THÉÂTRE D'OMBRES ET DE SILHOUETTES

UN  MARDI  GRAS  À  VENISE

Carnaval de Paris planche d`ombres théâtre d`ombres ombres chinoises silhouettes marionnettes
 
     Le thème du mardi gras se prête particulièrement à un défilé d'ombres. Une musique assez lente ("Petite musique de nuit" de Mozart, par exemple") verra défiler les ombres qui en suivront le rythme. On essaiera de créer des situations comiques entre les personnages. Par exemple, Pierrot pourra courir après une dame, sortir de l'écran, revenir poursuivi par le singe. Polichinelle pourra donner des coups de bâton au gendarme...

     L'histoire gagnera à être accompagnée de vers de mirliton, la qualité étant alors cherchée dans la non qualité. On pourra également lire un texte qui décrira les personnages et les différentes situations.

     Dans ce type de pièce, il faudra veiller à laisser au spectateur le temps de bien voir chaque ombre, mais sans traîner. En effet, dès qu'une ombre est bien discernée, on attend la suivante sans plus en tenir compte.

     Les planches suivantes du patrimoine sont données à titre indicatif. Il ne faudra pas hésiter à présenter des personnages sur échasses, à faire des grosses-têtes, voire des chars. L'effet recherché sera la variété.

     Des situations comiques -on l'a vu- viendront casser la monotonie du défilé. Pour le commentaire, on pourra dire de la Mère Michel (Carnaval de Nice, en bas à droite) qu'elle est en train de jouer avec de la nourriture...

     Pour la saynète qui suit, ces indications sont superflues puisqu'on a un dialogue et une avancée régulière de l'action dans l'histoire.


 


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Carnaval de Venise planche d`ombres théâtre d`ombres ombres chinoises silhouettes marionnettes 

UN  MARDI  GRAS  À  VENISE


PROMENADE  CARNAVALESQUE  EN  UN  ACTE

écrite par Séraphin.

(domaine public)

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Le théâtre représente l'intérieur d'un château, cour, jardin, rivière.

 
PERSONNAGES  :

LE  BARON  DE  LARCY,
LA  BARONNE, sa femme,
CHARLES, leur fils,
LOUISE, leur fille,

BOULINGRIN, jardinier du château,
TOINON, femme de Boulingrin,
MASQUES.

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SCENE  PREMIÈRE

TOINON, BOULINGRIN


 
TOINON. - Je vous dis, monsieur Boulingrin, que vous n'avez pas raison.

BOULINGRIN. - Et moi, madame Boulingrin, je vous répète, pour la dixième fois, que vous avez tort !


TOINON. - Monsieur le baron de Larcy, notre maître...

BOULINGRIN, criant. - Notre bon et excellent maître.

TOINON. - Sans doute.

BOULINGRIN. - Sans nul doute.

TOINON. - Laisse-moi donc achever.

BOULINGRIN. - Achève, ô mon épouse.

TOINON. - ...T'a dit qu'il donnait aujourd'hui congé à tous ses gens, l'a-t-il dit ?

BOULINGRIN. -  Il l'a dit.

TOINON. -  Or, tu es le jardinier du château ?

BOULINGRIN. - Je le sons.

TOINON . - Et moi, ton épouse, je sons la jardinière ?

BOULINGRIN. - Tu la sons, itou.


TOINON. - À ce titre, nous faisons partie de ses gens.

BOULINGRIN. - Ah ! permettez, mame Boulingrin ; mé je n' sommes point un gens... ah ! mais non !

TOINON. - Quoi donc qu' t'es ?

BOULINGRIN. - Je sons un jardinier.

TOINON. - Et mé ?

BOULINGRIN. - Une jardinière.

TOINON. - Alors, tu ne veux pas que nous profitions de Mardi-Gras pour aller nous promener ?

BOULINGRIN. - Je veux et je ne veux pas.

TOINON. - Explique-toi.

BOULINGRIN. - Je voulons ben me promener, mais quand j'aurons nettoyé les allées du jardin.

TOINON. - En ce cas, dépêche-toi.

BOULINGRIN. - Je me dépêcherons.

TOINON. - Va, cours... mais va donc !

BOULINGRIN. - Ah ! permettez, mame Boulingrin, permettez ; mé, j'ons jamais pu m' dépêchai vite.

ENSEMBLE

Air : Ah mon beau château.

TOINON.
Va, pars à l'instant
Tout de suite
Et reviens vite.
Va pars à l'instant :
Souviens-toi que l'on t'attend.

BOULINGRIN.
Je pars à l'instant
Tout de suite
Et  j' reviens vite.
Je pars à l'instant :
Je saurons que l'on m'attend..

(Boulingrin sort.)

 
SCÈNE  II

TOINON. - Ce brave Boulingrin ne se doute pas qu'il va remplir un rôle dans la comédie que monsieur le baron et madame la baronne préparont pour amusai monsieur Charles, leur fils, et mademoiselle Louise, leur fille. J'apercevons monsieur Charles, esquivons-nous.
(Elle sort.)
 
 SCÈNE  III

CHARLES,  LE  BARON

CHARLES, entrant. - Depuis une heure que je suis à la fenêtre, je n'ai pas vu passer un seul masque !... De temps en temps, j'entends le bruit criard d'un cornet à bouquin et quelques cris poussés par des gamins... c'est tout ! Un jour de Mardi-Gras, voilà qui me surprend.

(Le baron paraît au fond.)

CHARLES, continuant.
- Mon père m'a toujours dit que le carnaval est une époque de fêtes, de bals, de promenades et de cavalcades grotesques.

LE  BARON, s'avançant. - Autrefois, oui.

CHARLES. - Vous étiez là, cher père ?

LE  BARON. - Oui, mon ami.

CHARLES. - Et vous m'avez entendu ?

LE  BARON. - Sans doute, puisque j'ai ajouté : "Autrefois, oui".

CHARLES. - Et maintenant ?...

LE  BARON. - Autres temps, autres moeurs !... Le carnaval des rues est mort ! bien mort !

CHARLES. - Tant pis !

LE  BARON. - Peut-être.

CHARLES. - Cela devait être si amusant ! Ces costumes bariolés, ces types plaisants, ces refrains joyeux...

LE  BARON. - En effet, c'était très amusant, quand cela ne dégénérait pas en licence, quand la gaîté était bruyante et communicative, sans tomber dans la saturnale.

CHARLES. - Ce qui arrivait quelquefois, mon cher père ?

LE  BARON. - Las, souvent, trop souvent ! (à part.) Heureusement, on a supprimé cette descente de la Courtille, si bruyante, mais si grossière.

CHARLES. - J'aurais été bien joyeux de voir une fois, une seule fois, le carnaval et toutes ses splendeurs !

LE  BARON. - Qui t'a donné ce désir ?

CHARLES. - Un vieux journal illustré, qui date, je crois, de mille-huit-cent-trente, et dans lequel j'ai trouvé des dessins très pittoresques du carnaval de Venise.

LE  BARON. - Eh bien ! veux-tu que je vous fasse assister, ta soeur et toi, à un carnaval italien ?

CHARLES. - Que voulez-vous dire ?

LE  BARON. - Veux-tu que nous passions le Mardi-Gras à Venise ?

CHARLES. - Quelle plaisanterie ! Comment cela se pourrait-il, puisque nous sommes à Paris ?

LE  BARON. - ...Je te promets que nous assisterons, de la place Saint-Marc, à la grande fête païenne.

CHARLES. - La place Saint-Marc ?

LE  BARON. - Oui, de là le coup d'oeil sera charmant. Sur cette place, cadre magnifique, sont réunis les souvenirs historiques de Venise, l'ancienne reine de l'Adriatique ; de Venise, illustre république qui a vécu, pendant quatorze siècles, d'une vie glorieuse !

CHARLES. - Comment ? Venise ?...

LE  BARON. - Doit son origine à quelques familles qui, fuyant devant les hordes sauvages d'Attila, vers quatre-cent-cinquante-deux, se réfugièrent dans les îles des lagunes.

CHARLES. - Allons à Venise... Mais vous me promettez que nous verrons des masques ?

LE  BARON. - Certes ! là, comme dans le Paris de ma jeunesse :

"Pierrots et Paillasses,
Beaux esprits cocasses,
Charment sur les places,
Le peuple ébahi."

CHARLES
. - Quand partirons-nous ?

LE  BARON. - Dans un instant.

CHARLES. - Je cours prévenir ma soeur.

LE  BARON. - Bien, nous vous attendrons ici.

(Charles sort.)

 
 
 



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