THÉÂTRE D'OMBRES ET DE SILHOUETTES

YIPETTE. - C'est normal, Papa, je suis ta fille ! Je te ressemble, c'est tout. Tu ne vois pas comment je suis vraiment parce que tu es mon Papa à moi. Sans ça, tu verrais que je suis la plus belle, la plus douce, la plus intelligente...

LE   MINISTRE. - Très bien, très bien, je n'insiste pas. Mais, puisque tu es si intelligente, dis-moi comment je vais pouvoir te marier avec le prince, demain, et à la place de la princesse ?

     (Le roi des souris apparaît dans un coin de l'écran et se fait tout petit).
 
YIPETTE. - C'est facile. Fais enlever la princesse, mets-moi à sa place. Cache-la. Tu diras au roi qu'une sorcière a transformé la princesse en moi. Pour redevenir normale, il faudra qu'elle épouse le prince immédiatement.

LE  MINISTRE. - Oui, mais si tu épouses le prince, tu ne te transformeras pas en princesse.

YIPETTE. - On s'en fiche, mon petit Papa d'amour. Je serai mariée au prince. Je lui demanderai de te prendre comme ministre. On s'en ira dans son royaume. Comme ça, même si la princesse réapparaît, on sera loin d'ici. Ce sera trop tard pour elle.

LE  MINISTRE. - C'est une excellente idée, ma fille. Je m'occupe de tout.
(Le ministre sort, le roi des souris également ; la lumière s'éteint).

 
TABLEAU  III

 
LA  PRINCESSE  EST  TRANSFORMÉE

Les décors seront disposés comme pour la chambre de la princesse.

 
     Le roi entre d'un côté, Yipette entre de l'autre.
 
LE  ROI. - Mais... mais... qui êtes-vous ? Que faites-vous dans la chambre de ma fille ?

YIPETTE. - Mais c'est moi, Papa. Je suis ta fille : la princesse !

LE  ROI. - Mais... votre visage... vos cheveux... votre voix...

YIPETTE. - J'en sais rien, Papa. J'ai senti des picotements sur ma peau douce  pendant toute la nuit et, ce matin, en me levant, j'étais comme ça.

LE  ROI. - Mais... qu'allons-nous faire ? Qu'allons-nous bien pouvoir faire ?

YIPETTE. - Demande conseil à ton ministre, Papa. Je suis sûre qu'il sera de bon conseil.

LE  ROI. - Vous avez raison, bien entendu. (Fort) Ministre ! Ministre ! Ministre !

LE  MINISTRE. - Je suis ici, votre Majesté. J'arrive immédiatement. (Il entre sur scène, côté roi).

 
LE  ROI. - Regardez ma fille, non mais, regardez-la !

LE  MINISTRE. - Diantre, voilà qui est surprenant. Est-ce bien la princesse ?

YIPETTE. - Evidemment que c'est moi. Qui voulez-vous que ce soit d'autre ?

 
LE  MINISTRE, (au roi).  - Votre Majesté, puis-je interroger la princesse ? (On fera apparaître puis disparaître le roi ou la reine des souris sur un côté de l'écran, assez longtemps pour que le public puisse les remarquer).
 
LE  ROI. - Faites-donc, cher ministre, faites-donc !

LE  MINISTRE. - Princesse, vous est-il arrivé quelque chose de particulier, hier soir, avant de vous coucher ?

YIPETTE. - Non, rien.

LE  MINISTRE. - Avez-vous fait un rêve pendant la nuit ?

YIPETTE. - Non, rien.

LE  MINISTRE. - Vous n'avez donc pas rêvé ?

YIPETTE. - Non, puisque je vous le dis.

LE  MINISTRE, (
au roi). - C'est très clair, votre Majesté. La princesse a été ensorcelée par la terrible sorcière Amnésia.
 
LE  ROI. - Comment ?

LE  MINISTRE. - Oui, votre Majesté, la princesse a oublié ses rêves pendant la nuit car la sorcière les a dévorés.

LE  ROI. - Mais, le visage, les cheveux, la voix...


LE  MINISTRE. - Votre majesté, ce ne sont là que des effets secondaires du sortilège d'Amnésia. En fait, ils ne sont pas bien méchants.

LE  ROI. - Pas bien méchants ? Vous avez vu la tête de ma fille ? Vous avez vu ses cheveux ? Vous avez entendu sa voix. On dirait une... une... une...

LE  MINISTRE. - Votre majesté, j'admets que c'est assez spectaculaire. Cependant, il suffira qu'elle épouse le prince de Courtoisie pour que tout redevienne normal.

LE  ROI. - Oui, mais si le prince la voit... avec une tête pareille. Il va s'enfuir en courant.

LE  MINISTRE. - Votre Majesté, on mettra un voile qui recouvrira les cheveux et le visage de la princesse. Personne n'y verra que du feu. Pour la voix, elle n'aura qu'à dire "oui". Ça devrait marcher.

LE  ROI. - Ah, ministre, vous me sauvez la vie. Comment pourrais-je vous remercier ?

LE  MINISTRE. - Eh bien, je pense que quelques milliers de bons écus...

LE  ROI. - Vous aurez ce que vous désirez, cher ministre. Quant à vous, ma fille, le prince de Courtoisie est annoncé. Êtes-vous prête à l'épouser ?

YIPETTE. - Bien sûr, mon Papouyounou d'amour...

ROI  DES  SOURIS, (surgissant). - Pas si vite, bandits !

YIPETTE, hurlant. - Des souris ! des souris ! des souris !

 
TABLEAU  IV

LE  DÉNOUEMENT

 
     Yipette et le ministre s'enfuient et quittent l'écran.

 
LE  ROI. - Quoi ? Que se passe-t-il ? Des souris ? Qu'on m'explique ce qui se passe !

ROI  DES  SOURIS. - Votre Majesté, veuillez excuser notre intrusion, je vous prie. Mais j'ai là une certaine personne que je tiens à vous présenter.

     (Le princesse entre sur l'écran avec la reine des souris).
 
LE  ROI. - Ma fille ! Vous êtes guérie !?

LE  PRINCESSE. - Non, mon père, je n'ai jamais été malade.

LE  ROI. - Pourtant... vous ressembliez à un potiron avec de l'herbe à la place des cheveux.

LA  PRINCESSE. - Père, je n'y comprends rien. J'ai été capturée pendant mon sommeil. J'étais prisonnière dans un cachot et c'est le roi des souris qui est venu me délivrer.

LE  ROI. - Je ne comprends rien à cette histoire.

 
ROI  DES  SOURIS. - C'est pourtant simple, votre Majesté. Votre ministre a enlevé la princesse et il a mis sa fille à la place. Il a inventé une histoire de sorcière pour expliquer le changement.

LE  ROI. - Et j'ai failli marier sa fille au prince de Courtoisie.

REINE  DES  SOURIS. - C'est cela, votre Majesté, vous avez tout compris.

 
LE  ROI. - Vite, je vais partir à la poursuite de mon ministre et de sa fille. Je dois rattraper ces deux misérables.

LA  PRINCESSE. - Père, sauf votre respect, nous n'avons pas le temps : le prince de Courtoisie vient d'arriver.

LE  ROI. - Très bien, ma fille. De toutes façons, ils peuvent bien disparaître, je m'en moque éperdument. Le roi et la reine des souris nous feront-ils l'honneur de nous accompagner ? Vous seriez les invités d'honneur pour les fiançailles de ma fille.

ROI  DES  SOURIS. - Votre Majesté, nous acceptons avec beaucoup de gratitude et de respect l'honneur que vous nous faites.

 

     (Ils sortent tandis que le rideau tombe).
 
FIN

 
 
 



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