THÉÂTRE D'OMBRES ET DE SILHOUETTES

CHRISTOPHE. - Que bêtise encore, c'est qui sait bien qu'elle aime les fleurs ; ma j' va toujours chercher le bourgeois pour qu'il voye sa femme qu'a parée comme la femme d' monsieur le Préfet, avec ça qui lui avait recommandé de changer son costume.

LISETTE. - Qu'allez-vous faire, Christophe ?

CHRISTOPHE. - J'va ousque j' dois aller, mam'selle Lisette.


     (Ils disparaissent par la droite).

 

SCÈNE V.
 

LUCAS, CATHERINE.



Lucas

 

LUCAS, un bouquet à la main. - On m'avait dit que madame Georges devait sortir à cette heure, et j'ai cueilli un beau bouquet pour lui offrir. (Il se promène à droite et à gauche en chantant. Catherine, la fermière sort de la maison). Vous voilà, ma belle voisine, où allez-vous donc si parée ?

CATHERINE. - Je vais voir chez le meunier s'il a fait notre farine.

LUCAS. - Et, dans une telle toilette, il faut croire que vos champs rapportent beaucoup pour que votre mari vous donne de si belles choses, cependant si vous aviez été ma femme comme cela devait arriver, je ne crois pas que vous auriez été si bien nippée.

CATHERINE. - Je le savais bien, aussi j'ai mieux aimé prendre Georges qui me donne tout ce que je veux.

LUCAS. - Ça durera tant qu' ça pourra, voisine, j'aurais mieux aimé que ma femme monte que de redescendre, et ça peut bien vous arriver un jour.

CATHERINE. - Tes toujours plus bête, mon pauvre Lucas, j' suis sûre qu'avec tout tes beaux discours tu étais venu pour me donner ce bouquet.

LUCAS. - C'est peut-être vrai, mais je le remporte, car je vois que vous êtes une vraie coquette et que vous vous moquez de moi ; adieu, madame la coquette.

      (Lucas sort).

 

SCÈNE VI.

CATHERINE,  LISETTE

 


CATHERINE, seule. - Je commence à voir que mon mari avait raison, on se moque de moi à cause de ma grande toilette.

LISETTE, entrant. - Madame, v'là le seigneur du château qui vient de venir me demander qui vous étiez; je lui ai dit qu' vous étiez sa fermière.

CATHERINE. - Et que t'a-t-il répondu ?

LISETTE. - Ma fine, madame, je n'ose pas vous servir un aussi mauvais compliment.

CATHERINE. - Mais encore une fois, que t'a-t-il pu dire ?

LISETTE. - Ma fine, madame, il a dit qu'il vous avait pris, de loin pour une dame, et il a été si étonné de votre toilette, qu'il a dit qu'une coquette ne pouvait pas être une bonne fermière et qu'il allait renvoyer de la ferme m'sieur Geroges.

CATHERINE. - Lisette, allez soigner Mimi et laissez-moi seule. (Lisette sort). Encore un affront, que va dire Georges ? Oh ! mon Dieu, que j'ai fait mal d'aimer la toilette et de m'occuper sans cesse de chose aussi futile, au lieu de soigner ma maison ; mais voilà Christophe.


 

SCÈNE VI.

CATHERINE, CHRISTOPHE.

 

CHRISTOPHE.- Mame, j' viens vous dire que je sommes plus à votre service, je n' veux plus être exposé à être battu pour vous, encore tout à l'heure le domestique du seigneur vient de me dire : votre maîtresse a bien dégourdie, aile est comme une dame d' la ville avec des rubans autour de son bonnet, il faut que son mari soit un vrai Nicodème de ne pas mettre ordre à cela ; car avant deux ans elle s'ra ruinée ; c'est alors qu'elle dira si j'avais su, ma il s'ra plus temps, on la montrera au doigt et on répétera : voyez-vous mame Georges, c'est sa coquetterie qu'a ruiné son mari, il casse à présent les pierres sur les routes; et là d'sus, j'ai tombé d'sus l' domestique, ma j'ai porté les coups. Adieu, madame la coquette. (Il sort).

CATHERINE. - Toujours des affronts, oh ! il faut que je change absolument ; mais j'aperçois Georges, mon mari, que va-t-il dire ?


 

SCÈNE VIII.

GEORGES, CATHERINE.


 

GEORGES. - Bonjour, Catherine, je reviens, parce que je n'ai pu partir pour Rouen ; mais qu'as-tu donc pour pleurer ?

CATHERINE. - Écoute, mon cher Georges, déjà tu m'avais prévenue sur mon défaut dominant qui est la coquetterie, et jamais je n'ai pu changer, mais je te promets qu'à présent je vais devenir plus simple dans mes goûts, de manière à ce qu'on ne dise plus que je suis coquette. Oublie le passé, je vais jeter au feu ces rubans, ces dentelles et devenir une bonne ouvrière et une bonne femme.

GEORGES. - Allons, Catherine, je suis content de ta résolution, n'oublions jamais que le travail est le père de la prospérité, tandis que la paresse et le luxe conduisent à la misère.
 


 

On baisse le rideau.


 
 
 



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