THÉÂTRE D'OMBRES ET DE SILHOUETTES

HARPAGON. - Ah ! c'est la douleur qui me trouble l'esprit, viens, je vais te le donner, mais que diable allait-il faire dans cette galère (Ils sortent tous deux) ?

ACTE  DEUXIÈME

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SCÈNE  I

HARPAGON,  FLIPOTE.

Flipote
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FLIPOTE. - Monsieur Harpagon, je viens vous dire de la part de mon maître, monsieur Simon, qu'il n'a pu réussir à faire accepter vos conditions : il ne m'en a pas dit davantage, sans doute vous comprenez ?

HARPAGON. - C'est bien, oui, je sais ce que cela veut dire.


FLIPOTE (Elle rit). - Hi, hi, hi, hi, hi, hi...

HARPAGON. - Qu'as-tu donc à rire ? il n'y a rien de plaisant à cela.

FLIPOTE. - Hi, hi, hi, hi, la plaisante histoire et la bonne dupe que ce vieillard.

HARPAGON. - Est-ce de moi que tu viens te moquer ?

FLIPOTE. - Comment ! Qui songe à se moquer de vous ?

HARPAGON, - Pourquoi viens-tu me rire au nez ?

FLIPOTE. - Cela ne vous regarde point, et je ris toute seule d'un conte qu'on vient de me faire, le plus plaisant qu'on puisse entendre. Je n'ai jamais rien trouvé de si drôle que ce tour qu'un fils vient de jouer à son père, pour en attraper de l'argent.

HARPAGON. - Un fils à son père, pour en attraper de l'argent ?


FLIPOTE, - Oui ; et si ça peut vous intéresser, je m'en vais vous dire cette histoire-là.

HARPAGON. - Voyons.

FLIPOTE. - Ce fils a un père qui, quoique riche, est un avaricieux fieffé ; le plus vilain homme du monde ; son nom, on n'a jamais voulu me le dire, mais vous devez connaître cela ; vous savez sans doute quelqu'un dans cette ville, connu pour être avare au dernier point.


HARPAGON. - Non.

FLIPOTE. _ Vous ne connaissez pas ce ladre là ? Eh bien, qu'importe, pour venir à notre conte, son fils, ayant besoin d'argent, eut recours à son domestique : ce domestique est un homme incomparable; et il mérite toutes les louanges que l'on peut donner.


HARPAGON. - Après.

FLIPOTE. - Voilà la ruse dont il s'est servi pour attraper son père, hi, hi, hi, hi, hi ! Je ne saurais m'en souvenir que je ne rie de tout mon cœur, hi, hi, hi, hi, hi !est allé trouver ce chien d'avare de père, hi, hi, hi, hi, et lui a dit, qu'en se promenant sur le port, avec son fils, ils avaient vu une galère turque où on les avait invités d'entrer ; qu'un jeune turc leur avait donné la collation; que tandis qu'ils mangeaient, on avait mis la galère en mer et que le turc l'avait renvoyé lui seul, à terre, dans un canot, avec ordre de dire au père de son maître, qu'il emmenait son fils en Barbarie, s'il ne lui envoyait, sur l'heure, cinq cents écus, hi, hi, hi, hi, hi, comment ? mais il me semble que vous ne riez point !


HARPAGON. - Il n'y a point là de quoi rire, je ne veux point en savoir davantage, Ce jeune homme est un pendard, un insolent, qui sera puni par son père du tour qu'il lui a fait. Le domestique est un scélérat qui sera, par moi, envoyé en prison avant qu'il soit demain ; et toi, tu es une mal avisée, une impertinente que je vais, moi-même, mettre à la porte, si tu ne sors à l'instant,


FLIPOTE. - Il faut que ça soit vous le père pour vous mettre tant en colère.

HARPAGON. - Hors d'ici, te dis-je.

FLIPOTE. - Monsieur, je vous demande bien pardon, je m'en vais à l'instant (Elle sort).


SCÈNE  II


HARPAGON, seul. - Ah ! je suis dans un accablement horrible ! Ce pendard de Laflèche, m'attraper ainsi cinq cents écus ! mais il me la paiera belle ! Ah ! Je n'en puis plus et pour me refaire j'ai besoin d'aller voir un peu mon argent au jardin ; je pense que celui-là ne passera jamais par les mains de ce coquin de valet, ni même par celles de mon fils ; j'aime mieux mourir que de jamais lui en ouvrir la bouche (Il sort).
 

 

SCÈNE  III


LAFLÈCHE, venant du côté d'où Harpagon rient de sortir. VICTOR, entrant du côté opposé.

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LAFLÈCHE (portant un sac sur le dos). - Ah ! Monsieur, que je vous trouve à propos ! Suivez-moi vite.

VICTOR. - Qu'as-tu donc sur ton dos ?

LAFLÈCHE. - Le trésor de Monsieur votre père, que j'ai attrapé. Suivez-moi vite, sauvons-nous !

VICTOR. - Comment donc as-tu trouvé cela ?

LAFLÈCHE. - Je guettais par-dessus la haie du jardin ; je l'ai vu mettre dans un trou un sac d'argent ; mais suivez-moi, vous dis-je, car je l'entends déjà crier (Ils sortent).

 

SCÈNE  IV

 

HARPAGON (une, voix, de loin, criant ). - Au voleur ! à l'assassin ! au voleur ! au meurtrier (Il entre). Juste ciel ! je suis perdu, je suis assassiné ; on m'a volé mon argent. Justice ! Qu'est-il devenu ?... Qui a pu le prendre ?... Ah ! mon Dieu, où est-il ?... et que ferais-je pour le trouver ? Où aller ? Mon pauvre argent, mon cher ami, on m'a privé de toi. J'ai perdu ma consolation, ma joie, tout est fini pour moi et je n'ai plus que faire au monde ! Sans toi, il m'est impossible de vivre. C'en est fait; je n'en puis plus, je me meurs, je suis mort, je suis enterré. Ah ! n'y a-t-il personne qui veuille me ressusciter en me rendant mon argent. Sortons, je veux aller quérir la justice. Allons, vile, des gendarmes, des juges, des prisons, des bourreaux. Je veux faire pendre tout le monde.


SCÈNE  V

JACQUES,  HARPAGON

 

JACQUES. - Qu'avez-vous, mon cher monsieur Harpagon, qu'on vous entend de la cave au grenier comme si l'on vous écorchait tout vif ?

HARPAGON. - Gueux, c'est toi ! oui, c'est toi qui l'a pris !

JACQUES. - Quoi ?

HARPAGON. - Tu vas me le rendre, ou je vais t'étrangler tout à l'heure.

JACQUES. - Que voulez-vous que je vous rende ?

HARPAGON, - Mon argent.


JACQUES. - Je veux être pendu si j'y ai touché. Je n'en connais pas même la couleur.

HARPAGON. - Attends que je te frotte les épaules pour me dire la vérité (Jacques se sauve).
 

SCÈNE  VI


HARPAGON. - C'est lui ! je n'en doute point. C'est lui ! Il se sauve ; oui, c'est lui qui me l'a volé.

 

SCÈNE  VII

VICTOR.  HARPAGON.


HARPAGON. - Ah ! coquin, te voici, rends-moi mon argent.

VICTOR. - Mon père, ne vous tourmentez point et n'accusez personne. Je sais des nouvelles de votre affaire, et je viens ici vous dire, que si vous voulez consentir a mon mariage, votre argent vous sera rendu.

HARPAGON. - Ah ! je respire ! où est-il ce cher trésor ! n'en a-t-on rien ôté ?

VICTOR. - Rien du tout ; mais avant qu'il vous soit rendu, voyez si c'est votre dessein de donner votre consentement à mon mariage.


HARPAGON. - Je consens à tout, pourvu que je revoie mon argent.

VICTOR. - Je vais donc de ce pas chercher...

HARPAGON. - Mon argent.


VICTOR. - D'abord, un notaire.

HARPAGON. - Et mon argent ?

VICTOR. - Votre argent, je vous le dis, vous sera rendu dès que vous aurez signé mon contrat de mariage. Y consentez-vous ?


HARPAGON. - S'il ne faut que cela, je signerai.

VICTOR. - Je vais donc chez le notaire.


HARPAGON. - Dieu soit loué ! je vais revoir mon argent !

 
FIN
     Une autre pièce L'avare, pour marionnettes, par L. Darthenay, est visible sur :
 
 



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