LA MANIE CORRIGÉE
ou ARLEQUIN-PLUTON
PIÈCE FÉERIQUE EN TROIS ACTES.
THÉÂTRE SERAPHIN - 1776/1870
Cette pièce d'ombres est tirée de l'ouvrage consultable et téléchargeable en ligne, auquel on pourra se reporter :
http://openlibrary.org/books/OL23549332M/Histoire_de_ce_spectacle_depuis_son_origine_jusqu'a_sa_disparition_1776-1870. Le tout fait partie du domaine public.image tirée de l'ouvrage.
PERSONNAGES :
Monsieur Richard, propriétaire ;
Madame Richard, sa femme - Mégère
Arlequin, leur domestique - Pluton
Lisette, leur servante ;
Hortense, leur fille - Didon
Valère, le prétendu d'Hortense - Caton
Un Diable.
ACTE I
Le théâtre représente une place publique.
SCÈNE PREMIÈRE.
Monsieur Richard, Arlequin.
RICHARD
RICHARD, qu'on ne voit pas. - Sors d'ici, coquin, sors au plus tôt ou je t'assomme ; ce serait trop d'honneur pour toi que de te pendre.
Arlequin
ARLEQUIN, sortant de la maison. - Oh ! oh ! oh ! Le plaisant original ! Voyez donc le bel honneur que celui d'être pendu. Oh ! oh ! Quel diable de vertigo le tourmente ? mais je ris là comme un butor, c’est bien plutôt pour moi le moment de pleurer. Hi ! hi ! hi ! Pauvre Arlequin, que vas-tu devenir ? Si j'avais touché mes gages, j'aurais encore quelque ressource ; mais je suis sans le sou et sans la maille. Hi ! hi ! hi ! J'ai une faim d'enragé ; il devait bien attendre, ce monsieur Richard, que j'eusse dîné pour me renvoyer ; mais on ouvre la porte, sauvons-nous, sauvons nous.
SCÈNE II.
Lisette, Arlequin.
Lisette
LISETTE. - Arlequin, Arlequin !
ARLEQUIN, se retournant. - Ah ! c’est toi, Lisette.
LISETTE. - Comme tu te sauves.
ARLEQUIN. - Oh ! je craignais que ce ne fût ce vilain monsieur Richard qui se mît à mes trousses, mais toi, mon petit bouchon, tu ne me fais pas peur.
LISETTE. - Qu'est-il donc arrivé ?
ARLEQUIN. - Ah ! tendre mignonne, je te quitte ; adieu, mon petit pigeon, adieu pour jamais.
LISETTE. - Mais dis-moi donc le sujet ?
ARLEQUIN. - Monsieur Richard me met à la porte.
LISETTE. - Et pour quelle raison ?
ARLEQUIN. - Il veut me faire pendre et je m'y refuse : un joli garçon comme moi, à la fleur de son âge, faire la grimace à la lune, fi donc.
LISETTE. - Te faire pendre, tu lui as donc volé quelques effets ?
ARLEQUIN. - Voilà ! ce soupçon de ta part me déchire le gésier ! Ai-je donc la mine d'un voleur ?
LISETTE. - Je ne te comprends pas.
ARLEQUIN. - Oui, me faire pendre et lui aussi.
LISETTE. - Tu extravagues. Le pauvre garçon ! Explique-toi donc mieux.
ARLEQUIN. - Comment, petite poulette, tu ne sais pas quelle est la manie de monsieur Richard ? Il a fait, il y dix-huit mois, un voyage en Angleterre.
LISETTE. - Je sais cela. Eh bien !
ARLEQUIN. - Eh bien ! depuis ce maudit voyage, la vie, à ce qu'il dit, lui paraît un fardeau trop lourd ; il veut le mettre bas, en un mot, il veut mourir.
LISETTE. - Cependant il vit encore.
ARLEQUIN. - C'est vrai ; mais aujourd'hui il voulait que nous nous pendissions tous deux ; j'aurais encore accepté la partie s'il avait voulu mettre son premier enjeu ; mais non, le bourreau voulait que ce fût moi. Là-dessus, bien des débats, bien des menaces ; enfin, à la porte ! Hi ! hi ! hi |
LISETTE. - Que je te plains, pauvre Arlequin ! Mais que dit madame Richard à toutes ces extravagances ?
ARLEQUIN. - Elle en rit, elle en pleure.
LISETTE. - Comment ? Elle en rit, elle en pleure ?
ARLEQUIN. - Oui, elle rit de voir que son cher époux veut se donner la mort, et elle pleure de ce qu'il n'en a réellement pas la force.
(On appelle Lisette).
Mais j'entends qu'on t'appelle, je serais fâché que tu fusses grondée. Rentre, mon petit trognon, et dis pour la dernière fois adieu à ton petit brunet qui va chercher un maître qui n'aime pas la pendaison.
LISETTE. - Il est tout trouvé, ce maître.
ARLEQUIN. - Oui, déjà !
LISETTE. - Tu connais bien monsieur Valère ?
ARLEQUIN. - Sûrement, c'est celui qui aime la fille de monsieur Richard, la charmante Hortense, et dont le conjungo est arrêté pour aujourd'hui.
LISETTE. - Hé bien ! C’est à moi qu'il est redevable de cet hyménée ; à ma sollicitation , il ne refusera pas de te prendre à son service.
ARLEQUIN. - Oh ! cara mia Lisetta, que je t'embrasse, que je t'embrasse. (Il l'embrasse).
LISETTE. - Tu m'étrangles, doucement. Je rentre ; toi, fais le tour de la maison et je vais t'ouvrir la petite porte ; au revoir.
ARLEQUIN. - Va vite, va vite. Allons, faisons ce que m'a dit mon cher cœur et rentrons par la petite porte. . (Il sort).
ACTE II
Le théâtre représente un appartement.
SCÈNE PREMIÈRE.
Valère, Madame Richard.
Valère
VALÈRE. - Se peut-il, madame, que vous vous refusiez à mon bonheur, quand j'ai l'agrément de monsieur votre époux ?