SIXIÈME TABLEAU
MORT DE CATHELINEAU
Nantes bloqué partout allait rendre les armes,
Quand un cri retentit : « Cathelineau n'est plus ! »
Le Vendéen recule, aux belliqueux vacarmes
Succèdent des propos confus.
Il succombe celui qui forçait la victoire.
Il va, dans un suprême adieu
Rendre au ciel cette âme que Dieu
Lui donna pour venger sa gloire !
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SEPTIÈME TABLEAU
LA TRÊVE
Pour quelques jours c'est la trêve là-bas ;
Vainqueurs et vaincus semblent las.
Le fusil sur le dos, poussant son attelage,
Le guerrier laboureur songe à ceux qu'au village.
Il doit laisser au premier appel du tocsin.
Penché sur le sillon, il confie à son sein
Le blé fécond qui doit nourrir la maisonnée.
À demain les combats, la rude randonnée ;
Aujourd'hui, c'est la paix, c'est l'austère devoir
Qui lentement s'achève en le calme du soir.
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HUITIÈME TABLEAU
GRANVILLE
Dans une marche folle et traversant la France,
Les blancs vont à Granville et, suprême espérance,
Demain seront les maîtres de la mer.
Vers la ville on s'élance aussi prompt que l'éclair.
Mais l'ennemi, qu'on veut surprendre,
Livre au feu les quartiers qu'il ne pourrait défendre.
L'incendie, ô Vendée, arrête ton essor
Comme l'aigle à Moscou devra plier son aile.
Tu vois aujourd'hui la victoire infidèle.
C'est la retraite aussi, plus effroyable encor.
NEUVIÈME TABLEAU
LA RETRAITE DE LA LOIRE
Ce n'est par l'armée en retraite
Qui parfois se tourne et tient tête
À l'ennemi qui la poursuit.
Ce sont des enfants et des femmes
Qui vont fuyant devant les flammes,
À l'aventure dans la nuit.
C'est l'hiver blafard et terrible
Où le fuyard comme une cible
S'offre au fusil des poursuivants,
La neige sous la voûte noire,
Qui met, de Granville à la Loire,
Un linceul au dos des vivants.
Au bord du flanc où l'on arrive,
Plus une barque sur la rive
Pour franchir le gouffre mouvant.
Alors des cadavres sans nombre
S'en iront au fil des flots sombres
Aux profondeurs de l'océan.
DIXIÈME TABLEAU
ENTRÉE DE CHARETTE À NANTES
Si la grande Vendée est vaincue, au bocage
On lutte encore et l'on reprend courage.
Lassé, pour en finir, Paris s'offre au traité
Qui rend au Vendéen ses biens, sa liberté.
Suivant Cauclaux, son capitaine,
La milice républicaine
Pour sceller l'entente prochaine
Défile dans Nantes surpris
Car en tête aussi vient Charette,
Sur qui chaque regard s'arrête
Et que toute la ville en fête
Vient acclamer de mille cris.
Cette paix ne sera qu'un leurre.
Guettant la fortune meilleure,
Le paysan dans sa demeure
Reste embusqué soir et matin.
Sorti de la maison de France,
Un prince, on en a l'assurance,
Va décider par sa présence
Du succès final et certain.
ONZIÈME TABLEAU
L'ÎLE D'YEU
Ici depuis longtemps on attend, on espère,
C'est la rive pourtant où le Comte d'Artois
Devait débarquer d'Angleterre.
Rien ne vient : tout est bien fini cette fois.
À quoi bon lutter, puisque ceux qu'on aime,
Ceux pour qui l'on meurt restent loin de nous.
Pour les suivre encor nous eussions quand même
Usé nos talons jusqu'à nos genoux.
Charette et quelques uns restent, mettant leur gloire
À ne survivre pas à leur rêve perdu.
Aux pays qu'arrose la Loire,
Le canon ne sera plus jamais entendu.
Il faut retourner aux champs de nos pères ;
La guerre a détruit nos humbles maisons.
Mais viennent pour nous les printemps prospères,
Nous verrons encore janvier, les moissons
DOUZIÈME TABLEAU
PATAY (1870)
Mais si pourtant : ces bruits de guerre,
Quatre-vingts ans plus tard, nous les réentendrons.
Sous l'horizon en feu, fumant comme un cratère,
Et les tambours unis à l'appel des clairons.
Nous reverrons le chaume où les gens du village,
Enfants, femmes, vieillards, empressés d'accourir,
Diront en les saluant au passage
Un Pater, un Ave pour ceux qui vont mourir.
Lorsque pour venger sa querelle
En un fier et suprême assaut,
La France appelant pêle-mêle ,
Les siens sous un sanglant drapeau
Verra s'unir les fils des gars de la Moselle
Aux enfants de Charette et de Cathelineau.
FIN