THÉÂTRE D'OMBRES ET DE SILHOUETTES

VASSILISSA-LA-SAGE. - Hé, sortez les aiguilles en os, et les tissus de soies colorées ! (Deux grandes mains humaines apparaissent et utilisent les aiguilles et les bobines de soie). Allez droit au but, aidez Vassilissa-la-Sage ! (Les mains disparaissent et la silhouette d'un tapis ajouré apparaît pendant que Vassilissa-la-Sage chante sur l’air de « Au clair de la lune »).
     Au clair de la lune,
     Je tisse un rayon,
     Un rayon de lune
     Du sol au plafond.
     Je fais le tissage
     D’un tapis merveilleux,
     Avec des nuages
     Et un rayon bleu.

 
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RIDEAU

TROISIÈME TABLEAU

Le porche du palais royal.
 
Le Tsar est sur son trône. Devant lui se trouvent ses trois fils. Chacun tient un tapis.

TSAR. - Mes fils, montrez ce que vous m’avez apporté. Maintenant, nous allons voir laquelle de vos femmes est une vraie couturière. Nous allons savoir qui est celle qui ignore la paresse.

FRÉDÉRIC-TSARÉVITCH. - Regardez, Père, Tsar-Souverain, le beau tapis que voici. Il a été tissé par les mains de ma belle Aubépine.

TSAR. - C’est un beau tapis, en effet. Il sera parfait pour servir de couverture et pour protéger les chevaux royaux de la pluie. Maintenant, à vous, Pierre-Tsarévitch...
     (Ivan-Tsarévitch entre sur l’écran et se tient derrière ses deux frères).

PIERRE-TSARÉVITCH. - Regardez, Père, Tsar-Souverain, le beau tapis que voilà. Admirez comme son tissage est riche. La lumière ne l'effacera pas ! C’est le travail de ma tendre Isabelle.

TSAR. - Vous avez raison, mon fils, ce tapis est fort beau. C'est la vérité. Mettons-le dans le couloir. Il nous servira de tapis d’entrée. (À Ivan-Tsarévitch). Et vous, Ivan-Tsarévitch que m’apportez-vous ? Montrez-moi le travail de votre grenouille. Est-il à la hauteur de celui de mes autres belles-filles ?

IVAN-TSARÉVITCH, s'avançant. - Regardez, Père. (Il présente le tapis au Tsar).

TSAR. - Oh ! Vous ? Qui ? C'est… Euh ! Ce tapis est une merveille. On dirait qu’il a été tissé par des fées. J’utiliserai ce tapis pour couvrir le trône lors des grandes réceptions ! Eh bien, mes fils, merci encore et remerciez vos épouses de ma part. Ce soir, venez me voir avec vos femmes pour un festin !
     (Les frères princiers s'inclinent devant leur père).
RIDEAU

QUATRIÈME TABLEAU


Galerie du Palais Royal et cour.

     (À une table riche, le Tsar, Frédéric-Tsarévitch avec sa femme, Pierre-Tsarévitch et son épouse et Ivan-Tsarévitch sont attablés. Au moment où le rideau s’ouvre, tout le monde rit fort, sauf Ivan-Tsarévitch).

PIERRE-TSARÉVITCH. - Ivan-Tsarévitch, ne vous offusquez pas ! Racontez-nous plutôt comment votre grenouille coiffe vos cheveux bouclés !
     (Tout le monde rit).

FRÉDÉRIC-TSARÉVITCH. - Heureusement que toi, Pierre-Tsarévitch, mon frère, tu as épousé une femme d’une grande beauté !

PIERRE-TSARÉVITCH. - Et heureusement que toi, Frédéric-Tsarévitch, tu as épousé une femme magnifique. (À Ivan-Tsarévitch) Et vous, Ivan-Tsarévitch où l'avez-vous trouvée, votre grenouille ? Dans quelle flaque marécageuse ?
     (Rires généraux).

IVAN-TSARÉVITCH. - Père, permettez-moi de quitter votre table, je vous prie.

TSAR. - Restez assis, Ivan-Tsarévitch. Qu'y a-t-il ? Vos frères plaisantent un peu, ça n’a rien de méchant. Et c'est vraiment dommage que vous soyez venu sans votre épouse.

FRÉDÉRIC-TSARÉVITCH. - Vous l'auriez apportée dans un mouchoir.

PIERRE-TSARÉVITCH. - Nous aurions écouté son coassement.
     (Tout le monde rit).

ISABELLE. - J'avais mis un délicieux moustique en réserve pour elle !

AUBÉPINE. - Et je...
     (Il y a un coup de tonnerre).

IVAN-TSARÉVITCH. - N'ayez pas peur, honnêtes invités : c'est ma grenouille qui vient d’arriver dans son mouchoir.
     (Un carrosse pénètre dans la cour, s'arrête et Vassilissa-la-Sage en descend. Le Carrosse s'en va. Vassilissa-la-Sage apparaît sur le haut du décor).

VASSILISSA-LA-SAGE. - Qu'avez-vous, Ivan-Tsarévitch, vous ne reconnaissez pas votre femme ? Vous ne reconnaissez pas votre grenouille ?

TSAR. - Bienvenue, belle-fille. Comment vous appelez-vous ?

VASSILISSA-LA-SAGE. - Votre Majesté, je me nomme Vassilissa-la-Belle, et les gens m’appellent Vassilissa-la-Sage.

TSAR. - Asseyez-vous à notre table, Belle et Sage Vassilissa. Veuillez manger de mon pain et goûter de mon sel.

VASSILISSA-LA-SAGE. - Votre Majesté, je vous suis reconnaissance de cet honneur. (Elle s'assoit à côté de son mari).

AUBÉPINE. - J'ai déjà mangé, merci, Père, Tsar-Souverain.

ISABELLE. - Mon mari et moi sommes déjà rassasiés. Nous vous en demandons pardon, Père, Tsar-Souverain.

VASSILISSA-LA-SAGE. - Que se passe-t-il ? Est-ce que j’aurais gâché la fête ? Si c’est le cas, veuillez m’en excuser, ce n’était pas volontaire.

TSAR. - Oh non ! Qu'allez-vous donc penser ? On va s'amuser maintenant. Dansons ! C’est un ordre !

FRÉDÉRIC-TSARÉVITCH. - Laissez, Père, Tsar-Souverain, ma femme, la tendre Aubépine, être la première à se distinguer.

TSAR. - Mais oui, Frédéric-Tsarévitch, mais oui. Musique !
     (Une musique se fait entendre. Aubépine, immobile, ne suit pas le rythme de la musique. Elle se contente de bouger les mains. Après avoir fini de « danser », elle s'incline).

TSAR. - C’est maintenant au tour d’Isabelle. Qu’on joue une musique plus rapide !
     (On entend la même musique que précédemment, mais à un rythme plus rapide. Isabelle se contente de faire des petits sauts désespérés. Elle s’incline devant le roi. La musique s’arrête).

TSAR. - Maintenant, Vassilissa-la-Sage, nous ferez-vous l’honneur de nous réjouir par une danse ?
     (Vassilissa-la-Sage danse en douceur. Pendant sa danse, une table avec les princes et leurs épouses flotte. Le roi disparaît. Des cygnes apparaissent. Ils volent dans un sens ou dans l'autre... La musique se tait. Les cygnes disparaissent. Sur la scène, on retrouve Vassilissa, le Tsar, Frédéric et Pierre et leurs épouses).

TSAR. - Merci, ma belle-fille, votre danse nous a plu. C’était une véritable féerie…

VASSILISSA-LA-SAGE. - Où donc est mon mari, Ivan-Tsarévitch ?

TSAR. - Je ne sais pas.

AUBÉPINE. - Personne d’entre nous ne le sait. Vous n’aviez qu’à le surveiller !

VASSILISSA-LA-SAGE, appelant. - Ivan-Tsarévitch ! Où êtes-vous ? Revenez près de moi !

IVAN-TSARÉVITCH, entrant sur l’écran. - Me voici, ma Bien-Aimée.

VASSILISSA-LA-SAGE. - Mon Prince, où étiez-vous passé ?

IVAN-TSARÉVITCH. - J’étais dans nos appartements, ma toute belle...

VASSILISSA-LA-SAGE. - Dans nos appartements ? Pourquoi ? Avez-vous...

IVAN-TSARÉVITCH. - Je suis rentré chez nous, j'ai trouvé votre peau de grenouille et je l'ai jetée dans le feu. Vous resterez toujours comme vous êtes maintenant.

VASSILISSA-LA-SAGE. - Oh ! Ivan-Tsarévitch. Qu'avez-vous fait ! Si vous n'aviez attendu que trois jours... Maintenant, au revoir. Cherchez-moi dans les trois-neuvièmes terres, dans le trois-dixième royaume, de Koschei l'Immortel... Au revoir, ne m’oubliez pas !
     (Vassilissa-la-Sage disparaît. Un cygne apparaît à sa place. Il s’envole hors de l’écran).

TSAR. - Oh ! Ivan-Tsarévitch, mon fils, quel malheur !

IVAN-TSARÉVITCH. - Mon Père, Roi Souverain, je traverserai la terre entière et j'atteindrai le royaume de Koschei. Je vais retrouver ma tendre Vassilissa.


 
RIDEAU

SCÈNE CINQUIÈME


Un monticule boisé. Une rivière en contrebas.

(Ivan-Tsarévitch apparaît au sommet du monticule).

IVAN-TSARÉVITCH, fatigué. - Oh, je suis fatigué ! Mes bottes de fer sont usées, cette route n’a pas de fin. Où es-tu, Royaume de Koschei ? Où es-tu, ma chère épouse, Vassilissa-la-Sage ?.. Je vais descendre à la rivière et me reposer sur le rivage. Je veux manger, cela fait trois jours que je me nourris uniquement de rosée. (L'ours apparaît). Un ours ! Fantastique ! Voici mon déjeuner.

OURS. - Ne me faites pas de mal, Ivan-Tsarévitch, je saurai vous être utile !

IVAN-TSARÉVITCH, abaissant son arc. - L'ours parle d'une voix humaine ! Il connaît mon nom ! C’est merveilleux ! (À l’Ours) Tu peux partir, Ours merveilleux !

OURS. - Mille mercis, Ivan-Tsarévitch ! J’espère qu'on se reverra ! (L’ours s'enfuit).

IVAN-TSARÉVITCH. - Et qui se cache ici ? (Il siffle fort).

LIÈVRE, survenant. - Par pitié, ne me faites pas de mal, Ivan-Tsarévitch, je pourrai vous rendre service un jour !

IVAN-TSARÉVITCH. - D'accord. Sauve-toi, joli Lièvre !

LIÈVRE. - Soyez béni, Ivan-Tsarévitch ! J’espère qu'on se reverra ! (Le Lièvre s'enfuit).
     (Ivan-Tsarévitch descend le monticule et arrive au bord de la rivière. Un canard survient).

CANARD. - Ne me faites pas de mal, Ivan-Tsarévitch, je pourrai vous aider bientôt !

IVAN-TSARÉVITCH. - Que faire d’un Canard qui parle ? Sauve-toi !

CANARD. - Que le dieu des canards vous bénisse, Ivan-Tsarévitch ! J’espère qu'on se reverra ! 
     (Le Canard s'enfuit. Un brochet apparaît dans l’eau de la rivière. Il saute et se trouve prisonnier hors de l’eau).

IVAN-TSARÉVITCH. - Magnifique ! Je vais pouvoir manger du brochet ! Par ici la bonne soupe !
BROCHET. - Ayez pitié de moi, Ivan-Tsarévitch, laissez-moi retourner à la rivière.

IVAN-TSARÉVITCH. - Nage, joli poisson ! (Il pousse le brochet dans la rivière).

BROCHET. - Merci, merci, merci, Ivan Tsarévitch ! (Le brochet disparaît).

IVAN-TSARÉVITCH. - Eh bien, Ivan-Tsarévitch, tu vas encore te coucher le ventre vide. Enfin, la nuit porte conseil, comme ma tendre Vassilissa aimait à le dire. (Il s'allonge et s'endort).

     (Baba Yaga arrive en volant dans son tonneau).

BABA YAGA. - (Elle chantonne sur l'air de Yéhé, les copains).
     Boo-boo-boo-boo-booh !
     Mon estomac crie famine
     
Boo-boo-boo-boo-booh !
     Qui a fait fuir mon gibier ?

     Pas d'ours, et pas de lièvres,
     De cailles, de sangliers;
     Je crois que j'ai la fièvre
     Vite, il me faut manger.

     Boo-boo-boo-boo-booh !
     Mon estomac crie famine
     
Boo-boo-boo-boo-booh !
     Qui a fait fuir mon gibier ?
 
(Parlé). Où est-il ? Snif ! Ça sent la chair humaine ! Qui est ici ? (Elle aperçoit Ivan-Tsarévitch). Ivan-Tsarévitch ! Le Prince ! Il dort. Je vais le manger maintenant ! Maintenant, maintenant…

IVAN-TSARÉVITCH. - (Il se lève en sursaut et vise Baba Yaga). Je vais vous montrer comment attaquer les dormeurs, Sorcière !

BABA YAGA. - Ne me faites pas de mal, Ivan-Tsarévitch, ayez pitié...

IVAN-TSARÉVITCH. - Une sorcière, un tonneau… Vous êtes Baba Yaga ! Comment savez-vous quel est mon nom ? !

BABA YAGA. - Je sais tout de vous. Je sais que vous avez brûlé la peau de grenouille de votre épouse. Il y a quelques temps, Koschei l'Immortel a découvert que votre femme, la belle Vassilissa, était plus intelligente que lui. Quand il l'a découvert, il était en colère. Il l’a transformée en grenouille. Le charme devait durer trois ans. Vous avez brûlé la peau trop tôt et maintenant, vous ne pouvez pas plus voir votre femme que vous vous pouvez voir vos oreilles.

IVAN-TSARÉVITCH. - Parlez, Baba Yaga dites-moi comment je peux me rendre au royaume de Koschei ?
 
BABA YAGA. - Je savais, tu es mon fer de lance, je savais... oui... j'oubliais, je suis devenue vieille et stupide...

IVAN-TSARÉVITCH. - Arrêtez de divaguer ! Je vous ai posé une question... (Il vise Baba Yaga).

BABA YAGA. - Attendez, ne tirez pas ! (Une pelote de fil apparaît à côté d'Ivan-Tsarévitch apparaît). Voici une pelote de fil magique. Suivez-la, elle vous emmènera auprès de votre Belle.

IVAN-TSARÉVITCH. - Merci, Baba Yaga ! (Il s’approche de la pelote).

BABA YAGA. - Allez, allez, mon Prince. Vous y trouverez votre mort. Ni une flèche ni une épée ne peuvent blesser Koschei. Pas étonnant qu'il soit appelé Koschei l'Immortel !

 
RIDEAU
 
 
 



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