Madame RICHARD
MADAME RICHARD. - Prières inutiles, monsieur ; mon époux est maître de ses volontés comme je suis maîtresse des miennes - et c'est assez qu'il veuille ce mariage pour que je m'y oppose.
VALÈRE. - Que va devenir ma chère Hortense ?
MADAME RICHARD. - L'épouse d'un autre, qui, plus adroit que vous, m'en fera la première demande.
VALÈRE. - Ô sort funeste ! faut-il me jeter à vos pieds ?
MADAME RICHARD. - La scène serait trop pathétique. Retirez-vous, monsieur. Ah ! voici ce maraud d'Arlequin, il faut que je lui lave la tête.
SCÈNE II.
Arlequin, les prédédents,
ARLEQUIN, à part - Oh ! oh ! Elle y perdra sa lessive.
MADAME RICHARD. - Avance ici, maroufle ?
ARLEQUIN, à part. - Oh ! le joli petit mouton.
MADAME RICHARD. - Dis-moi, faquin, qui t'a permis de sortir de chez moi ?
ARLEQUIN. - C'est la canne de monsieur votre tendre époux qui m'en a donné l'ordre.
MADAME RICHARD. - Allons, finis tes balourdises.
ARLEQUIN. - Houais ! des balourdises, être comme un pendu et danser en l'air, moi et votre mari, un pas de deux.
VALÈRE. - Eh bien ! madame, m'accordez-vous la main d’Hortense, si, par mes soins, je puis corriger monsieur Richard de cette folle manie qu'il a de vouloir se tuer ?
MADAME RICHARD. - Je n'écoute rien, monsieur; vous voulez me gagner, mais vous y perdrez vos peines. Encore une fois, ma fille n'est pas pour vous. Votre servante. (Elle sort).
ARLEQUIN. - Oh ! quelle tête entêtée ! Eh mais, madame, daignez donc vous laisser expliquer ce que monsieur... Oh ! elle est partie. (À Valère). Comment allez-vous faire maintenant? Le succès me paraît bien compromis.
VALÈRE. - N'importe, je ne me décourage pas, Arlequin, et je suis sûr d'obtenir Hortense. Va dire à mes gens de travailler à ce que je leur ai dit. (Il sort).
SCÈNE III.
Arlequin, seul.
ARLEQUIN. - Quel peut donc être le projet de monsieur Valère pour qu'il soit si sûr de son mariage ?
SCÈNE IV.
Arlequin , Lisette.
LISETTE. - Eh bien ! mon cher Arlequin, que dit madame Richard ?
ARLEQUIN. - Madame Richard est inexorable ! elle n'a rien voulu entendre. Mais, à ton tour, dis-moi, qu'allons nous faire ?
LISETTE. - Je n'en sais rien.
ARLEQUIN. - Si monsieur Valère n'obtient pas la main d’Hortense, la dot qu'il t'a promise ?
LISETTE. - Eh bien ! je ne l'aurai point.
ARLEQUIN. - Tu ne veux donc pas te conjoindre avec moi ?
LISETTE. - Je ne dis rien là-dessus.
ARLEQUIN, tendrement. - Tu ne m'aimes donc plus, ma minette ?
LISETTE, riant. - Mon ami, non ! Oh ! oh ! oh !
ARLEQUIN. - Ah ! petit serpent, tu ris quand j'enrage. Oh ! sangodémi, si je m'étais pendu.
LISETTE. - Tu aurais eu grand tort. Je t'aime toujours et je serai ta petite femme.
SCÈNE V.
Valère, les précédents.
VALÈRE. - Bravo ! mes enfants; j'épouse. Madame Richard est dans nos intérêts.
SCÈNE VI.
Lisette, Valère,
VALÈRE. - Le maraud ! Tout devrait être déjà prêt. Je ne sais ce qui me retient de courir après lui pour lui arracher les oreilles.
SCÈNE VII.
Valère, seul.
VALÈRE. - Va, Lisette, va vite. Elle est vraiment serviable, cette fille. C'est à elle seule que je dois mon bonheur, et je dois assurer le sien.
MONSIEUR RICHARD, qu'on ne voit pas. - C'était un ivrogne, un gourmand, et j'ai bien fait de le renvoyer.
VALÈRE. - J'entends monsieur Richard. Eh ! vite, eh ! vite, cédons-lui la place. (Il sort).
SCÈNE VIII.
Monsieur Richard, Hortense.
MONSIEUR RICHARD. - Oui, ma chère enfant, il aime trop la vie, et je ne dois pas faire cas de pareilles gens.
Hortense
HORTENSE. - Pourquoi, donc, mon petit papa, ne pas aimer la vie quand on en fait bon usage ?
MONSIEUR RICHARD. - Et qui peut se flatter d'en faire bon usage ?
HORTENSE. - Vous-même, qui prévenez vos amis sur leurs besoins, qui êtes généreux, qui vous occupez sans cesse du bien de votre fille, de votre chère Hortense ; qui lui donnez même aujourd'hui pour mari celui qui a fixé son choix.
MONSIEUR. RICHARD. - Tu me parles de mariage. Je croyais d'abord qu'il devait et pouvait te rendre heureuse ; mais j'ai vu assez tôt, Dieu merci, que c'était pour toi le comble de tous les maux. J'entrevois des larmes qui tombent de tes yeux. Oh ! la pauvre enfant, c’est de joie qu'elle pleure. Adieu, ma chère enfant, adieu.
SCÈNE IX.
Hortense, seule.
HORTENSE. - Que je suis malheureuse d'avoir un père dont la folle manie détruit la bonté de son cœur ! Valère m'a bien promis de le corriger. Hâte-toi donc, cher amant, d'apporter le remède à ce mal qui me tourmente de me désespère.
SCÈNE X
Hortense, Arlequin.
ARLEQUIN, qui a entendu les derniers mots. - Le remède est dans cette fiole, le daron va l'avaler, et tout ira bien, sangodémi !
HORTENSE. - Puisses-tu dire la vérité, mon cher Arlequin !
ARLEQUIN. - La vérité véritablement véritable... L'apothicaire me l'a bien garanti. Si ça ne faisait pas son effet, mille millions de mortiers ! c'est que Monsieur Pilon serait pilonné, oui... La salle est toute préparée, nos costumes sont prêts ; allons, mademoiselle, venez mettre la main à la pâte...
(Ils sortent).
ACTE III
Le théâtre représente les Enfers.
SCÈNE PREMIÈRE.
Valère, seul, examinant le local.
VALÈRE. - C'est fort bien disposé ; si je n'avais pas moi-même présidé à cet arrangement, je me croirais vraiment aux enfers. Mais c'est lui, Monsieur Richard, comme il sera surpris à son réveil !
SCÈNE II.
Arlequin, Valère.
ARLEQUIN, accourant. - Monsieur, Monsieur ! Monsieur Richard vient d'éternuer, ça ne dérange-t-il rien à la chose ?
VALÈRE. - À ton air pâle, tu m'as fait peur ; non, non, ça n'y fait rien : ce dormitif qu'il a pris dans son café l'assoupit, mais ne lui ôte pas les facultés d'un vivant.
ARLEQUIN. - Pam ! c’est que je craignais...
VALÈRE. - Rassure-toi, nous avons un quart d'heure à nous... Mais, quoi ! tu ne songes pas à t'habiller en Pluton ?