COURTEPINCE. - J'en suis sûr ! Ouf ! Respirons un peu, veux-tu ? (La valse cesse).
SOPHIE. - Ah ! Tu n'as plus tes bonnes jambes d'autrefois !
COURTEPINCE. - Si ! Mais j'ai trop de ventre, je suis tout de suite essoufflé.
SOPHIE. - Il va falloir renvoyer tous ces musiciens.
COURTEPINCE. - Pas encore. Je les ai payés, il faut que je les use.
SOPHIE. - C'est juste !
COURTEPINCE. - Tiens ! Je vais leur demander une polka.
SOPHIE. - Une polka, je veux bien.
COURTEPINCE, à la coulisse. - Monsieur le chef d'orchestre, une polka, je vous prie. (On joue une polka). Dansons ! Dis ?
SOPHIE. - Tu vas te fatiguer.
COURTEPINCE. - Non ! Non ! (Ils polkent). Je leur demanderais bien la matchiche, mais je ne sais pas la danser.
SOPHIE. - Ni moi non plus ! Eh bien, restons-en là.
COURTEPINCE. - À ton tour, tu es fatiguée.
SOPHIE. - Oui, je ne serais pas fâchée de me reposer.
COURTEPINCE. - Du reste, il ne viendra plus personne maintenant, la fête est terminée. Je vais renvoyer les artistes. (À la coulisse). Messieurs, je vous remercie, vous pouvez vous retirer.
SOPHIE. - Si tu le permets, je vais en faire autant.
COURTEPINCE. - Va donc, ma chère amie, tu dois avoir besoin de repos et envoie moi Amédée pour que je lui donne mes ordres.
(Sophie sort).
SCÈNE VIII.
COURTEPINCE, AMÉDÉE.
AMÉDÉE. - Monsieur a besoin de moi ?
COURTEPINCE. - Oui. Tout le monde doit être parti ?
AMÉDÉE. - C'est-à-dire qu'on n'est pas encore venu.
COURTEPINCE. - Je ne te parle pas de ça. Tu vas éteindre toutes les bougies et fermer les portes. La fête est terminée.
AMÉDÉE. - Bien, Monsieur.
COURTEPINCE. - Tu souperas si tu veux, avant de te coucher.
AMÉDÉE. - Oh ! Monsieur, il y a de quoi.
COURTEPINCE.- C'est bon ! Fais ce que je t'ai dit. Voyons ! Il ne faut pas que j'oublie mon reporter. S'il a continué à boire du Champagne, comme il a commencé, il doit être sous la table. Mais quel article j'aurai demain dans son journal ! (Il sort).
SCÈNE IX.
AMÉDÉE. - Voilà ce qu'on appelle une réception ouverte ! Je ne m'étais pas imaginé cela ; c'est cocasse tout de même
! Une soirée où il n'y a personne. On ne sait plus qu'inventer maintenant pour dépenser son argent ! Je l'avais bien dit : nous allons nous nourrir de gâteaux pendant quinze jours.
SCÈNE X.
AMÉDÉE, LE REPORTER.
LE REPORTER. - Mon ami, mon ami, où donc est Monsieur Courtepince ?
AMÉDÉE. - Il vient de se coucher, la fête est terminée.
LE REPORTER. - Vraiment ? Déjà ! Elle a été charmante ! Les petits fours, charmants ! Et le Champagne délicieux
! Dites bien à Monsieur Courtepince que je lui ferai un article aussi soigné que sa soirée. Allons ! par où s'en va-t-on ?... Par là ?... Bonsoir mon garçon ! (Il sort).
AMÉDÉE. - Bonjour Monsieur.

(Rideau).
D'autres pièces d'ombres chinoises de Lemercier de Neuville sont visibles à partir de la page : http://ombres-et-silhouettes.wifeo.com/lemercier-de-neuville.php.