PERSONNAGES :
PIQUE-PRUNE, tailleur
GRENOUILLARD, apprenti tailleur
MADAME MERLUCHETTE, cliente
MADAME GARGAMELLE, cliente
BOIS-SEC, sergent
PETITE FILLE.
échoppe du tailleur
Décor : à gauche, l'échoppe du tailleur. À droite, une maison bourgeoise.
maison bourgeoise
TABLEAU : L'EMBAUCHE
SCÈNE I
PIQUE-PRUNE. - (assis, travaillant dans son échoppe et chantant :) (sur l'air de Cadet Rousselle)
Je suis le tailleur du quartier (bis)
Je fais le plus beau des métiers (bis)
Avec mes ciseaux, mes aiguilles,
Je fais les habits de la ville.
Ah, ah, ah oui, c'est vrai,
Je fais le plus beau des métiers.
SCÈNE II
PIQUE-PRUNE ; MADAME MERLUCHETTE
MADAME MERLUCHETTE, entrant. - Bien le bonjour, monsieur Pique-Prune.
PIQUEPRUNE. - Bonjour, madame Merluchette. Quel bon vent vous amène ?
MADAME MERLUCHETTE. - Je viens chercher la pièce de drap que je vous ai commandée la semaine dernière.
PIQUE-PRUNE. - La voici ! (La pièce de drap sort de son étagère et vient dans les bras de madame Merluchette.)
pièce de drap.
MADAME MERLUCHETTE. - Merci bien, monsieur Pique-Prune. Mais qu'en est-il de ma commande de costumes pour mon mari ?
PIQUE-PRUNE. - Pour tout vous dire, madame Merluchette, je ne sais pas quand je pourrai m'y mettre. J'ai beaucoup trop d'ouvrage...
MADAME MERLUCHETTE. - Mais, voyons, ma commande date d'il y a deux mois.
PIQUE-PRUNE. - Je sais, je sais... et croyez bien que j'en suis désolé. Mais, voyez-vous, le roi ne voit plus que par moi et me confie toute sa garde-robe. J'ai dû l'ajouter à ma clientèle habituelle...
MADAME MERLUCHETTE. - Il est vrai que vous travaillez bien, monsieur Pique-Prune mais...
PIQUE-PRUNE. - Mais quoi, madame Merluchette ?
MADAME MERLUCHETTE. - Monsieur Pique-Prune, n'avez-vous jamais essayé de prendre un apprenti ?
PIQUE-PRUNE. - J'y ai pensé, madame Merluchette, j'y ai pensé. Mais où trouverai-je le temps pour le former ?
MADAME MERLUCHETTE. - Je crois que madame Gargamelle a un neveu qui connaît déjà le métier. Il est fort jeune mais il travaillait pour un compagnon réputé.
PIQUE-PRUNE. - Eh bien, madame Merluchette, n'hésitez pas à lui dire de venir me voir.
MADAME MERLUCHETTE. - Je n'y manquerai pas, monsieur Pique-Prune. Au revoir.
PIQUE-PRUNE. - Au revoir, madame Merluchette. (Elle sort.)
SCÈNE III
PIQUE-PRUNE ; SERGENT BOIS-SEC
Sergent Boissec
SERGENT BOIS-SEC, arrivant. - Bonjour, monsieur Pique-Prune.
PIQUE-PRUNE. - Bonjour, Sergent Bois-Sec. Comment allez-vous aujourd'hui ?
SERGENT BOIS-SEC. - Fort bien, mon brave, fort bien. Et vous même ?
PIQUE-PRUNE. - Comme vous le voyez, je travaille, je travaille...
SERGENT BOIS-SEC. - C'est que j'ai un lot de caleçons du régiment à vous faire repriser.
PIQUE-PRUNE. - C'est impossible, sergent. Le roi vient de me commander cinq robes de chambre, huit chemises et une série de draps brodés pour l'infante Geneviève.
SERGENT BOIS-SEC. - Diantre ! Quel travail ! Enfin, vous ferez comme vous pourrez. Si vous me rendez le service des caleçons, en plus du prix, je vous réserverai une surprise...
PIQUE-PRUNE. - Eh bien, je ferai ce que je pourrai... Au revoir, Sergent Bois-Sec.
SERGENT BOIS-SEC. - Au revoir, monsieur Pique-Prune.
SCÈNE IV
PIQUE-PRUNE ; SERGENT BOIS-SEC ;
MADAME GARGAMELLE ; GRENOUILLARD
Madame Gargamelle.
MADAME GARGAMELLE, suivie de Grenouillard. - Bonjour, Sergent, bonjour, monsieur Pique-Prune. Grenouillard, dis bonjour à monsieur Pique-Prune.
Grenouillard.
GRENOUILLARD. - Bonjour, monsieur Pique-Prune, bonjour, monsieur le Sergent.
SERGENT BOIS-SEC. - Palsambleu, voici un enfant fort bien élevé, ma foi.
PIQUE-PRUNE. - Bonjour, bonjour. Madame Gargamelle, on m'a dit que vous aviez un neveu capable de me seconder dans mon travail...
MADAME GARGAMELLE. - C'est exact, monsieur Pique-Prune. Il a appris le métier chez le compagnon Gilles Couture qui vient, hélas, de quitter ce monde.
PIQUE-PRUNE, à Grenouillard. - Et que sais-tu faire, mon enfant ?
GRENOUILLARD. - Monsieur, je sais piquer, surpiquer, bâtir, surjeter, repasser, tailler, assembler, ravauder...
PIQUE-PRUNE. - Tout ça, à un si jeune âge ! Ça tient du merveilleux !
GRENOUILLARD. - J'ai eu le meilleur des maîtres, monsieur.
PIQUE-PRUNE. - Bien, et quel salaire demanderais-tu ?
GRENOUILLARD. - Le couvert, monsieur, et un salaire correspondant à dix pour cent de ce que je vous rapporterai.
PIQUE-PRUNE. - Tu travailles si bien que ça ?
GRENOUILLARD. - Mettez-moi à l'épreuve, monsieur.
PIQUE-PRUNE. - Et bien, d'accord. Madame Gargamelle, Sergent, soyez nos témoin. J'engage ce garçon pour trois repas par jour et pour dix pour cent de ce qu'il me rapportera.
SERGENT BOIS-SEC. - Parole de militaire, je suis témoin !