THÉÂTRE D'OMBRES ET DE SILHOUETTES

J'aurai pour ordonner le nombre de la phrase
Le rythme de tes seins affolés dans l'extase
Et que le doux repos vient apaiser soudain.
Et, surtout, j'ai cueilli dans ton secret jardin,
Mieux que dans les traités d'éloquence publique
La fleur qui fait fleurir les fleurs de rhétorique.
– Mais je crois qu'il est temps de nous dire au revoir.
À tout à l'heure. (Baiser) Sois calme. (Baiser) J'ai bon espoir !

SIXIÈME TABLEAU

LE JUGEMENT

Ce décor est une reproduction fidèle du célèbre tableau de Gérôme (de l'Institut). Voir au musée du Luxembourg ; à cette exception près que Phryné n'est pas encore dévêtue.

 
     Cependant le temps a marché, oh ! combien vite ! Et dans la salle du tribunal, sur les gradins de marbre, les Héliastes impassibles sont rangés dans l’ordre même où, vingt-et-un siècles plus tard, devait les disposer monsieur Gérôme dans une reconstitution admirable.
     Après un réquisitoire du président Khenayos, réquisitoire dont le but manifeste et atteint d'ailleurs est de protéger la religion, la morale, les mœurs et la famille, l'avocat Hyppéride s'avance pour défendre sa blonde cliente qui s'est présentée devant ses juges, voilée d'une sombre draperie.

 
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Magistrats
http://www.alienor.org/collections-des-musees/fiche-objet-83872-ombre-chinoise-les-magistrats

(avec l'aimable autorisation de madame le Conservateur des musées de Châtellerault).

     Il prononce un plaidoyer magnifique qui ne nous a malheureusement pas été conservé. Il ne nous en est resté que le superbe mouvement oratoire par lequel Hyppéride, tout vibrant encore des souvenirs de la nuit précédente, dévoile Phryné dans la chaste splendeur de sa blanche nudité, en prononçant ces simples paroles : « Le tribunal appréciera ! »

 
 hypéride, avocat, phryné, ombres chinoises, theatre d`ombres, silhouettes, marionnettes, louis morin
Hyppéride plaidant
http://www.alienor.org/collections-des-musees/fiche-objet-83865-ombre-chinoise-hyperide-plaidant

(avec l'aimable autorisation de madame le Conservateur des musées de Châtellerault).

 
 
SEPTIÈME TABLEAU
 
     Une colline couverte de pins, de smilax et de peupliers blancs. Dans le fond, la ville d'Athènes. Les étoiles vont s'allumer dans le ciel et un murmure comme une mer lointaine berce ce paysage. Au premier plan, un vieillard appuyé contre le tronc d'un arbre tient une lyre ; c'est Michès.

LE RÉCITANT
     Or le tribunal a apprécié. Ces bons vieux se sont rendu compte et Phryné a été acquittée.
     Car en ces temps de joie et de sérénité artistiques, il suffisait à une femme d'être belle pour se faire pardonner bien des petites choses.
     Cela n'a pas changé depuis, d'ailleurs ! Et c'est tant mieux, car il importe pour l'équilibre instable de ce monde que le vice soit parfois récompensé et la vertu punie : c'est là l'exquis du genre et la joie de l'amateur.
     Or le soir du même jour, trompé dans son attente sans doute cruelle, car on ne doit jamais désirer se venger même avec une fleur d'une femme qu'on a beaucoup aimée, le vieux poète Michès monte sur une des collines qui dominent la ville. Déjà le crépuscule aux doigts d'hyacinthe a fermé les portes de l'Occident, cependant qu'à l'Orient se lève la lune claire.
     Et le vieux poète Michès, pour se consoler, et peut-être aussi pour s'endormir, accorde sa lyre et dit des vers :
 
« Soleil, dans le baiser de ta dernière flamme
Voici que s'est éteint le doux chant des oiseaux !
Je vais me recoucher sur mon lit de roseaux."

... Ce plaidoyer, en somme, est la forte réclame
Pour la blonde Phryné. Les juges excités
Ne se seront pas un seul instant embêtés,
Et mieux que du discours éloquent et très beau,
Ils ont été charmés de ce petit morceau.
À tout considérer, il serait désirable
Que dans les avenirs cet exemple admirable
Fût, en tous points, suivi par d'autres avocats.
Ça ne manquerait pas d'allure, en certains cas.
Et l'humaine justice amoureuse des formes
Son compte y trouverait. Des citoyens énormes
De bon sens auraient tout à l'heure prétendu
Que les vieux dieux s'en vont et que tout est perdu
Parce qu'on n'a pas condamné la courtisane...
Pour moi, j'aime assez cet acquittement profane !
Hélas ! Éros nous mène, et rien ne prouve rien,
Et je trouve cela bien plus Athénien !

 
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http://www.alienor.org/collections-des-musees/fiche-objet-269227-silhouette-d-ombre-colombine-nue
Colombine nue, avec l'aimable autorisation des musées de Châtellerault - tous droits réservés
 
RIDEAU
 

     Gallica a mis en ligne Autour du Chat Noir de Maurice Donnay où on trouve ce texte :
http://gallica.bnf.fr/ark:/12148/bpt6k28358f.r=autour%20du%20chat%20noir
     Que de coquineries ! La pièce a été jouée en 1891 ! Le sujet est léger et ne sert qu'à nous dévoiler Phryné dans son plus simple appareil.

     En l'état, on est clairement dans du théâtre d'ombres pour adultes.

     Les ombres tirées de : http://www.alienor.org/
sont celles d'origine jouées au Chat Noir. Elles sont la propriété de la commune de Chatelleraux.
     J'en ai ajouté quelques unes de ma composition, réalisées à partir de photos de peintures ou de sculptures anciennes.
 
 



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