TROISIÈME SOUPIRANT. - Très bien, votre Majesté, je vous obéirai. (Il sort avec sa salade). Je suis sûr que c'est moi qui ai le plus beau légume. Tant pis pour les autres concurrents !
(Le roi sort de l'écran. Le jeune homme entre).
NARRATEUR. - Le quatrième soupirant, lui, celui qui avait pour habitude de venir tous les soirs chanter une sérénade à la princesse, le quatrième soupirant restait planté là, devant l'endroit où il avait semé sa graine. Il avait l'air triste car rien ne sortait du sol. Sa graine ne donnait aucun fruit, aucun légume, rien. (Le père entre sur l'écran). Son père est venu pour lui porter conseil.
le fils et le père
PÈRE. - Que se passe-t-il, mon fils ? Tu as l'air malheureux.
JEUNE HOMME. - Oui, Père, je suis bien malheureux. J'ai semé la graine que le roi m'a donnée. Je l'ai arrosée, j'ai biné tout autour, je lui ai apporté de la nouvelle terre, j'en ai pris soin et... rien. Je ne sais plus quoi faire ! Si tu savais combien j'aime la princesse...
PÈRE. - Fils, si rien ne pousse avec la graine que le roi t'a donnée, va le voir et dis-lui que, bien que tu aies fait beaucoup d'efforts pour que cette graine germe et donne un beau légume, rien n'a poussé. Dis-lui la vérité, ne lui mens pas. La princesse ne sera peut-être pas pour toi mais au moins tu seras resté honnête (le père fait demi-tour et sort de l'écran).
NARRATEUR. - Notre jeune soupirant est donc allé au château. Il était triste car il pensait que jamais il ne pourrait épouser celle qu'il aimait : sa chère princesse. (Le roi sort du château et vient se placer devant le jeune homme).
JEUNE HOMME. - Votre Majesté, je vous prie de m'excuser. Pardon, pardon, pardon. Je vous demande humblement pardon.
LE ROI. - Mais pourquoi me demandes-tu pardon, jeune homme ? Et où est le légume ou le fruit que tu devais faire pousser ?
JEUNE HOMME. - Votre Majesté, je vous demande humblement pardon. J'ai pris votre graine, je l'ai semée, j'ai enrichi la terre, j'ai arrosé, j'ai biné, j'ai râtelé... et rien n'est sorti de terre... J'ai même prié pour que ça pousse... mais rien n'a poussé. (Les trois autres soupirants arrivent derrière le jeune homme).
LES TROIS SOUPIRANTS, ensemble. - Hourra ! Hourra ! C'est l'un d'entre nous qui a gagné la main de la princesse !
LE ROI. - Silence, mes garçons, silence !
JEUNE HOMME. - Mais, que se passe-t-il ?
LE ROI. - Jeune homme, tu épouseras ma fille car tu es le seul à en être digne.
JEUNE HOMME. - Moi ? moi ? Je n'arrive pas à y croire ! Mais, votre Majesté, je ne vous ai pas rapporté un beau fruit ou un beau légume comme les autres soupirants...
LE ROI. - C'est tout à fait vrai, jeune homme. Mais tu m'as offert un cadeau bien plus précieux que ça !
LES TROIS SOUPIRANTS, ensemble. - Et c'est quoi ?
LE ROI. - Oui, ce garçon ne m'a pas rapporté un beau fruit ou un légume magnifique. Mais il est le seul de vous quatre à m'avoir dit la vérité. Pour ça, il est digne de prendre ma fille comme épouse.
JEUNE HOMME. - Mais, votre Majesté, comment pouvez-vous savoir que j'ai dit la vérité ?
LE ROI. - C'est très simple, mon jeune ami : j'ai demandé à mon cuisinier de faire bouillir les graines qu'il vous a données. Elles ne pouvaient pas germer et encore moins produire de légumes. C'était impossible. Je voulais savoir lequel d'entre vous serait capable de me dire la vérité. Les trois autres soupirants m'ont présenté de magnifiques fruits et légumes. Seulement, ces fruits et légumes ne provenaient pas des graines que je leur avais données. (Les trois soupirants quittent l'écran). Les autres m'ont menti alors que toi, tu es venu me voir et tu m'as dit la vérité. C'est parce que tu m'as dit la vérité que tu mérites de recevoir la main de ma fille. Va, épouse-la et sois heureux jusqu'à la fin de tes jours.
(Le roi rentre dans le château, la princesse en sort et rejoint le jeune homme. Une musique de mariage s'élève).
NARRATEUR. - C'est maintenant la fin de notre histoire. Elle se termine bien parce que le jeune homme a dit la vérité. (Le jeune homme et la princesse quittent l'écran en sortant du côté du château). Il est reparti avec la princesse et le roi, qui était devenu son beau-père, savait qu'il pouvait compter sur lui.
FIN
La vidéo "Un Cœur Droit" m'a toujours interpelé car je trouvais l'histoire superbe. J'ai toujours voulu l'intégrer ici. Seulement, il s'agit d'un spectacle de conteur (excellent, au demeurant) illustré par quelques ombres, pas réellement d'une pièce d'ombres. J'avais une très grande envie de l'adapter.
Contacté par mes soins, Jean Micaël, le conteur d'"Un Cœur Droit", m'a très rapidement et très gentiment donné l'autorisation d'utiliser la trame de son conte, lui même inspiré d'un autre conte.
Voici donc ma version de l'histoire, libre de droits, ça va sans dire.
Concernant le roi et la princesse, on reconnaîtra la patte d'Arthur Rackham...
Le chien comme garde du roi m'a été inspiré par l'histoire du prince Évandre, un héros légendaire des origines de Rome (car j'avais lu quelque part que, respecté de son peuple, il n'avait que deux grands chiens pour le protéger).
Le roi d'Yvetot, lui-même /
[...Pour toute garde il n’avait rien
Qu’un chien.
Oh ! oh ! oh ! oh ! ah ! ah ! ah ! ah !
Quel bon petit roi c’était là !
La, la...]...