THÉÂTRE D'OMBRES ET DE SILHOUETTES

LE  PÊCHEUR  ET  SA  FEMME
 


http://www.bibliotheque-numerique-cinema.fr/notice/?i=18266&m=3
 

Conte des frères Grimm

adapté aux ombres chinoises par Nicolas AUBERT début 2014
libre de droits.

     (L'histoire sera jouée sur deux écrans. Celui de droite par rapport au public figurera la mer, celui de gauche présentera la maison du pêcheur. Un large écran pourra également faire l'affaire).

     (L'écran s'allume. Le pêcheur est sur sa barque. Il pêche).
 

cour de ferme décor en théâtre d`ombres chinoises silhouettes

NARRATEUR. - Il était une fois un pêcheur et sa femme, qui habitaient ensemble une cahute au bord de la mer. Le pêcheur allait tous les jours jeter son hameçon, et il le jetait et le jetait encore. Un jour, il attrapa une grosse barbue.
 

ombromanie, scène, ombre chinoise, theatre d`ombres, silhouette, marionnette

BARBUE. - Pêcheur, pêcheur, gentil pêcheur, laisse-moi vivre, je t'en prie. Je ne suis pas une vraie barbue, je suis un prince enchanté. À quoi te servirait de me faire mourir ? C'est bien connu, les barbues...


LE PÊCHEUR. - C'est plein d'arêtes et ça pue du...

BARBUE. - ...Allons, pêcheur, restons courtois, je t'en prie.


LE PÊCHEUR. - Oui, c'est vrai, je te prie de m'excuser.

BARBUE. - Donc, pour en revenir où on en était, une barbue, ça n'a pas de goût et c'est plein d’arêtes. Rejette-moi dans l'eau et laisse-moi nager. Dans le présent et l'avenir, si tu as besoin de quoi que ce soit, je pourrai t'aider.

PÊCHEUR. - Vraiment, tu n'as pas besoin d'en dire si long, je ne demande pas mieux que de laisser nager à son aise une barbue qui sait parler.

NARRATEUR. - Alors, notre pêcheur rejeta la barbue dans l'eau.

BARBUE dont la tête passe hors de l'eau. - Merci, pêcheur, merci. Pour te remercier, je t'autorise à venir demander mon aide quand tu en auras besoin. Mais pour cela, tu devras prononcer, en signe de notre amitié, les paroles suivantes :
     Tarare ondin, Tarare ondin,
     Petit poisson, gentil fretin...
     N'oublie pas.

PÊCHEUR. - Très bien, gentil poisson. J'essaierai de m'en souvenir.

     (Le pêcheur revient sur la rive, descend de la barque, rentre dans sa cahute).

ISABEAU. - Mon homme, n'as-tu rien pris aujourd'hui ?

PÊCHEUR. - Non, j'ai pris une barbue qui m'a dit qu'elle était un prince enchanté, et je l'ai laissé nager comme auparavant.

ISABEAU. - N'as-tu rien demandé pour toi ?

PÊCHEUR. - Non ; et qu'aurais-je demandé ?

ISABEAU. - Ah ! c'est pourtant triste d'habiter toujours une cahute sale et infecte comme celle-ci ; tu aurais pu demander une petite chaumière pour nous deux. Retourne et appelle la barbue ; dis-lui que nous voudrions avoir une petite chaumière ; elle le fera certainement.

PÊCHEUR. - Ah ! Ma femme, pourquoi y retournerais-je ?

ISABEAU, en criant de plus en plus fort. - Tu dois y retourner car la barbue fera ce que tu lui demanderas ! Vraiment, tu as pris cette barbue et tu l'as laissé nager comme auparavant... Elle a une dette envers toi. Vas-y sur-le-champ.

     (L'homme sort et se rend au bord de la mer. Il s'approche de l'eau et dit :)

PÊCHEUR. - Tarte tatin, tartine de pain,
                   Joli bonbon, j'ai mal aux mains...

BARBUE. - Non, non, non, non, par amitié pour moi, tu diras :
                 Tarare ondin, Tarare ondin,
                 Petit poisson, gentil fretin...

PÊCHEUR. - Oui, oui, j'ai compris...

BARBUE. - Non !

PÊCHEUR. - Comment ça, non ?

BARBUE. - Répète !

PÊCHEUR. - Comment ?

BARBUE. - Répète, je te dis !

PÊCHEUR. - Répète quoi ?

BARBUE. - Mais... la formule pour m'appeler...

PÊCHEUR. - Laquelle ?

BARBUE. - Tarare ondin, Tarare ondin,
                  Petit poisson, gentil fretin...

PÊCHEUR. - Ah... ça...

BARBUE. - Oui, ça !

PÊCHEUR. - Bon, d'accord, je me lance :
                   Tata tatin, tata tatin,
                   J'ai fait pipi dans mon jardin !

BARBUE, fâchée. - Non, ce n'est pas ça ! Tu te moques de moi ou quoi ?

PÊCHEUR. - Non, non, ne te fâche pas, je recommence...
                   Tatari tsoin tsoin,
                   La maîtresse est en maillot d' bain.

BARBUE. - Non, non, non, non !

PÊCHEUR. - Attends, attends, ça va me revenir...
                   Je pue des pieds, je pue des mains... Euh...
                   Je mange du fromage avec mon pain...


BARBUE. - Non ! Répète après moi !

PÊCHEUR. - D'accord...

BARBUE. - Tarare ondin...

PÊCHEUR. - T'es pas malin...

BARBUE. - Non, écoute bien : tarare ondin...

PÊCHEUR. - Taratata... taratatin...

BARBUE. - Non, écoute bien : tarare ondin...

PÊCHEUR. - T'as pas trop faim !

BARBUE. - Non, répète : Ta !

PÊCHEUR. - Ta !

BARBUE. - Oui, c'est ça... Ta Ra Re...

PÊCHEUR. - Ta Ra Re... super, j'y arrive !

BARBUE. - Bien Tarare !

PÊCHEUR. - Tarare... Bravo... je suis le meilleur !

BARBUE. - Tarare ondin...

PÊCHEUR. - Tarare ondin, tarare ondin,
                    Petit poisson, gentil fretin...

BARBUE. - Ça y est, tu y es arrivé ! Félicitation ! Que voulais-tu me demander ?

PÊCHEUR. - Eh bien, écoute-moi :
                   Mon Isabeau crie et tempête ;

                   Il en faut bien faire à sa tête.

BARBUE. - Que veut-elle donc, ton Isabeau ?

PÊCHEUR. - Ah ! je t'ai prise tout à l'heure ; ma femme prétend que j'aurais dû te demander quelque chose. Elle s'ennuie de demeurer dans une cahute ; elle voudrait bien avoir une chaumière.

BARBUE. - Retourne sur tes pas, elle l'a déjà.

     (L'homme retourne chez lui et trouve sa femme assise à la porte d'une jolie chaumière).

ISABEAU. - Entre donc et regarde ; cela vaut pourtant bien mieux. Vois, n'est-ce pas joli ?

PÊCHEUR. - Oui, restons comme cela, nous allons vivre vraiment heureux.

ISABEAU. - Nous y réfléchirons...

     (La lumière s'éteint et se rallume pour simuler la tombée de la nuit et le lever du jour).

ISABEAU. - Écoute, mon homme, cette chaumière est un peu trop étroite, et la cour et le jardin sont trop petits ! La barbue aurait bien pu, en vérité, nous donner une maison plus grande. J'aimerais habiter dans un grand château en pierre. Va trouver la barbue, il faut qu'elle nous donne un château.

PÊCHEUR. - Ah ! femme, cette chaumière est vraiment fort bien ; à quoi bon servirait d'habiter un château ?

ISABEAU. - Eh ! va, la barbue peut très bien le faire.

PÊCHEUR. - Non, femme, la barbue vient tout justement de nous donner cette chaumière, je ne veux pas retourner vers elle ; je craindrais de l'importuner.

ISABEAU, en criant. - Vas-y ; elle peut le faire, elle le fera volontiers ; va, te dis-je.

     (L'homme sort et se rend au bord de la mer).

PÊCHEUR, en parlant dans sa barbe et en allant à la mer. - Cela n'est pas bien. Cela n'est pas bien... Cela n'est pas bien. (S'approchant de l'eau)
     Tarare ondin, Tarare ondin,
     Petit poisson, gentil fretin,
     Mon Isabeau crie et tempête ;
     Il en faut bien faire à sa tête.

BARBUE, apparaissant. - Et que veut-elle donc, ton Isabeau ?

PÊCHEUR. - Ah ! elle veut habiter un grand château de pierre.

BARBUE. - Va, tu la trouveras sur la porte.

     (Le poisson retourne dans l'eau et le pêcheur rentre chez lui. Il trouve sa femme devant le château).

ISABEAU, au pêcheur qui revient. - Eh bien ! cela n'est-il pas beau ?

PÊCHEUR. - Ah ! oui, tenons-nous-en là ; nous habiterons ce beau château, et nous vivrons contents.

ISABEAU. - Nous y réfléchirons, dormons là-dessus d'abord.

     (La lumière s'éteint et se rallume).

ISABEAU. - Mon homme, lève-toi et regarde par la fenêtre ; vois, ne pourrions-nous pas devenir rois de tout ce pays ? Va trouver la barbue, nous serons rois.

PÊCHEUR. - Ah ! pourquoi serions-nous rois ? Je ne m'en sens nulle envie.

ISABEAU. - Bon, si tu ne veux pas être roi, moi je veux être reine. Va trouver ta barbue, je veux être reine.

PÊCHEUR. - Ah ! femme, pourquoi veux-tu être reine ? Je ne me soucie point de lui dire cela.

ISABEAU, criant. - Et pourquoi pas ? Vas-y à l'instant, il faut que je sois reine.

     (L'homme sort et se rend au bord de la mer).

PÊCHEUR, allant vers la mer. - Cela n'est pas bien, cela n'est vraiment pas bien. Je ne veux pas y aller...
     Tarare ondin, Tarare ondin,
     Petit poisson, gentil fretin,
     Mon Isabeau crie et tempête ;
     Il en faut bien faire à sa tête.

BARBUE. - Et que veut-elle donc ?

PÊCHEUR. - Ah ! Elle veut devenir reine.

 
 



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