THÉÂTRE D'OMBRES ET DE SILHOUETTES

BARBUE. - Retourne, elle l'est déjà.

     (Le poisson retourne dans l'eau et le pêcheur rentre chez lui. Il retrouve sa femme qui porte une couronne).

PÊCHEUR. - Ah ! femme, te voilà donc reine !

ISABEAU. - Oui, je suis reine.
 
PÊCHEUR. - Ah ! femme, quelle belle chose que tu sois reine ! Maintenant nous n'avons plus rien à désirer.

ISABEAU. - Point du tout, mon homme ; le temps me dure fort de tout ceci, je n'y puis plus tenir. Va trouver la barbue ; je suis reine, il faut maintenant que je devienne impératrice.

PÊCHEUR. - Ah ! femme, pourquoi veux-tu devenir impératrice ?

ISABEAU. - Mon homme, va trouver la barbue, je veux être impératrice.
 
PÊCHEUR. - Ah ! femme, elle ne peut pas te faire impératrice, je n'oserai pas dire cela à la barbue ; il n'y a qu'un empereur dans l'empire : la barbue ne peut pas faire un empereur ; elle ne le peut vraiment pas.

ISABEAU, en criant. - Je suis reine et tu es mon mari. Veux-tu bien y aller à l'instant même ? Va, si elle a pu nous faire rois, elle peut nous faire empereurs. Va, te dis-je.

     (L'homme sort et se rend au bord de la mer).

PÊCHEUR. - Tout ça finira mal, je le sens : empereur ! c'est trop demander, la barbue se lassera.
     Tarare ondin, Tarare ondin,
     Petit poisson, gentil fretin,
     Mon Isabeau crie et tempête,
     Il en faut bien faire à sa tête.


BARBUE. - Et que veut-elle donc ?

PÊCHEUR. - Ah ! barbue, dit-il, ma femme veut devenir impératrice.

BARBUE. - Retourne, elle l'est maintenant.

     (Le poisson retourne dans l'eau et le pêcheur rentre chez lui où il trouve sa femme qui porte une plus grande couronne).

PÊCHEUR. - Femme, te voilà donc impératrice !

ISABEAU. - Oui, je suis impératrice.

PÊCHEUR. - Ah ! femme, quelle belle chose que de te voir impératrice !
 
ISABEAU. - Mon homme, que fais-tu là, planté ? Je suis impératrice, je veux maintenant être pape ; va trouver la barbue.

PÊCHEUR. - Ah ! femme, que demandes-tu là ? tu ne peux pas devenir pape ; il n'y a qu'un seul pape dans la chrétienté ; la barbue ne peut pas faire cela pour toi.
 
ISABEAU. - Mon homme, je veux devenir pape ; va vite, il faut que je sois pape aujourd'hui même.
 
PÊCHEUR. - Non, femme, je ne puis pas lui dire cela ; cela ne peut être ainsi, c'est trop ; la barbue ne peut pas te faire pape.

ISABEAU, en criant. - Que de paroles, mon homme ! elle a pu me faire impératrice, elle peut aussi bien me faire pape. Marche, je suis impératrice, et tu es mon homme ; vite, mets-toi en chemin.

(L'homme sort et se rend au bord de la mer).

PÊCHEUR. -
Tarare ondin, Tarare ondin,

Petit poisson, gentil fretin,
Mon Isabeau crie et tempête ;
Il en faut bien faire à sa tête.

BARBUE. - Et que veut-elle donc ?

PÊCHEUR. - Ah ! Elle veut devenir pape.

BARBUE. - Retourne, elle l'est à cette heure.

     (Le poisson retourne dans l'eau et le pêcheur rentre chez lui où il trouve sa femme qui porte une tiare).

PÊCHEUR. - Femme, il est donc vrai que te voilà pape ?

ISABEAU. - Oui, dit-elle, je suis pape.
 
PÊCHEUR. - Ah ! femme, quelle belle chose que de te voir pape ! Femme, tu seras contente maintenant : te voilà pape ; tu ne peux pas désirer d'être quelque chose de plus.

ISABEAU. - J'y réfléchirai, mon homme, j'y réfléchirai...

     (La lumière s'éteint et se rallume).
 
ISABEAU. - Ah ! Pourquoi ne puis-je pas commander de se lever au soleil et à la lune ?... Mon homme, va trouver la barbue : je veux devenir, pareille au bon Dieu.

PÊCHEUR. - Ah ! femme, que dis-tu ?
 
ISABEAU. - Mon homme, si je ne peux pas ordonner au soleil et à la lune de se lever, et s'il faut que je les voie se lever sans mon commandement, je n'y pourrai tenir, et je n'aurai pas une heure de bon temps ; je songerai toujours que je ne puis les faire lever moi-même.

PÊCHEUR. - Ah ! femme, que dis-tu ?

ISABEAU. - Marche à l'instant, je veux devenir pareille au bon Dieu !
 
PÊCHEUR. - Ah ! femme, la barbue ne peut pas faire cela. Elle peut bien te faire impératrice et pape ; je t'en prie, rentre en toi-même, et contente-toi d'être pape.

ISABEAU, criant. - Je n'y tiens plus, Je n'y puis plus tenir ! Veux-tu marcher à l'instant même !?

     (L'homme sort et se rend au bord de la mer).

PÊCHEUR, bas. -Elle va trop loin, c'est sûr, j'ai un mauvais pressentiment. Tous ça va mal finir...
     Tarare ondin, Tarare ondin,

     Petit poisson, gentil fretin,
     Mon Isabeau crie et tempête ;
     Il en faut bien faire à sa tête.

BARBUE. - Et que veut-elle donc ?

PÊCHEUR. - Ah ! elle veut devenir pareille au bon Dieu.

BARBUE. - Retourne, tu la trouveras logée dans la cahute.

     (La barbue disparaît et le pêcheur retourne chez lui. Il trouve sa femme devant la cahute du début de l'histoire).

PÊCHEUR. - Ah, mon Isabeau, nous avons tout perdu...

ISABEAU. - Mais non, mais non... J'avais perdu la tête mais, maintenant, je viens de la retrouver et puis, je t'ai toujours, toi, et ça vaut la plus belle des couronnes.

 
NARRATEUR. - Le pêcheur et sa femme ont continué à vivre comme ils l'avaient toujours fait : ni très riches, ni très pauvres, mais heureux d'être ensemble.
 

FIN


     L'idée retenue ici est de représenter la saynète avec les mains, en utilisant des accessoires à la façon de Victor Effendi Bertrand.






     Les personnages sont faits à la main et un accessoire de carton permet de les personnaliser.
http://ombres-et-silhouettes.wifeo.com/victor-effendi-bertrand.php

      Ainsi, on pourra créer un chapeau pour la dame, puis une couronne, une autre encore plus grande, enfin, une tiare.

     On trouvera des décors sur :

http://ombres-et-silhouettes.wifeo.com/decors.php


     Pour celles et ceux qui désireraient utiliser des ombres plus traditionnelles, on trouve un exemple à la page :

http://shop.labbe.de/info/schattentheater.html?b=idee
avec l'aimable autorisation de l'auteur
tous droits réservés.

 


     On remarquera que les transformations de la femme du pêcheur se font en changeant seulement sa tête (à la façon des ombres de Chine). Cela n'empêche pas, je pense, de créer plusieurs ombres de la dame en question, ce qui se révèlera indispensable si on est seul(e) derrière l'écran.

     La cabane du début devient maison par l'apport d'un toit et le château devient demeure impériale -et plus- de la même manière.

     D'autres histoires en ombromanie sont disponibles sur :
http://ombres-et-silhouettes.wifeo.com/ombres-a-la-main.php


 

     Pour ceux que ça intéresserait, voici une ombre de poisson rouge, pas vraiment une barbue mais... pourquoi pas, une autre version de ce conte parlant d'un poisson d'or :

poisson, ombre chinoise, théâtre d`ombres, animal, silhouette, illustration, wikimedia commons
 
 
 
 



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