THÉÂTRE D'OMBRES ET DE SILHOUETTES

SCÈNE  VIII 
 

CLAUDINE  puis  LAFLEUR. 



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CLAUDINE. - Quelle insolente ! Ces domestiques on n'en peut rien faire ! En voilà une que je vais congédier promptement. Mon valet de chambre sera sans doute plus poli. (Appelant.) Lafleur ! Lafleur ! (Lafleur entre.)

CLAUDINE. - Dites-moi, Lafleur, c'est bien vous qui faisiez ma chambre ce matin ?

LAFLEUR. - C'est toujours moi qui fais la chambre de Madame.

CLAUDINE. - Dites-moi alors que signifiait ce bruit de porcelaines cassées que j'ai entendu tout-à-l'heure ?

LAFLEUR. - C'est le service de toilette de Madame qui est tombé à terre.

CLAUDINE. - Il n'est pas tombé tout seul, j'imagine ?

LAFLEUR. - Mais si, Madame, il m'a échappé des mains.

CLAUDINE. - Ce qui veut dire que vous avez été maladroit.

LAFLEUR. - Non pas, Madame, je ne savais pas qu'il était plein d'eau, alors, comme il était plus lourd que je ne pensais, il est tombé à terre et s'est cassé en mille morceaux.

CLAUDINE. - C'est un objet de prix, il faudra me le remplacer.

LAFLEUR. - Que Madame m'excuse, mais je gagne trop peu chez elle pour lui renouveler sa vaisselle

CLAUDINE. - Plaît-il ?

LAFLEUR. - Quand on ne touche à rien, on ne casse rien.

CLAUDINE. - Vous êtes impertinent, je crois !

LAFLEUR. - Madame ne voudrait pas me faire payer un objet, qui d'ailleurs n'était plus neuf. La casse n'est pas au compte des domestiques. Du reste, je ne veux pas discuter avec Madame, j'aurais toujours tort. Je ne payerai pas le vase.

CLAUDINE. - Vous êtes un drôle ! Allez, je vous chasse !

LAFLEUR. - Je compte bien que vous me payerez auparavant.

CLAUDINE. - Insolent ! Allez-vous-en. (Lafleur sort.) A-t-on vu ces domestiques qui se rebiffent ! On ne peut plus se faire servir maintenant ! Mais voici Boniface, mon cocher, sera-t-il aussi insolent que les autres, celui-là ! 
 

SCÈNE   IX


CLAUDINE,   BONIFACE.

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CLAUDINE. - Te voici, Boniface ? Apprête la voiture, je veux sortir tout-à-l'heure.

BONIFACE. - Ce n'est pas possible, Madame. Les chevaux ne sont pas en état.

CLAUDINE. - Comment cela ?

BONIFACE. - La jument s'est couronnée, son genou est à vif et l'autre a des coliques.

CLAUDINE. - Tu ne m'avais pas dit cela.

BONIFACE. - J' vous le dis maintenant. Et puis, moi, j'ai la fièvre.

CLAUDINE. - Ah ça, toute l'écurie est donc malade !

BONIFACE. - Faites excuses, Madame, je ne fais pas partie de l'écurie.

CLAUDINE. - Tu es bien susceptible, mais tu soignes bien mal tes chevaux.

BONIFACE. - Je les soigne comme je, peux. J' voudrais bien vous voir à ma place ?

CLAUDINE. - Tu es insolent maintenant. Eh bien, mon garçon, je me priverai de tes services.

BONIFACE. - Comme vous voudrez, aussi bien j'en ai assez de votre maison. J' vous rends votre voiture, vos chevaux, votre paille, votre avoine et je vais m'en retourner chez moi. Bonjour ! (Il sort.)


SCÈNE   X


CLAUDINE. - A-t-on vu un aussi grossier personnage ! Avec tout cela me voilà sans domestiques, car je ne puis plus les garder ; quand je les commande, ils ne m'obéissent pas, quand je les gronde, ils s'en moquent. Je n'ai pas la moindre autorité sur eux, je suis trop vieille pour qu'ils m'écoutent. Ah ! j'ai été trop étourdie. J'aurais dû plutôt choisir le sort de ma jeune maîtresse, à qui on laisse faire ce qu'elle veut. Elle n'a pas à commander, c'est vrai, mais elle n'a pas non plus à obéir. Cependant elle a un vieux tuteur qui la dirige, mais elle en fait ce qu'elle veut. Allons ! essayons de cette nouvelle métamorphose. (Elle entre dans le pavillon.)


SCÈNE   XI

CLAUDINE  en jeune fille,   LE   TUTEUR


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(Claudine sort du pavillon.
 

LE  TUTEUR. - Allons, allons ! Mademoiselle, ne sortez pas, le temps est à l'orage, vous allez vous mouiller, il pleut déjà .

CLAUDINE. - Eh non ! Il ne pleut pas !

LE  TUTEUR. - Voyons, Mademoiselle, qu'avez-vous ? Vous avez l'air agacée.

CLAUDINE. - J'ai que je suis assez grande pour aller et venir à ma guise. Je ne suis plus une petite fille et vos attentions continuelles, me sont désagréables. Vous êtes mon tuteur, c'est convenu, mais vous avez plutôt l'air de mon geôlier.

LE  TUTEUR. - Allons ! Je vais vous laisser seule, vous ne vous plaindrez plus. (Il sort.)


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SCÈNE   XII 
 

 CLAUDINE,  puis  LÉANDRE. 
 


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CLAUDINE. - Que fait-il donc, mon cousin Léandre ? il sait pourtant bien que c'est l'heure où je me promène seule dans le jardin.

LÉANDRE. - Bon ! Voilà ma cousine, elle est toujours sur mes pas, cette petite fille.

CLAUDINE. - Bonjour cousin ! Savez-vous que je ne suis pas contente que ce soit moi qui vous dise bonjour la première.

LÉANDRE. - Je n'en suis pas moins votre serviteur ; excusez-moi, j'ai tant de pensées dans la tête.

CLAUDINE. - La première devrait être pour moi.

LÉANDRE. - Je pense aussi à vous, mais d'abord à ma fiancée.

CLAUDINE. - Vous allez vous marier et je n'en savais rien.

LÉANDRE. - Il était inutile d'informer toute la terre, que j'allais épouser Mademoiselle de La Tour Prends-Garde, la riche héritière des barons de Grossac.

CLAUDINE. - Et c'est à moi que vous dites cela ? Quand je croyais, j'espérais...

LÉANDRE. - Vous espériez quoi ? Je ne vous ai jamais fait rien espérer, et puis, vous êtes encore une petite fille ; à quinze ans c'est à peine si on a quitté sa poupée.

CLAUDINE, piquée. - C'est vrai ! Eh bien, cousin, allez rejoindre votre belle. Je vais rejoindre ma poupée, adieu !

(Léandre sort.)


SCÈNE   XIII 
 

CLAUDINE,  puis   LE   TUTEUR.


CLAUDINE. - Eh bien oui, voilà ! J'ai été encore trop pressée. Je suis trop jeune pour songer à prendre un mari et trop pauvre pour en trouver un... Allons, j'aurais dû garder ma première position.

LE  TUTEUR, entrant. - Eh bien, maintenant, êtes-vous plus calme, voulez-vous faire une petite promenade ? Je vous offre mon bras.

CLAUDINE. - Je vous remercie, je vais rentrer.

LE  TUTEUR. - Ah ! Vous avez changé d'avis.

CLAUDINE. - J'en change quelquefois, mais cette fois-ci, je vous réponds que je ne changerai plus.

LE  TUTEUR. - Je vous laisse alors. (Il rentre à la maison.)

CLAUDINE. - Allons ! mes épreuves sont terminées, adieu mes rêves ! (Elle rentre dans le pavillon.)


SCÈNE   XIV


CLAUDINE, sortant du pavillon dans le costume de la première scène, puis  LA  FÉE et  NICOLAS
 

Air : La bonne aventure, ô gué.

Maintenant j'ai retrouvé 
Blonde chevelure 
Œil brillant, nez retroussé
Et belle figure 
Je ne voudrais plus changer 
J'en connais trop le danger 
La bonne aventure 
O gué
L
a bonne aventure !

CLAUDINE. - Me voilà redevenue Claudine, la petite servante, et je n'en suis pas fâchée, au moins maintenant, je suis à ma place. (La fée se montre.) Ah ! marraine, vous m'avez donné une leçon, j'en profiterai.

LA FÉE. - Je l'espère, Claudine. Vois-tu, il ne faut jamais se plaindre de son sort, ni regarder au-dessus de soi.

NICOLAS, entrant. - Ah ! c'est vous, Mam’zelle Claudine. J' vous croyais perdue.

CLAUDINE. - J'étais perdue en effet, mais pas pour longtemps. Allons, dis-moi ce que tu avais à me dire.

NICOLAS. - Dame, Claudine, c'est toujours la même chose. J'ose pas, faudrait m'encourager.

CLAUDINE. - Eh ben, Nicolas, n'aie plus de chagrin. Dans deux ans, tu me parleras tant que tu voudras.

LA  FÉE. - Et tu l'épouseras par-dessus le marché.


(Rideau)

 
 



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