THÉÂTRE D'OMBRES ET DE SILHOUETTES

 


Nicolas
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SCÈNE IV

 

LA BIQUETTE, TROMBOLI.

 

TROMBOLI, sortant à la suite de la Biquette. - Hé ! Dites donc ! Mam'selle ! Mam'selle !

LA BIQUETTE. - C'est-y à moi que vous parlez? J' suis pas une demoiselle.

Air : Les souliers dans la cheminée.
Je suis une pauvre servante
Qui sers la soupe aux voyageurs.
Mais, j'aime mieux et je m'en vante,
Nourrir les pauvres travailleurs.

Ces bonnes bêtes.
Sont aussi faites
Pour savourer leur modeste repas ;
Ça m'humilie

Qu'on les oublie
Ces bons chevaux qui ne réclament pas.
Aussi j'ai les mains toujours prêtes
À leur apporter des douceurs
Et tant pis pour les voyageurs

Moi j'aime mieux les bêtes (bis)

TROMBOLI. - Ça prouve votre bon cœur ! mais ne vous sauvez pas, comme ça ! Laissez-moi vous dire bonjour.

LA BIQUETTE. - Bonjour ! mais j' vous connais pas.

TROMBOLI. - Ça ne fait rien. Je vous dis bonjour tout de même.

LA BIQUETTE. - Vous ôtes bien poli ! Qu'y a-t-il pour votre service ?

TROMBOLI. - Eh bien, un voyageur est-il descendu chez vous ce matin ?

LA BIQUETTE. - Oui ! Un seul voyageur, le numéro deux.

TROMBOLI. - Ah ! le numéro deux ?

LA BIQUETTE. - Oui, à cette fenêtre-là. Au premier au-dessus de la porte. Vous voulez lui parler ? Il est en train de déjeuner, mais il aura bientôt fini.

TROMBOLI. - C'est inutile, ne le dérangez pas, je reviendrai.

LA BIQUETTE. - Vous êtes peut-être un de ses amis ?

TROMBOLI. - Un ami intime.

LA BIQUETTE. - Eh bien, il sera content de vous voir.

TROMBOLI. - C'est qu'il y a longtemps que nous ne nous sommes vus ; il ne me reconnaîtra peut-être pas.

LA BIQUETTE. - Eh bien, dites-moi votre nom ?

TROMBOLI. - Il l'aura sans doute oublié.

LA BIQUETTE. - Tenez, il a fini son repas. Le voici qui s'avance par ici.

TROMBOLI. - Diable ! Il n'est que temps de filer !


 

SCÈNE V

LA BIQUETTE, LE VOYAGEUR, sortant de l'auberge.

 

LA BIQUETTE. - Venez par ici, Monsieur. Il y a quelqu'un qui veut vous parler.

LE  VOYAGEUR. - Quelqu'un qui veut me parler ! Mais je ne connais personne. Je suis un infortuné voyageur qui n'a ni parents ni famille et qui voyage sans cesse pour ne pas rester seul dans sa maison.

LA  BIQUETTE. - Pauvre Monsieur ! Comment vous appelez-vous ?

LE  VOYAGEUR. - Je ne m'appelle pas. Autrefois j'avais un nom, mais je l'ai oublié. Il y a si longtemps que je ne parle plus à personne, que je ne m'en souviens plus !

LA  BIQUETTE. - Et comment ferez-vous pour le mettre sur le registre de l'hôtel ?

LE VOYAGEUR. - Je signerai : L'Infortuné Voyageur.

LA BIQUETTE, émue. - Ah ! Monsieur, que vous me faites de la peine.

LE  VOYAGEUR. - Brave fille ! Allons, ne vous attristez pas.

LA  BIQUETTE. - Votre chambre est prête, si vous voulez vous y reposer !

LE  VOYAGEUR. - Tout à l'heure. Je veux prendre un peu l'air auparavant.

LA  BIQUETTE. - À votre aise ! (Elle rentre dans l'auberge.)

 

SCÈNE VI

L VOYAGEUR, puis TROMBOLI.

 

LE VOYAGEUR. - Me voici dans la place; il s'agit maintenant d'y faire entrer l'autre, pourvu qu'il ait bien suivi mes recommandations et qu'il n'aille pas se faire pincer ailleurs. Je vais toujours risquer le signal : Psitt !

TROMBOLI, entrant. - Psitt ! me voilà !

LE VOYAGEUR. - Et Escopetto ?

TROMBOLI. - Il est aussi ici.

LE VOYAGEUR. - C'est bien ! Il n'y a personne dans l'auberge, par conséquent il n'y a pas grand chose à faire, mais l'aubergiste a des écus et c'est de ce côté-là qu'il faut regarder.

TROMBOLI. - Regarder, c'est très bien, mais donnez- nous des ordres. Faut-il lui brûler la cervelle, le poignarder, l'étrangler ?

LE VOYAGEUR. - Vous êtes vraiment trop arriérés. De nos jours on n'emploie plus ces moyens violents... qu'à la dernière extrémité.

TROMBOLI. - Alors comment allons-nous faire ?

LE VOYAGEUR. - D'abord nous allons dévaliser la chambre de notre hôte. C'est la chambre numéro un, voisine de la mienne, numéro deux ; vous mettrez d'abord notre prise en sûreté, puis vous vous laisserez surprendre par la gendarmerie.

TROMBOLI. - Oh ! aie ! aie !

LE VOYAGEUR. - La gendarmerie ne sera pas nombreuse. Il n'y aura qu'un gendarme. Mais n'ayez pas d'inquiétude. Quand vous aurez vu le gendarme, vous serez tout à fait rassurés. Maintenant ne perdez pas de temps, allez à la chambre numéro un et prenez le coffret de l'aubergiste, puis mettez-le dans la chambre numéro deux, c'est-à-dire la mienne.

TROMBOLI. - Et puis après ?

LE VOYAGEUR. - Après ? cela va bien vous étonner, mais il faut m'obéir aveuglément. On se saisira de vous et on vous conduira en prison.

TROMBOLI. - En prison !

LE VOYAGEUR. - N'ayez pas peur, c'est moi qui vous conduirai. Mais ne perdons pas de temps. Allez de suite à la chambre de l'aubergiste et emparez-vous de son coffre que vous porterez dans la chambre à côté, qui est la mienne. Après quoi, faites- vous prendre. Allez !

TROMBOLI. - Me faire prendre, c'est aller en prison et peut-être ensuite être pendu. Il faut réfléchir. (Il entre dans l'auberge.)

 

SCÈNE VII

LE  VOYAGEUR puis NICOLAS.

 

LE VOYAGEUR. - Maintenant allons vite changer d'habit.

NICOLAS. - V'là mon voyageur de c' matin : Bonjour Monsieur !

LE VOYAGEUR. - Bonjour ! Comment t'appelles-tu ?

NICOLAS. - Nicolas ! pour vous servir.

LE VOYAGEUR. - Dis-moi quand repart la voiture.

NICOLAS. - Dame ! ici ce n'est pas un endroit passager. Quand nous n'avons pas de voyageurs, elle ne repart pas.

LE VOYAGEUR. - Mais si il y en avait ?

NICOLAS. - Eh ben elle pourrait repartir de suite.

LE VOYAGEUR. - Alors, écoute-moi. Les chevaux ont bien mangé, n'est-ce pas ?

NICOLAS. - Pour sûr, Monsieur, c'est moi qui leur ai donné l'avoine.

LE VOYAGEUR. - Eh bien, tu vas les atteler et attendre ; ta voiture sera pleine tout à l'heure.

NICOLAS. - Bah ! J' veux bien, moi.

LE VOYAGEUR. - Et c'est toi qui nous conduiras.

NICOLAS. - Pour sûr, c'est moi. D'autant plus que le postillon fait son somme.

LE V0YA6EUR. - Ainsi c'est convenu, apprête-toi. (Il rentre à l'auberge.) 

 

SCÈNE VIII

NICOLAS, puis LA BIQUETTE.

 

NICOLAS. - Il ne sera pas resté longtemps ici, celui-là ! Faut croire que le pays ne lui plaît point. Hé mais, si je conduis la voiture, allons prendre le manteau que j'ai laissé dans la grange. (Il entre dans la grange.)

 

LA BIQUETTE, sortant de l'auberge. - Nicolas ! Nicolas ! Où donc es-tu ? Viens vite !

NICOLAS, sortant de la grange. - Que que t'as ? la Biquette, que que t'as ?

LA BIQUETTE. - J'ai... J'ai peur, là ! Tout à l'heure, j'étais dans la chambre de notre maître, au numéro un, quand j'entendis un meuble craquer.

NICOLAS.  - C'est l'humidité, ou la sécheresse, l'un des deux ; il n'y a que cela qui fait parler les meubles.

LA BIQUETTE. - Et ça les fait-il éternuer ?

NICOLAS. - Ah ! pour ça, je ne crois pas.

LA BIQUETTE. - Et ça les fait-il remuer les clefs dans les serrures ?

 
 



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