THÉÂTRE D'OMBRES ET DE SILHOUETTES

PÉDANTUS,

ou

LA  LEÇON  D'HISTOIRE  NATURELLE

par  MTT

http://gallica.bnf.fr/ark:/12148/bpt6k55250647.r=ombres+chinoises.langFR

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planche du domaine public

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Le Théâtre représente une forêt.

SCÈNES EN PROSE.

PERSONNAGES.

PÉDANTUS, maître d'école.
CHARLES, son élève.

LE LION.
L'ÉLÉPHANT.
L'OURS NOIR.

LE DROMADAIRE.
LE CERF.
L'AUTRUCHE.
LE PAON.

 

SCÈNE PREMIÈRE.


Pédantus (Dover publications inc.)


PÉDANTUS, CHARLES, dans un ballon.

(On trouvera des modèles de ballons à la page :

http://ombres-et-silhouettes.wifeo.com/aviation.php)
 

     (Ils descendent obliquement de l'angle supérieur de droite à l'angle inférieur de gauche du tableau, et disparaissent pour un moment dans la coulisse.)

CHARLES. (Il traverse la scène de gauche à droite en courant, et disparaît eu disant :) - Oh ! le joli papillon que j'aperçois là-bas !

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Charles (Dover publciations inc.)
 

PÉDANTUS, entrant seul par la gauche. - Voyez un peu ce marmot, me faire courir ainsi après tous les papillons qu'il rencontre !... Encore si nous étions dans la forêt de Compiègne, de Fontainebleau ou de Saint Germain, à la bonne heure : on peut s'y égarer sans crainte ; mais ici, où l'on peut à chaque instant se trouver nez à nez avec un lion ou une panthère, doit-on se permettre de s'amuser avec des insectes ? Ô éducation ! que tu me coûtes, m'as coûté et me coûteras de peines !.. C'est pour toi que je me suis expatrié, que je me suis sacrifié.

     Si je n'étais pas né avec un penchant irrésistible pour la science, aurais-je abandonné mes pénates pour instruire un élève, le seul qu'on ait voulu me laisser, et sur lequel je veux essayer une méthode que je prouverai incontestablement bonne ? Oui, mon système est de ne rien montrer par théorie ; je veux pratiquer et je pratiquerai, dût-il m'en coûter la vie. C'est ainsi que pour faire connaître par mon Charles ce que c'était qu'une expérience aérostatique, nous nous sommes confiés aux airs dans la nacelle d'un ballon qui nous a conduits jusqu'ici. Autant que je puis m'en rendre compte par les diverses descentes que nous avons faites, nous sommes en Afrique, sur les côtes de Guinée, à onze cents lieues de Paris : c'est ici que nous allons jouir d'un spectacle bien intéressant, et que je vais avoir l'occasion de continuer mes leçons d'histoire naturelle. (Appelant.) Charles !... Charles !...

CHARLES, au dehors et sans paraître. - Tout-à-l'heure, monsieur Pédantus ; je le tiens.

PÉDANTUS. - Comment, tout-à-l'heure !... Voulez-vous bien venir, monsieur, quand je vous appelle.

CHARLES, au-dehors et sans paraître. - Je l'attache par une patte, et je suis à vous.

PÉDANTUS. - Mais voyez donc comme il est obéissant ! Que La Fontaine avait raison de dire :
Oh ! le petit babouin !
Et puis prenez de tels fripons le soin.
Que les parents sont malheureux qu'il faille             
Toujours veiller à semblable marmaille !
     Monsieur Charles, nous allons nous fâcher !

     (Ici vous faites sortir entièrement Pédantus par la droite, vous passez vite au compère de gauche le manche du gouvernail de Charles, dont vous aurez retourné la figure, et Charles alors entrera en disant : « Mon dieu que c'est ennuyeux, etc. » Pédantus ensuite entrera par la droite après Charles, en disant: « Voyez un peu le grand malheur, etc.)


SCÈNE II.

PÉDANTUS, CHARLES.


CHARLES, entrant par la droite. - Mon Dieu, que c'est ennuyeux : vous avez tant fait que mon joli papillon s'est envolé.

PÉDANTUS, entrant aussi par la droite. - Voyez un peu le grand malheur !

CHARLES. - Oui, c'est un grand malheur, là.

PÉDANTUS. - Est-ce ainsi que vous profitez de mes leçons, monsieur ? Et quand j'ai cherché à élever votre âme, à vous inculquer l'amour du beau, du sublime, était-ce pour déplorer la perte d'un papillon ?... Vous serez donc toujours un enfant ?...

CHARLES. - Tiens, si l'on vous écoutait, vous, on ne jouerait jamais.

PÉDANTUS. - Vous êtes injuste, mon ami : je ne vous défends pas de jouer, mais il y a jeux et jeux. J'aimerais, par exemple, vous voir prendre goût à ceux qui sont savants et susceptibles d'intéresser votre esprit, de former votre jugement.

CHARLES. - Oui, tels que le jeu de l'oie, n'est-ce pas, monsieur Pédantus ?

PÉDANTUS. - Pourquoi pas, monsieur le plaisant ?... Le jeu de l'oie a son mérite comme un autre ; il présente des chances qui font allusion aux diverses situations de la vie... Mais cessons cet entretien, il nous éloigne de notre but.


CHARLES. - Oui, vous avez raison, monsieur Pédantus, cessons cet entretien ; moi, je m'en vais voir si je ne retrouverai pas mon joli papillon.

PÉDANTUS. - Encore !... Charles, écoutez-moi. Savez-vous dans quel endroit nous sommes ?

CHARLES. - Nous sommes dans un endroit où l'on peut jouer à son aise, et je vais en profiter.

PÉDANTUS. - Ce n'est pas cela que je vous demande, et vous n'avez pas raison de vouloir courir ici à tort et à travers. Ce pays est plein de bêtes féroces, qui se jettent sur les enfants et les dévorent.

CHARLES. - Ah ! mon Dieu !

PÉDANTUS. - Cela n'est que trop vrai. D'ailleurs, ne vous ai-je pas répété plusieurs fois que l'enfant indocile risquait de tomber dans le malheur, chaque fois qu'il s'isolait de ses pareils ou de ses maîtres, sans leur consentement ?

CHARLES. - Ainsi donc, si je ne vous quitte pas, je n'aurai rien à craindre ?

PÉDANTUS. - Certainement. Nous sommes ici en Afrique : savez-vous ce que c'est que l'Afrique ?

CHARLES. - Oui, monsieur.

PÉDANTUS. - Eh ! bien, dites.

CHARLES. - L’Afrique est la capitale de la Russie.

PÉDANTUS. - Ah ! Ah ! et que sera donc Moscou ?

CHARLES. - Ah ! c'est vrai, je me suis trompé.

PÉDANTUS. - Ignorant que vous êtes ; ne savez-vous pas que l'Afrique est la troisième partie du monde ?... Songez une autre fois à ce que vous direz, et sachez qu'une pareille réponse, faite dans un cours, au milieu d'une nombreuse assemblée, m'eût fait un tort inconcevable.

CHARLES. - J'y ferai attention, monsieur Pédantus.

PÉDANTUS. - Je vois qu'il faut souvent vous faire subir un examen. Voyons un peu : qu'est-ce que la géographie ?

CHARLES. - La géographie est l'art de parler et d'écrire correctement.

PÉDANTUS. - Allons, en voici bien une autre à présent. Par conséquent, la grammaire est la description de la terre.

CHARLES. - Mais, non ; qu'est-ce que vous dites donc, monsieur Pédantus ? c'est la géographie qui est la description de la terre.

PÉDANTUS. - Eh ! bien, n'est-ce pas ce que je veux vous dire ? Vous allez voir que c'est moi qui aurai tort.
 

 
 



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