Je m'appelle Li. Mais mes maîtres m'appellent la Guenon. Je suis vraiment laide.. Mais partez maintenant, dépêchez-vous ! Si le Maître vous trouve ici et découvre que je vous ai fait l'aumône, il nous battra tous les deux.

MENDIANT, se levant. - Eh bien, ma fille, accepte ce mouchoir comme un cadeau de ma part. (Au moment où le Mendiant sort du sac mouchoir, une musique se fait entendre). Essuye-toi le visage trois fois lorsque personne ne te regarde, et regarde-toi dans le miroir.

ESCLAVE LI, cachant le mouchoir. - Et que va-t-il se passer ?

      (La tête du Maître apparaît sur un côté).

MENDIANT. - Tu verras bien, ma très chère Li. Merci encore pour la galette.

 
SCÈNE V

MONSIEUR, faisant irruption sur la scène, agitant son parapluie. - Comment oses-tu donner mon riz à des gens en haillons ? Amener toutes sortes de mendiants chez nous, sale Guenon !

     (À la seconde où le Maître avance pour frapper l'esclave Li, le Mendiant frappe dans ses mains, et le Maître s'arrête avec son parapluie levé et se fige. Madame accourt).

 
SCÈNE VI

MADAME. - Que se passe-t-il ici ? Que fait ce mendiant dans notre maison ? (Elle brandit son parapluie en direction du pauvre homme. Le mendiant bat des mains, et la Dame se fige dans une pose ridicule).

MENDIANT, à l'esclave Li. - N'oublie pas le mouchoir, mon enfant ! (Il s'éloigne).

SCÈNE VII

     (L'esclave Li se promène autour de Monsieur et Madame pétrifiés. Elle les touche timidement. Ils sont immobiles).

ESCLAVE LI. - Maîtresse, Maîtresse ! (Madame ne répond pas). Monsieur ! (Monsieur reste muet). Miracle... (Elle tire doucement sur la manche de Monsieur et pince le nez de Madame). On dirait des statues !

     (Une légère détonation se fait entendre au loin. Le couple de maîtres d'anime).

MONSIEUR, s'adressant calmement à l'esclave Li. - Comment se passe le déjeuner ? Nous avons faim.

ESCLAVE LI, à elle-même. - Ils ont complètement oublié le Mendiant. (À ses maîtres). Le déjeuner est prêt, je vous l'apporte immédiatement. (L'esclave Li apporte une table et des tabourets).

MADAME. - Dépêche-toi, Guenon !

     (Le couple s'assoit à table. L'esclave Li apporte deux cuisses de mouton entières rôties sur un plateau).

MONSIEUR, à l'esclave Li. - Guenon, je t'interdis de renifler la délicieuse odeur. Laisse-nous. (Il retire le rôti du plat. L'esclave Li s'écarte).

MADAME. - Qu'est-ce qu'il fait chaud. (À l'esclave Li). Évente-moi, espèce de Guenon !

MONSIEUR. - Moi aussi !

     (L'esclave Li évente ses maîtres avec deux éventails. (Le rôti se réduit devant le public, et finalement il ne reste plus que des os dans les mains de Monsieur et Madame).

MADAME, rongeant l'os. - Je ne laisserai rien à personne. Ni la Guenon gourmande, ni les chiens, je mangerai tout moi-même, moi-même.

     (Le plat est mangé. Monsieur et Madame jettent les os sur le sol, par dessus leur épaule, s'essuient le visage et les mains avec des serviettes en papier).

MONSIEUR, à l'esclave Li. - Apporte-nous des oreillers et des nattes, nous nous reposerons.

     (L'esclave Li apporte trois oreillers. Monsieur prend deux oreillers pour lui-même. Madame prend celui qui reste et le couple sort dans les coulisses).

MADAME. - Guenon, au travail ! Chante-nous notre berceuse.

ESCLAVE LI. - (Chantant sur l'air de "Fais dodo").
Dormez bien,
Monsieur et Madame,
Dormez bien
Ce soir, dormez bien.

MONSIEUR. - C'est l'heure de dormir.

MADAME. - C'est l'heure de dormir.

ESCLAVE LI, continuant sa chanson. -
Laissez-vous porter
Au bord des rizières
Laissez-vous rêver,
Suivez la rivière.
Dormez bien,
Monsieur et Madame,
Dormez bien
Ce soir, dormez bien.


MONSIEUR, dans un demi sommeil. - Je vois de l'or, de l'argent, des diamants...

MADAME, dans un demi sommeil. - Je vois des robes, des parures, des bijoux...

ESCLAVE LI. - (Chantant sur l'air de "Fais dodo").
Dormez bien,
Monsieur et Madame,
Dormez bien
Ce soir, dormez bien.
Laissez-vous porter
Au bord des rizières
Laissez-vous rêver,
Suivez la rivière.
Dormez bien,
Monsieur et Madame,
Dormez bien
Ce soir, dormez bien.
(Parlé. Doucement). Il est temps de dormir. 

     (On entend les ronflements de Monsieur et Madame. L'esclave Li, s'assurant qu'ils dorment, sort le mouchoir. Elle s'essuie le visage trois fois. Chaque mouvement du mouchoir est accompagné d'un accord musical doux. Elle enlève la partie inférieure du masque et la recouvre du mouchoir. Elle prend un miroir dans les coulisses, se voit et crie de joie).

ESCLAVE LI. - Oh, c'est moi ?

MONSIEUR, apparaissant. - De quoi parles-tu, Singe ? Tu nous a réveillés !

MADAME, de la coulisse. - Taisez-vous ! J'aimerais dormir !

MONSIEUR. - Chérie ! Chérie ! Venez ici tout de suite ! Voyez comme Guenon a changé. Elle est transformée !

MADAME. - Oh, Guenon, comme tu es belle !

MONSIEUR. - Non, belle est un mot trop faible. Elle est devenue resplendissante... Tout simplement magnifique !

MADAME. - Comment as-tu fait ?

ESCLAVE LI. - Je ne peux pas vous le dire.

MONSIEUR. - Dites-moi tout, je vous donnerai ma boîte à médicaments cassée. 

MADAME. - Je vais vous donner une de mes vieilles robes.

ESCLAVE LI. - Je ne peux pas vous le dire.

MONSIEUR. - Nous vous laisserons les restes du déjeuner.

MADAME. - Nous vous achèterons une belle poupée.

ESCLAVE LI. - Je ne peux pas vous le dire.


MONSIEUR. - Dites-nous votre secret et vous serez libre. Je le jure ! Je libèrerai votre père de la dette qu'il a envers moi.

MADAME. - Je vous donnerai tous mes bijoux.

ESCLAVE LI. - Je ne peux pas vous le dire.

MONSIEUR. - J'ajoute trois lingots d'or et cinq lingots d'argent. N'oubliez pas le plus important : vous serez libre !

ESCLAVE LI. - Pourrai-je rentrer chez moi ?

MADAME et MONSIEUR, ensemble. - Bien évidemment. Tu as notre parole.

ESCLAVE LI. - Tenez ,prenez ce mouchoir, essuie-vous le visage trois fois, et vous deviendrez très beaux. (Elle tend le mouchoir à Monsieur qui s'en empare). Puis-je partir ?

MONSIEUR. - Où ça, espèce de Guenon ?

ESCLAVE. - Mais... chez moi, vous m'avez donné votre parole...

MONSIEUR. - Chez toi ? (Il se précipite vers l'esclave Li, la fait tomber au sol et l'attache). C'est ici chez toi ! Tu n'iras nulle part ailleurs. Tu nous serviras jusqu'à ta vieillesse !

     (Pendant ce temps, la Dame s'essuie avec le mouchoir face et va dans les coulisses).

MONSIEUR, ayant ligoté l'esclave Li, il court derrière l'écran. - Donnez-moi le mouchoir, donnez-le-moi !

MADAME, sa voix dans la coulisse. - Ce foulard est à moi, à moi ! Je ne vous le donnerai jamais. (Elle entre en scène, débarrassée de sa robe de chambre. Dans les coulisses, elle a remplacé le masque de maîtresse sur un masque de singe. Une queue est apparue. Elle ramasse le miroir sur le sol, le regarde). Oh, qu'est-ce que c'est ! Quelle horreur ? J'ai besoin de m'essuyer à nouveau avec le mouchoir magique, et alors je deviendrai une beauté ! (Elle sort dans les coulisses, on peut entendre sa voix). Donnez, donnez-moi ce mouchoir !

MONSIEUR. - (Il surgit sur l'écran ; il s'est également transformé en singe. Il se regarde dans le miroir). Tromperie ! Nous avons été trahis. (Il sort dans les coulisses).

     (On entend un combat de singes dans les coulisses. Ils rentrent en se poursuivant. Le mendiant arrive et frappe dans ses mains. Les singes sont gelés).

MENDIANT, impérieusement. - Courez dans les bois, singes, dans les bois ! (Les singes s'enfuient. Le mendiant détache l'esclave Li). Maintenant, ma chère Li, tu es libre. Invite tes parents et tes frères et sœurs à venir vivre ici. À partir de maintenant, vous vivrez tous ici. Tout ici est à toi, j'ai tout arrangé. Sois toujours bonne et généreuse et le bonheur ne quittera pas cette maison. Adieu ! (Il s'éloigne).

ESCLAVE LI. - Au revoir, merci, au revoir !

     (Le mendiant sort en agitant son mouchoir derrière lui).

 
Rideau

     Si, à l'issue de votre lecture, vous voulez jouer le sorcier mendiant, l'esclave Lee, le maître avare et la maîtresse cupide, alors mettez-les en scène. Le mouchoir du mendiant n'est pas une simple saynète, mais un spectacle complet, et vous devez vous y préparer correctement.

     Le succès du spectacle dépend non seulement de la performance des acteurs, mais aussi de la façon dont les accessoires, les décors, les costumes et les masques, seront réalisés. Regardez bien les dessins attachés à la pièce. Ils vous aideront beaucoup.

     Il serait bon de réaliser un décor façon paravent pour la représentation. Un de chaque côté de l'écran serait parfait mais un seul pourra suffire à donner l'ambiance de la pièce. N'oubliez pas que ce qu'on verra, c'est l'ombre de votre bricolage : simplifiez-vous les finitions.

     Nous avons montré sur les images à quoi ressemble une robe chinoise. Si vous ne pouvez pas en obtenir ou en coudre une, prenez-en une ordinaire, faite maison. Pour faire paraître plus grosse la Maîtresse avide, attachez un oreiller sous sa robe. Pour que les messieurs se transforment rapidement en singes, mettez à l'avance des T-shirts et des culottes doublés de tissu éponge sous leurs robes, attachez-leur la queue. Pour rendre les queues élastiques, faites-les en fil de fer et enveloppez-les d'une bande de tissu  éponge avec une serviette de toilette cousue dessus.

     Faites les masques à partir de carton épais, ils doivent être plats, c'est-à-dire en silhouette, un peu plus grands que la tête des interprètes. Attachez l'élastique au masque de manière à ce qu'il s'adapte à votre tête et maintienne le masque. Faites des barbes et des cheveux pour les singes à partir d'une serviette éponge. Tous les accessoires, comme toujours dans le théâtre d'ombres, sont en carton, à plat. Seul le rôti est collé à partir de deux cartons reliés à angle droit.

     Au début de la scène du repas, le rôti fait face à l'écran avec son côté large. Feignant de manger, la Maîtresse tourne progressivement le rôti avec son os nu vers l'écran. Différentes silhouettes de la table et du tabouret en carton peuvent être fixées à une table et à des tabourets réels. Laissez-nous vous rappeler une fois de plus que les participants à la performance doivent se déplacer. Regardez de près tous ces dessins, et vous verrez qu'il n'est pas si difficile de concevoir la pièce « Le mouchoir du mendiant ».

     Les visages des personnages devront rester parallèles à l'écran afin que le profil soit clairement dessiné. Plus vous êtes proche de l'écran, plus votre profil est clair. Il est interdit de tourner devant le public, cela ne peut se faire qu'en coulisses ou en se cachant derrière un autre acteur (car, de profil, les visages en cartons ne deviendront plus que de simples traits).

     Comme pour les autres pièces de notre collection, nous n'avons montré que les principales mises en scène. Vous trouverez comment faire vous-même le reste de la mise en scène, nous n'en doutons pas.

     La table à la fin du conte peut être retirée ou laissée, selon la façon dont la scène du singe est mise en scène.

 
     Dans cette saynète, L'esclave Li porte, en plus de son masque, un faux menton qui la défigure et qu'on retirera au moment opportun.

     Dans l'ouvrage où le texte est donné, à partir de la page 195, des partitions de musique sont insérées pour que les mélodies puissent être jouées durant la représentation.

     Les images seront insérées ultérieurement car le quota Wifeo a été atteint et il faut qu'un autre volume soit débloqué.
     
 
 



Créer un site
Créer un site