foule
PLUSIEURS VOIX. - Voici le pontife ! que le Seigneur nous bénisse par son organe.
SAMUEL. - Peuple de Bethléem, bannissez toute crainte, la mission dont je suis chargé tournera à votre gloire. C'est parmi vous que je dois choisir un nouveau roi. Nous allons prier en commun et faire un sacrifice, car vos offrandes seront agréables à Dieu, et avant que le soleil se couche, je saurai quel est celui que le Seigneur a nommé pour occuper la place dont Saül s'est rendu indigne.
(s'adressant à un des anciens.)
Soyez attentif à rassembler tous les hommes de la tribu, car le sort peut tomber sur le plus faible aussi bien que sur le plus puissant, si telle en est la volonté divine.
(Le pontife s'en va pour accomplir le sacrifice le peuple le suit dans un respectueux silence.)
Entracte de quelques instants.
(Isaïe, un des principaux habitants de Bethléem, reparaît sur la scène entouré de six de ses fils.)
ISAÏE. - Mes fils, Samuel a déclaré que la royauté appartiendrait à l'un de vous ; je vous ai donc appelés pour vous présenter au Pontife et le prier de désigner celui qui est destiné au dangereux honneur de remplacer Saül.
ÉLIAB. - Je ne vois point mon jeune frère David.
ISAÏE. - Éliab, sa présence. est inutile pour ce qui va se passer. David est le plus faible d'entre vous et le dernier né. Il ne saurait être compté pour quelque chose. Je l'ai donc envoyé comme à l'ordinaire, paître les brebis. Qu'en pensez-vous Abinadab ?
ABINADAB. - David est habile à jouer de la harpe, Il a la parole douce, mais son âge l'a jusqu'ici exempté de faire ses preuves de courage et de force. Mon père a bien raison de ne pas l'appeler aujourd'hui.
SAMUEL. - (Il revient sur la place publique et s'assied sur un banc de pierre.) Maintenant que le Seigneur a daigné mettre son esprit en moi, je vais reconnaître celui que je dois sacrer roi. Isaïe et ses fils sont ils ici ?
ISAÏE. - Nous nous sommes rendus à votre commandement.
(Ils s'avancent et passent l'un après l'autre devant Samuel.)
SAMUEL.. - La parole du Seigneur ne trompe pas, et cependant aucun de ceux-ci n'est désigné pour la royauté. Isaïe, est-ce là. toute votre famille ?
ISAÏE. - J'ai encore un fils ; mais il est bien jeune sa taille est petite ; néanmoins, si vous souhaitez le voir, je puis le faire venir, car il est près d'ici à garder nos troupeaux.
(On entend les sons d'une harpe ; tout le monde écoute dans un respectueux silence.)
SAMUEL. (d'un ton inspiré.) - Celui que le Seigneur a choisi arrive en ce lieu, il n'est pas besoin de l'aller chercher, il se rend de son propre mouvement à la volonté de l'Éternel.
(David entre en tenant sa harpe. A la vue du peuple assemblé, il reste frappé d'étonnement ; puis, reconnaissant le Pontife, il s'approche vers lui et se prosterne à ses pieds.)
SAMUEL. (Il impose les mains sur la tête du berger.) - Peuple d'Israël voilà votre roi le Seigneur a retiré son esprit de Saül. David a hérité de la parole divine.
DAVID. - Quel changement s'opère subitement en moi ! Tout à l'heure j'étais faible et paisible, et me voilà rempli d'une force surnaturelle pour combattre les ennemis du peuple de Dieu et soutenir la gloire des enfants d'Israël.
ACTE DEUXIÈME.
SCÈNE PREMIÈRE.
Intérieur du palais de Saül.
LA REINE, SAÜL, MÉRAB, MICAL,
un Médecin, un Courrier.
(Le Roi parait absorbé dans une profonde tristesse. Il est sur son trône ; la Reine s'approche de lui.)
LA REINE. - Quel nouveau malheur est donc venu obscurcir la sérénité du maître d'Israël ?
SAÜL. - Mon fils Jonathan n'a pu fléchir Samuel. et le mal qui m'accable a redoublé d'intensité.
LA REINE. - Il ne convient pas à un roi de se laisser abattre par la parole d'un vieillard. Cherchez à vous distraire ; de braves guerriers sont en campagne pour vous défendre vous et votre famille.
SAÜL. - Reine Ahinoham, vous parlez comme une femme ; mais, moi, je ne saurais me consoler d'avoir perdu la force de guider mes soldats. Abner, mon oncle, le chef de mes armées a déjà essuyé plusieurs défaites, et tous les jours d’insolents messages annoncent l'approche des Philistins vers nous.
(Un courrier, arrivant de l'armée, est introduit.)
LA REINE. (Elle lui parle à demi-voix.) - Au nom du Ciel, si tu as quelque nouveau malheur à nous apprendre, envoyé d'Abner, ménage bien tes paroles devant le roi, car sa vie est en danger en ce moment.
LE COURRIER. - Il me siérait mal de mettre de la prudence à l'instant où l'armée ennemie s'avance sur mes pas.
SAÜL. - Quel motif vous porte, Ahinoham .à retenir cet homme à l'écart ? J'entends qu'il s'exprime librement devant moi, et s'il ment d'un seul mot à ce qu'on lui a chargé de m'annoncer, je le fais pendre au sortir de l'audience.
LE COURRIER. - Le général Abner m'envoie dire au roi que les ennemis sont campés à Secco, où ils ont recruté de nouvelles forces, et qu'il est à propos que vous leviez des troupes fraîches afin de tenir tête aux Philistins.
SAÜL. - Abner sait bien que toutes les ressources sont épuisées et s'il parle ainsi, c'est pour augmenter le découragement de l'armée. Rapportez-lui que, plein de colère contre lui, je vais aller moi-même prendre le commandement des Israélites.
LA REINE. - Mes filles, nous suivrons votre père.
(Les princesses. Mérab et Mica! font un signe de consentement.)
(L'envoyé se retire.)
SAÜL, à la Reine. - Princesse, faites retirer au plutôt toute la cour, car je sens que le malin esprit va revenir en moi.
LA REINE, à haute voix. - Le roi désire être seul. (Elle prend un officier à part.) Faites venir le médecin.
(Les princesses restent auprès de leur mère. Saül tombe évanoui. Le médecin arrive et lui donne des secours infructueux.)
MÉRAB. - Hélas ! Mica!, bientôt nous n'aurons plus de père.
MICAL. - Je ne saurais, Mérab, prévoir un si grand malheur; et je donnerais ma vie pour rendre la santé au roi.
LA REINE. - Mes filles savez-vous où sont vos frères ?
MICAL. - Jiscui et Malkiscuah ne sont pas revenus du camp depuis hier. Jonathan est parti pour échapper à la colère du roi.
LA REINE. - Qui sait si son oncle voudra appuyer ses droits à la couronne ?
MICAL. - La royauté a amené bien des périls et des soucis dans notre famille.
LA REINE, au médecin. - Reprend-il ses sens ?
LE MÉDECIN. - Le roi éprouve en ce moment d'effrayantes convulsions.
LA REINE. - Ô ciel !
MÉRAB. - N'avez-vous aucun moyen de le guérir ?
LE MÉDECIN. - Peut-être qu'une douce harmonie calmerait ses transports ; envoyez chercher quelque habile musicien, nous essaierons de cette influence.
MICAL. - Je deviendrais volontiers la femme de celui qui sauverait mon père, fût-il le dernier des Israélites.
MERAB. - Comme votre aînée, je réclamerais, ma sœur, l'honneur de récompenser un pareil succès, mais seulement si le musicien était digne de moi.
MICAL. - Je vais faire prendre des informations dans le palais, et donner des ordres pour qu'on cherche dans tout le royaume le plus habile des musiciens.
(Elle sort.)
SCÈNE DEUXIÈME.
(Changement de décor.)
Le camp israélite. Des tentes ouvertes sur le premier plan. Des soldats dans le lointain. Abner, l'oncle de Saül et général de l'armée, est dans une de ces tentes. Les fils de Saül, Jiscui et Malkiscuah, sont dans l'autre. Un officier est auprès d'Abner. L'armée ennemie occupe les hauteurs.
ABNER, JISCUI, MALKISCUAH, JONATHAN.
ABNER. - Saül répond à mes avis par des menaces. Le pontife prophétise la ruine de notre famille. Avec mon armée démembrée, je ne puis rien entreprendre, mon courage est épuisé. Je remettrai sans regret mon commandement entre les mains du Roi.