THÉÂTRE D'OMBRES ET DE SILHOUETTES

BEDONNET. - Il y a eu un assassinat ?

 

LARISETTE. - Dame ! Le cri que vous avez jeté.

 

BEDONNET. - Moi ? J'ai jeté un cri ?

 

LARISETTE. - Tout à l'heure.

 

BEDONNET. - Où ça ?

 

LARISETTE. - Dans cette maison.

 

BEDONNET. - Ici ? Mais ce n'est pas moi qui ai crié.

 

LARISETTE. - Alors qui ça ?

 

BEDONNET. - C'est le cochon !

 

LARISETTE. - Le cochon ! Quel cochon ?

 

BEDONNET. - Le cochon que tuait Dutripard pour me faire des boudins que je dois manger ce soir avec mon confrère de Pont de Bonne.

 

LARISETTE, ahuri. - Un cochon, Dutripard ! des boudins ! Votre confrère... Mais Monsieur le juge de paix, où est l'assassin ?

 

BKDONNET. - Il n'y a pas d'assassin, puisque personne n'est tué que le cochon. Qui est-ce qui vous a parlé d'assassin ?

 

LARISETTE. - C'est l'inconnu.

 

BEDONNET. - Quel inconnu ?

 

LARISETTE. - Celui qui n'avait pas de papiers.

 

BEDONNET. - Et vous ne l'avez pas arrêté ?

 

LARISETTE. - Si fait ! Je l'ai arrêté.

 

BEDONNET. - Et où est-il ?

 

LARISETTE. - Il devrait être ici.

 

BEDONNET. - Vous voyez bien qu'il n'y est pas ! C'est celui qui vient de se sauver. Larisette, mon ami, faites bien attention. Vous vous relâchez depuis quelque temps et, en vous relâchant, vous relâchez les prisonniers. Nous n'en avons cependant pas beaucoup. Si vous tenez à votre position, il faut me repincer immédiatement celui-là. Je rentre chez moi. Je compte que vous allez remettre la main dessus et me l'amener avant mon dîner (il part). Je ne serais pas fâché de montrer à mon confrère de Pont de Bonne comment je rends la justice. (Il sort.)



 

SCÈNE XI

 

LARISETTE, puis VALENTIN.

 

LARISETTE. - Il vient de se sauver! C'est impossible, puisque je l'ai arrêté. D'ailleurs, comme il n'a pas de papiers, il ne peut aller bien loin. Qu'est-ce que je disais ? Le voici !

 

VALENTIN, entrant des papiers à la main. - Maintenant je suis en règle. J'ai été trouver le maire, qui m'a donné un passeport sur ma bonne mine. J'espère qu'on va me laisser tranquille.

 

LARISETTE. - Ah ! Ah ! Vous voici. Vous cherchiez à vous évader.

 

VALENTIN. - Moi ? Pourquoi ? C'est inutile ! Vous ne pouvez pas m'arrêter puisque j'ai des papiers.

 

LARISETTE. - Des papiers ? Voyons !

 

VALENTIN, montrant des papiers. - Tenez ! C'est un passeport en règle signé par votre maire.

 

LARISETTE, lisant. - Passeport, c'est exact, délivré au sieur Valentin. Valentin c'est vous ?

 

VALENTIN. - Sans doute, c'est moi !

 

LARISETTE. - Qu'est-ce qui le prouve ?

 

VALENTIN - C'est mon passeport.

 

LARISETTE. - C'est juste ! (À part) Le quidam est en règle, mais le juge m'a dit de le lui amener, il faut l'arrêter pour un autre motif.

 

VALENTIN, voulant sortir. - J'ai bien l'honneur de vous saluer.

 

LARISETTE. - Un instant ! Tout à l'heure ne m'avez-vous pas dit qu'on assassinait quelqu'un ?

 

VALENTIN. - Je le croyais !

 

LARISETTE. - Vous avez môme ajouté que c'était le juge.

 

VALENTIN. - Certainement !

 

LARISETTE. - Vous en convenez ! Eh bien je vous arrête pour diffamation.

 

VALENTIN. - Pour diffamation ! Comment cela ?

 

LARISETTE. - Sans doute ! Ce qu'on tuait, c'était un cochon. Or vous m'avez dit que c'était le juge, donc vous avez pris le juge pour un cochon. Je vous arrête et je vais vous conduire devant lui.

 

VALENTIN, riant. - Ah ! Ah! Ah ! Ma foi, je veux bien, gendarme ! C'est trop drôle ! J'espère que le juge sera moins sévère que vous et qu'il me mettra en liberté !
 

FIN

 

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