THÉÂTRE D'OMBRES ET DE SILHOUETTES

LE  VIOLON  ENCHANTÉ

     Dans l'ouvrage Feu le théâtre de Séraphin 1776 -1870, (http://urlz.fr/632e) paru en 1872, il est noté qu'une pièce nommée Le violon enchanté pour marionnette a été jouée dans ce théâtre (p. 29). L'auteur est un certain Lambert. 

     L'histoire s'approche de celle de Le Juif dans les épines (http://urlz.fr/632j) des frères Grimm.

     Sur le web,  la page (http://urlz.fr/632p) présente un texte du Violon enchanté. Ce texte a l'avantage de bien finir : le méchant est libéré alors qu'il est pendu chez les frères Grimm. Ce n'est qu'un affreux grippe-sous et non plus un juif, ce qui élimine le côté antisémite de l'histoire. Ce texte a servi de base à la présente saynète.

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Petit-Jean

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     (Dans la cour d'une ferme. Maison là droite, fontaine, moulin ou charrette à gauche (http://urlz.fr/637D).

     (La lumière s'allume. petit-Jean entre sur l'écran et se déplace d'un côté à l'autre. Maître Etienne apparaît à son évocation et suit Petit-Jean dans ses déplacements).

NARRATEUR. - Il était une fois un jeune garçon qu’on appelait Petit-Jean. Depuis toujours, il était au service de Maître Étienne, et dame ! Ce n’était pas une fameuse place : Maître Étienne était bien le plus affreux grippe-sou qu’on pût trouver dans tout le pays. À la fin, le garçon en eut assez.
     (Petit-Jean se retourne vers 
maître Étienne).
 

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Petit-Jean -avec son violon (http://urlz.fr/637y)

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Maître Étienne, ombre de Paul Eudel (http://urlz.fr/637b)

PETIT-JEAN. - Maître Étienne, puis-je vous parler un instant ?

MAÎTRE ÉTIENNE. - Oui, Petit-Jean, mais fais vite car, tu le sais, le temps, c'est de l'argent.

PETIT-JEAN, timidement. - Maître Étienne, j'aimerais vous demander mon congé.

MAÎTRE ÉTIENNE. - Tu veux me quitter, mon garçon ? Tu as tort. Tu ne trouveras pas beaucoup de maison où les domestiques soient aussi bien traités que chez moi. Mais à ton aise ! Ce n’est pas moi qui te retiendrai ! Qu’est ce que tu attends ? Tu veux des gages je parie. Eh bien, soit ! Voyons cela… Tu m’as épointé une fourchette… et puis tu reprenais souvent de la soupe… Tu m’as coûté cher ! Tiens, voici trois sous, un sou pour chaque année que tu as passée sous mon toit. Et maintenant, file, c’est bien payé. (Les trois sous dont il est question n'apparaîtront pas. L'ombre de
Maître Étienne s'approchant de celle de Petit-Jean pour simuler l'échange).

PETIT-JEAN, à part. - Trois sous pour trois ans de travail ! C’est se moquer du monde ! Enfin, le soleil est si beau, l’air si plein de bonnes odeurs... Je ne veux pas gâcher cette journée de printemps par une dispute.

MAÎTRE ÉTIENNE. - Va, Petit-Jean, va ! Et n'oublie pas de laisser tes vêtements de travail à la lavandière...

PETIT-JEAN, à part. - Toi, mon bonhomme, je te retrouverai...

     (Petit-Jean fait demi-tour et sort de l'écran. Maître Étienne fait de même, de son côté).

     (Changement de décor : le chemin : des arbres de part et d'autre de l'écran).


     (Petit Jean entre sur l'écran, avec le vieil homme qui entre de l'autre côté. Ils se rencontrent).

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Vieil homme, ombre de Paul Eudel (http://urlz.fr/637j)


PETIT-JEAN. - Belle journée.

VIEIL HOMME. - Oui, belle journée, pour qui est jeune et n’a pas le ventre creux.

PETIT-JEAN. - Ma fois cela tombe bien : je viens d'acheter pour trois sous de pain et de lard. Il y en a bien pour deux. Aidez-moi à en venir à bout, vous me rendrez service.

VIEIL HOMME. - Je ne peux que te remercier, jeune homme. Comment t'appelles-tu ?

PETIT-JEAN. - Je m'appelle Petit-Jean. Bon appétit.

VIEIL HOMME. - Je vois que tu es généreux. Dis-moi, si tu avais un souhait à faire que demanderais-tu ? Être riche ? Connaître l’avenir ?

PETIT-JEAN. - Qu'est-ce que j'aurais à faire de tout cela ? Ce que j'aime, moi, par dessus tout, c’est la danse, les belles rondes villageoises qui mettent tout le monde de bonne humeur. Oui, ces belles danses qui donnent le même sourire aux vieux et aux jeunes, aux gens sérieux et aux enfants. Donc, vieil homme, si je devais demander quelque chose, je demanderais un violon qui fasse danser tous ceux qui l’entendraient sans qu’ils puissent s’en empêcher.

VIEIL HOMME. - Tu n’es guère exigeant. Adieu Petit-Jean, dit-il, bonne chance et merci pour le repas. Le violon est là dans ton sac. Tâche d’en faire bon usage. (Il sort de l'écran).

PETIT-JEAN, resté seul, Maître Étienne se glissant derrière lui. - Qu'y a-t-il donc dans mon sac. Oh ! Un violon et son archet ! Oh ! Une poularde rôtie, une miche croustillante, une bouteille de vin bouché et une galette aux amandes... Comment ? Ce n’est pas tout ! Ma bourse est remplie de pièces d'or.

MAÎTRE ÉTIENNE, à part. - Ce n’est pas possible, pensait-il, ce garçon n’avait que trois sous en me quittant ce matin, et le voilà riche ! Où diable a-t-il trouvé tout cet or ? Ne me l’aurait-il pas volé ? D’ailleurs, qu’importe ?… Ces pièces-là seraient mieux dans mon coffre que dans sa bourse.

PETIT-JEAN. - C'est le moment d’essayer le pouvoir de ce violon !

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Petit-Jean qui joue du violon (http://urlz.fr/637y)

     (On remplace l'ombre de Petit-Jean par celle où il joue du violon. On entend un air entraînant joué au violon. Maître Étienne se met à danser).

MAÎTRE ÉTIENNE, criant. - Ce n'est pas possible ! Ce violon est enchanté ! Je ne peux pas m'empêcher de tourner et de tourner encore ! Ma parole, je danse la polka ! Arrête, Petit-Jean, arrête ! Tu sais bien que je ne danse jamais.

PETIT-JEAN, s'arrêtant de jouer. - Tous mes compliments, Maître Étienne. Vous dansez à la perfection. C’est plaisir de vous voir. Comme vous pouvez le voir, je possède maintenant un violon merveilleux.

MAÎTRE ÉTIENNE, en grommelant. - C'est ça, c'est ça...

     (Petit-Jean sort de l'écran. Le juge arrive).

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Le juge (http://urlz.fr/637x)

MAÎTRE ÉTIENNE, au juge. - Monsieur le juge. Bonjour, je suis bien content de vous voir. Voyez comme Petit-Jean m’a traité. Un garçon que j’ai nourri pendant trois ans ! Voilà comment il me remercie !

LE JUGE. - Pourquoi vous a-t-il ainsi malmené ? Lui aviez-vous cherché querelle ?

MAÎTRE ÉTIENNE. - Point du tout, votre honneur, point du tout. Il s’est enfuit ce matin, en emportant mon déjeuner et ma bourse. Et comme je cherchais à l’en empêcher, le drôle s’est jeté sur moi et m’a mis dans l’état où vous me voyez.

LE JUGE. - Soyez tranquille, mon brave, nous vous ferons rendrons justice. (À la cantonade) Gardes ! Amenez-moi ce petit Jean ! Fouillez-le et apportez-moi tout ce qu'il possède.

     (Deux gardes arrivent, suivant Petit-Jean. L'un des gardes s'approche du juge, censé lui remettre la bourse).

LE JUGE, se tournant vers Maître Étienne. - Est-ce là votre bourse, Maître Étienne ?

MAÎTRE ÉTIENNE. - C’est elle ! Je la reconnais. Ce matin encore, elle était dans mon coffre.

PETIT-JEAN. - Cet homme est un menteur, monsieur le juge. Cette bourse est à moi.

LE JUGE. - Ah oui, mon bon ami ? Et comment l'avez-vous remplie de pièces d'or ?

PETIT-JEAN. - C'est un vieil homme qui me les a données.

LE JUGE. - Ah oui, et en échange de quel service ?

PETIT-JEAN. - J'avais partagé avec lui pour trois sous de pain et de lard...

LE JUGE. - Une bourse d'or contre trois sous de lard ? Vous vous moquez de moi, sans doute. Vous êtes un grand coupable, vous êtes condamné à être pendu. (Aux gardes) Emmenez-le !

     
(Les gardes sortent en emmenant Petit-Jean. La lumière s'éteint. Changement de décor : la place publique. Bâtiments à droite, potence à gauche. On trouve, sur la droite, le juge, le roi, Maître Étienne, la foule).
 

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(On prendra l'ombre du roi qui est au centre de l'image). (http://urlz.fr/637y)


LE ROI. - Quelles sont les charges, monsieur le magistrat ?

LE JUGE. - Votre majesté, ce jeune homme a dérobé une bourse d'or. Je l'ai condamné à être pendu.

LE ROI. - Et vous avez bien fait, cher magistrat. Je vois que la potence est en place. Qu'on le pende aussitôt !

MAÎTRE ÉTIENNE. - C'est magnifique, la justice va être rendue. J'ai hâte de voir ça !

PETIT-JEAN. - Votre Majesté, puis-je vous adresser une dernière requête avant de mourir ?

LE ROI. - Dites toujours, mon brave, nous verrons bien.

PETIT-JEAN. - Votre Majesté, puis-je avoir l’autorisation de jouer une dernière fois de mon violon ?

MAÎTRE ÉTIENNE, criant. - Non ! Non ! Empêchez-le ! Il va nous faire tous danser !
 

 
 



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