THÉÂTRE D'OMBRES ET DE SILHOUETTES

L'AVARE

homme en théâtre d`ombres ombres chinoises marionnettes silhouettes

par Paul EUDEL

1886  domaine public


http://www.cineressources.net/images/ouv_num/072.pdf


COMÉDIE EN DEUX ACTES.

PERSONNAGES

Harpagon.
Victor, son fils.
Laflèche, domestique.
Jacques, domestique.
Simon, homme d'affaires.
Flipote, servante.



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L'AVARE

ACTE PREMIER

 



SCÈNE I

HARPAGON, LAFLÈCHE.


Harpagon
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HARPAGON.. - Hors d'ici, tout à l'heure, et qu'on ne réplique pas. Allons, que l'on détale de chez moi maître juré filou, vrai gibier de potence.
 


Laflèche

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LAFLÈCHE. - Je n'ai jamais rien vu de si méchant que ce maudit vieillard ; il a le diable au corps.

HARPAGON. - Tu murmures entre les dents.


LAFLÈCHE. - Pourquoi me chassez-vous ?

HARPAGON. - C'est bien à toi, coquin, à me demander des raisons ! Sors vite, que je ne t'assomme.

LAFLÈCHE. - Qu'est-ce que je vous ai fait ?

HARPAGON. - Tu m'as fait que je veux que tu sortes et que tu ne sois pas dans la maison, planté tout droit comme un piquet, à observer ce qui se passe, et faire ton profit de tout. Je ne veux point avoir chez moi un traître qui cherche de tous côtés pour voir s'il n'y a rien à voler.

LAFLÈCHE. - Comment diantre voulez-vous qu'on fasse pour vous voler ?... êtes-vous volable quand vous renfermez toutes choses et faites sentinelle jour et nuit ?


HARPAGON. - Je veux renfermer ce que bon me semble, et faire sentinelle comme il me plaît. C'est ainsi que tu prends garde à ce que je fais (bas). Je tremble qu'il ne sache où j'ai caché mon argent (haut). Ne serais-tu point homme à faire courir le bruit que j'ai, chez moi, de l'argent caché.

LAFLÈCHE. - Vous dites que vous avez de l'argent caché ?...

HARPAGON. - Non, coquin, je ne dis pas cela. Je demande si, malicieusement, tu n'irais point faire courir le bruit que j'en ai...

LAFLÈCHE. - Eh ! que m'importe, que vous en ayez ou que vous n'en ayez pas, s'il ne m'en revient pas plus.

HARPAGON. - Tu fais le raisonneur ! Sors d'ici, encore une fois !


LAFLÈCHE. - Eh bien, je sors (Il se retourne).

HARPAGON. - Attends ! Ne m'emportes-tu rien ?

LAFLÈCHE, (se retournant). - Que vous emporterais-je ?

HARPAGON. - Montre-moi tes mains.

LAFLÈCHE. - Les voilà !

HARPAGON. - Les autres.

LAFLÈCHE. - Je n'ai point d'autres mains que ces deux-ci.

HARPAGON. - Tes poches !

LAFLÈCHE. - Je n'en ai point ; vous m'avez défendu d'en avoir. La peste soit de l'avarice et des avaricieux !

HARPAGON.
- Comment ?... que dis-tu ?

LAFLÈCHE. - Ce que je dis ?

HARPAGON. - Oui, qu'est-ce que tu dis d'avarice et d'avaricieux ?

LAFLÈCHE. - Je dis la peste soit de l'avarice et des avaricieux.

HARPAGON. - De qui veux-tu parler ?

LAFLÈCHE. - Des avaricieux.

HARPAGON. - Et qui sont-ils ces avaricieux ?...

LAFLÈCHE. - Des vilains et des ladres.

HARPAGON. - Mais qui est-ce que tu entends par là ?...

LAFLÈCHE. - Est-ce que vous croyez que je veux parler de vous, monsieur Harpagon ?...

HARPAGON.. - Je crois ce que je crois; mais je veux que tu me dises à qui tu parles quand tu dis cela.

LAFLÈCHE. - Je parle... je parle à mon bonnet.


HARPAGON.
Et moi, je pourrais bien parler à tes épaules, si tu ne sors d'ici à l'instant.


LAFLÈCHE.
Puisque vous me congédiez, il faut bien que je parte (Il sort).



SCÈNE II



HARPAGON (seul). - Allons, voilà une bouche de moins dans la maison. N'est-ce pas ridicule d'avoir tant de gens à nourrir chez soi pour en être volé ?... Je voudrais bien chasser l'autre aussi : patience, son tour viendra et je serai délivré de tous ces mouchards là (Il appelle). Jacques ! Jacques !



SCÈNE III

JACQUES, HARPAGON.


Jacques
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JACQUES. - Me voici, monsieur Harpagon.

HARPAGON. - Allons, viens ici que je te donne mes ordres. Tu vas nettoyer partout et surtout prends garde de frotter les meubles trop fort, de peur de les user. Tu rinceras ensuite les bouteilles; et s'il s'en écarte quelqu'une, s'il se casse quelque chose, prends garde à toi, |e le rabattrai sur tes gages.

JACQUES. - Qui casse les verres les paie.

HARPAGON. - C'est bien parlé ! A propos de verres, je te recommande de ne donner à boire que lorsqu'on aura soif et non pas selon l'habitude de certains impertinents laquais, qui font boire les gens lorsqu'ils n'y songent pas. Attends qu'on t'en demande plus d'une fois, et souviens-toi de porter toujours beaucoup d'eau.

JACQUES. - C'est juste, le vin pur monte à la tête.

HARPAGON. - Demain, je compte donner à dîner à un de mes amis. Dis-moi un peu, que nous donneras-tu ?
 

 
 



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