ORDRE DES TABLEAUX : |
1. PRÉLUDE ET BERCEUSE 2. LA FORÊT 3. LE MANOIR ENDORMI 4. LA COUR 5. LES GARDES 6. LES PAGES 7. LA BELLE AU BOIS DORMANT 8. LE RÉVEIL 9. CORTÈGE | 10. LE DÉPART 11. LA FORÊT COUPÉE 12. LES USINES ET LES MOULINS 13. LA ROUTE 14. LES CARROSSES 15. LA VILLE MODERNE 16. VIEILLES CITÉS 17. LA MER 18. LES CUIRASSÉS |
19. LA BELLE SE RENDORT |
1 - PRÉLUDE ET BERCEUSE
Princesse des contes féeriques,
Belle qu'un manoir enchanté
Garde au fond du Grand bois planté
D'arbres chimériques,
Dormez mystérieusement
Loin des réalités moroses,
(Le décor parait peu à peu, c'est une forêt touffue mi obscurité. Le Prince s'avance).
Sur votre lit semé de roses,
Belle au Bois dormant.
2 - LA FORÊT
À travers les buissons de la forêt fleurie,
Tel l’ingénu Siegfried cherchant la Walkyrie,
Un jeune homme a paru : Quel est cet Amadis,
Serait-ce le charmant prince du temps jadis,
Portant plume au chapeau, carquois et arbalète,
En pourpoint de satin, en habit de velours ?
Non, un prince moderne, il vient à bicyclette.
La scène , s’il vous plaît, se passe de nos jours.
3. LE MANOIR ENDORMI
Les grands arbres touffus ont entr'ouvert leurs branches
Et voici que là-bas, calme et mystérieux, (apparition du château)
Surgit dans la splendeur de ses murailles blanches
Le magique Palais, le château merveilleux,
Où d'un profond sommeil suivant ses Destinées,
Au Bois, la Belle dort depuis trois-cents années.
4. LA COUR
Tout est sans mouvement dans la cour du palais,
Tout dort, bêtes et gens, courtisans et valets,
Gardiens sur les tours, suisses devant la porte,
Les petits marmitons,les cavaliers d'escorte,
Les mules, les chevaux, les roquets, les mâtins,
Les oiseaux sont muets aux volières voisines
Les dindons embroches dans les vastes cuisines
Ont cessé de tourner devant les feux éteints.
5. LES GARDES
Nul bruit sous le portique et dans les salles basses
Plus loin pourtant résonne un concert singulier
Les gardes alignés le long de l’escalier
Ronflent éperdument comme des contrebasses
Les gardes alignés
Casque au front, estoc au flanc,
Ronronron, Ronronron,
Et au poing la hallebarde,
Les soldats montent la garde
En ronflant.
Ranpataplan.
Ils rêvent succès galant,
Coups d'épée, arquebusades
Et copieuses rasades.
6 - LES PAGES
Un murmure bien plus discret
Voltige dans les vestibules,
Il est si doux que l'on croirait
Entendre un chant de libellules
C’est, en majeur et en mineur,
Souffle léger, exquises gammes,
Le sommeil des filles d’honneur,
Des duchesses, des belles dames.
Les demoiselles de la cour,
Les folles avec leurs marottes,
Les danseuses en jupon court,
Dorment ainsi que des marmottes.
Immobiles dans tous les coins,
Les bouffons et les petits pages,
Baissant le nez, fermant les poings,
Sont sages comme des images.
Prodige des plus éclatants,
Ce monde bavard et frivole
A pu, durant trois fois cent ans,
Rester sans dire une parole.
Un murmure bien plus discret
Voltige dans les vestibules,
Il est si doux que l'on croirait
Entendre un chant de libellules.
C'est en majeur et en mineur
Souffle léger, exquises gammes.
(La chambre de la Belle. Fleurs fantastiques et gracieuses. La Belle est étendue sur un lit, les fenêtres fermées. Lueur d'une lampe à reflets bleuâtres. Le Prince s'approche).
Dans la chambre aux fenêtres closes,
La Belle dort sur son grand lit jonché de roses.
(Le décor s’éclaire légèrement. Le Prince est près du lit où la Belle sommeille).
7. LA BELLE AU BOIS DORMANT
Belle au Bois dormant,
Belle au Bois charmant,
Trop longtemps vous ont bercée
Songes séduisants.
L'heure du rêve est depuis bien des ans passée,
C'est le joyeux matin,
C'est l'aurore,
Les fleurs au gai jardin
Vont éclore,
Le printemps clair et doux
Nous appelle,
Venez, éveillez-vous,
0 Belle, Belle.
Belle au Bois dormant,
Belle au Bois charmant,
Voici que l'aube se lève
Dans le ciel léger,
Il faut quitter le pays mensonger
Du Rêve.
(La chambre s'illumine insensiblement ; par les fenêtres ouvertes, on voit des arbres fleuris. La princesse se lève).
Et dans la chambre ensoleillée
La Princesse s'est éveillée.
8. LE RÉVEIL
Le château retentit de joyeuses rumeurs :
Du haut des tours les cors résonnent en fanfare,
De tous côtés se sont redressés les dormeurs ;
À la hâte chacun se secoue et se pare :
Messieurs les courtisans prennent des airs coquets,
Appels et carillons, quel bruit, quel tintamarre !
Les dames vont jasant comme des perroquets,
Les chiens et les chevaux font mille cabrioles,
Les oiseaux, réveillés, chantent dans les bosquets,
Et les musiciens accordent leurs violes.
(On est dans une salle tendue de tapisseries.
Le cortège paraît, Soldats, Pages, Dames, etc).
9. CORTÈGE
Aux sons des luths et des hautbois,
Un galant cortège s'avance,
Sur de très vieux airs d'autrefois,
Aux sons des luths et des hautbois :
Les lansquenets avec leur lance,
Les archers avec leur carquois
Aux sons des luths et des hautbois
Un galant cortège s'avance.
La Belle sort de son palais ;
Voici ses dames et ses pages,
Ses nains, ses fous et ses valets,
La Belle sort de son palais.
Musiques, chansons gais tapages,
Sonnez fifres et flageolets,
La Belle sort de son palais ;
Voici ses dames et ses pages
Le cortège disparaît).
La Belle sort de son palais.
10. LE DÉPART
(Mi obscurité – des lointains).
À travers le mont et le val,
Au gré de leur humeur fantasque et vagabonde,
Le prince à bicyclette et la Belle à cheval
Vont voyager de par le monde
Mais, depuis les jours d’autrefois,
Comme tout a changé, les êtres et les choses !
Et combien les cités, les routes et les bois
Ont subi de métamorphoses ! (La forêt coupée).
11. LA FORÊT COUPÉE
Dans la vieille forêt où, de lierre vêtus,
Les chênes étendaient l'orgueil de leurs feuillages
Tous les arbres sont abattus,
Et tombent les rameaux, et tombent les branchages
Au milieu des chansons, des cris et des jurons
Sous la hache des bûcherons (s’avancent les bûcherons)
À quoi servent les branches
Pour l'homme intelligent ?
C'est à faire des planches
Et gagner de l'argent.
De l'argent à pleines poignées
Et cognent les cognées.
Cogne Nicolas, cogne Jean,
Pour gagner de l'argent.
Cogne Nicolas, cogne Jean,
Pour gagner de l'argent.
(La forêt disparaît insensiblement, remplacée par des usines lointaines ; de hautes cheminées lancent une fumée noire et des flammes).
12. LES USINES ET LES MOULINS
Où jadis s’élevaient les ormes séculaires
De tristes bâtiments, noirs et rectangulaires,
Avec des sifflements lancent vers le ciel bleu,
Une sombre fumée et des torrents de feu.
(Au premier plan, un moulin à eau).
Qu'êtes-vous devenus, moulins aux larges ailes,
Qui mêliez vos tic-tac aux chansons des oiseaux,
Dont la roue agitait, sous les peupliers frêles
La rivière qui coule au milieu des roseaux ?