THÉÂTRE D'OMBRES ET DE SILHOUETTES

ACTE SIXIÈME.



Le théâtre représente deux camps ; les tentes sont rangées à droite et à gauche de la scène ; des soldats philistins et israélites sont prêts à livrer bataille. Saül est à la tête des siens.


(Il fait encore nuit.)



SCÈNE PREMIÈRE.

Officiers Israélites, GOLIATH, DAVID

ÉLIAB, ABINADAB, SAÜL.

(Quelques officiers du camp israélite s'entretiennent ensemble.)



PREMIER OFFICIER. - Saül se livre chaque jour à de nouvelles fureurs : le peuple est opprimé ; il murmure sans cesse. Samuel refuse de répondre aux messagers du roi. On assure même qu'il prédit la destruction de la maison royale. Nous vivons en un temps où il doit s'accomplir plus d'une révolution dans Israël.


SECOND OFFICIER. - Camarade, je vous engage à mesurer vos paroles car le roi est devenu jaloux de son autorité, et votre vie serait en danger s'il vous entendait. 
 

(Pendant cette conversation le jour augmente peu à peu.)


PREMIER OFFICIER. - Tout à l'heure, quand le réveil sonnera, nous allons encore subir les bravades de Goliath. N'est-ce pas un grand malheur que l'armée d'Israël n'ait aucun homme d'une grande force à opposer au géant philistin.


UN AUTRE OFFICIER. - Le bruit s'est répandu qu'un berger s'était offert à lutter contre Goliath.


PREMIER OFFICIER. - Un berger ! Déjà un homme de cette classe a sauvé la vie du roi, en jouant de la harpe ; bientôt sans doute aussi un gardien de troupeaux se présentera pour nous gouverner.


(Le jour est revenu on entend des fanfares partir des deux camps.)


UN OFFICIER. - Rentrons dans nos tentes pour cacher notre honte aux Philistins.


(Les tentes des Israélites sont fermées on ne ne voit plus personne de leur cote. Le géant Goliath sort du camp philistin.)



GOLIATH (d'une voix forte.) - Pourquoi ne sortez-vous pas, pour vous en bataille ? Ne suis-je pas Philistin, et vous, n'êtes-vous pas des serviteurs de Saül ? Trouvez donc au moins un homme qui vienne se mesurer avec moi. S'il est vaincu, la victoire reste aux Philistins ; mais s'il me tue, les miens vous suivront en servitude.


(Il attend quelques instants, puis il rentre dans sa tente.)


(Les officiers israélites sortent de nouveau.)


PREMIER OFFICIER. - Se présenter à lui c'est courir à une mort certaine !


SECOND OFFICIER. - Et perdre l'armée et le peuple à la fois.


PREMIER OFFICIER. - Tous les jours, cependant, il répète les mêmes provocations.


DAVID. (vêtu en berger, et portant un panier, s'avance vers les officiers.) - Seigneur, pourriez-vous me dire où sont les fils d'Isaïe de Bethléem ?


UN OFFICIER. - Vous les trouverez dans le camp, ou plutôt je vais les faire appeler ici, et vous leur parlerez en notre présence. (Il sort.)


PREMIER OFFICIER. (Sans faire attention à David.) - Et ce berger annoncé est, sans doute, un homme de haute stature ; on lui donnera des armes de la force de celles de Goliath.


SECOND OFFICIER. - C'est une vaine espérance d'attendre un adversaire digne de Goliath.


DAVID. - Le Seigneur a quelquefois ôté la force au puissant pour la donner au faible.


PREMIER OFFICIER. - Toi qui t'exprimes selon la sagesse, se rais-tu l'envoyé de Dieu ?

DAVID. Mon désir est de lutter contre Goliath.


(L'officier revient avec les frères de David.)


DAVID va à leur rencontre. - Eliab, Abinadab, et vous Scamma, notre père Isaïe m'envoie vers vous ; je vous remets en son nom, un epha de froment rôti et dix pains ; je dois rapporter de vos nouvelles à Bethléem. Voici encore dans le panier dix fromages de lait qu'Isaïe vous charge d'offrir à votre capitaine de millier.


PREMIER OFFICIER. - David ne dit pas tout, il s'est mis aussidans l'esprit de combattre Goliath.


ELIAB. - C'est donc pour cela, misérable enfant que vous avez abandonné nos troupeaux ; retournez au plus vite vers les hauts lieux, sans vous aviser de prendre souci des choses qui regardent les hommes faits.


DAVID. - Dieu a parlé en ma faveur, mon frère ; j'obéirai à sa voix.


ABINADAB. - Orgueilleux ! n'est-ce pas assez pour toi d'avoir joué de la harpe devant le Roi ?


PREMIER OFFICIER. - Quoi c'est un joueur d’instruments qui prétend devenir un guerrier ?


SECOND OFFICIER. - En vérité, Goliath aurait là un redoutable adversaire.


ABINADAB. - Retourne à tes moutons et à tes vaches, David, tu n'es pas fait pour vivre au milieu des hommes d'armes.


(Le géant Galiath paraît. Tous les Officiers et les fils d'Isaïe rentrent aussitôt dans les tentes ; David seul reste sur le champ de bataille.)


Goliath


(David ayant déposé son panier derrière la tente n'a plus en main que son bâton. Il attend le géant de pied ferme.)


GOLIATH. - Ah, je vous surprends, lâches et misérables Israélites. Voyons donc s'il s'en trouvera un parmi vous qui ose combattre. Ils se sauvent tous encore une fois. Et toi, enfant, dans quel dessein reste-tu là, est-ce pour leur faire honte ?


DAVID. - J'ai promis aux oiseaux du ciel et aux animaux de la terre de leur donner tes membres pour pâture et je vais te tuer.


GOLIATH. - Ton visage est doux, mon enfant, tes cheveux sont blonds ; vrai, j'aurais du regret à te faire périr, va-t-en.


DAVID. - L’Éternel m'a ordonné de marcher contre toi. Je lui obéis sans crainte.


GOLIATH. - Du moins va cacher tes membres sous une cuirasse ; abrite ta tête sous un casque, afin que je me figure avoir un adversaire moins indigne de moi.


DAVID. - Mon bâton me suffira pour te vaincre.


GOLIATH, avec fureur. - Me prends-tu pour un chien ? Je te maudis par Kémos et par Hammon, misérable Israélite, et je porterai tout à l’heure ta tête sur l'autel élevé en l'honneur de ces dieux.


DAVID. - Moi, je te frapperai au nom'de l'Éternel qui protège Israël.


(Le combat s'engage. Goliath, vaincu, tombe à terre. Les officiers entrouvrent leur tente pour regarder la lutte. Goliath tombe, David l’entraîne hors de vue et revient quelques instants après portant dans sa main la tête du géant.)


(Les Officiers se montrent et Saül arrive en même temps au milieu du camp.)



LES OFFICIERS crient à plusieurs reprises. - Gloire ! Honneur au fils d'Isaïe ! Gloire à David ! Il a sauvé Israël !


SAÜL. - Quels sont ces cris et quel est le vainqueur que l'on salue ainsi ?


DAVID vient s'agenouiller devant Saül. - Roi, c'est le dernier de vos sujets qui vient mettre à vos pieds la tête de votre ennemi.


LES OFFICIERS. - Gloire ! Honneur au fils d'Isaïe ! Gloire à David ! Il a sauvé Israël ! Que le Roi lui accorde sa fille Mérab et le rang dû à son mérite


SAÜL. - Ces cris me fatiguent. À vous entendre, soldats, on dirait que vous venez d'élire un nouveau chef. David a sans doute mérité les suffrages ; mais avant de le récompenser selon les promesses que j'ai faites au vainqueur de Goliath, j'entends livrer une bataille je combattrai en personne, et si David se conduit devant l'armée comme il l'a fait ici, je le proclamerai mon gendre.



DAVID. - En me donnant une nouvelle occasion de vous servir, ô Roi ! vous augmentez ma reconnaissance.


SAÜL. - Eh bien quittons ce camp et allons attaquer les Philistins à Hékron où ils sont retranchés en plus grand nombre qu'ici.


La toile se baisse.


ACTE SEPTIÈME.

SCÈNE PREMIÈRE.

Le palais de Saül.

Le Roi, LA REINE et ses deux Filles, grand nombre d'Officiers,

DAVID, vêtu de riches habits, Chœurs et Danses.



CHŒUR DE JEUNES FILLES CHANTANT. -

Saül a tué mille Philistins,
David en a tué dix mille.
Gloire au Seigneur !
Gloire à David !

 

SAÜL, à la reine. - Ces chants insolents me poursuivent jusqu'en mon palais, et ce berger me dérobe le mérite de la victoire.


LA REINE. - Donnerez-vous votre fille à un gardien de troupeaux ?


LE ROI. - Mérab ne saurait y consentir ; cependant l'armée se révolte si je manque à ma parole.


LA REINE - Du moins, offrez à David la main de Mical ; songez que Mérab était destinée à un prince.


LE ROI. - Votre idée est bonne, car si je puis ainsi fâcher David il me sera plus facile de l'éloigner.


(Les Chœurs et les Danses recommencent.)

 

CHŒUR DE JEUNES FILLES CHANTANT. -
Saül a tué mille Philistins,
David en a tué dix mille.
Gloire au Seigneur !
Gloire à David

  

LA REINE. - Mettez fin à ces réjouissances.


SAÜL fait signe aux chanteurs de s'éloigner. - Approchez David, et dites-nous-ce qu'il nous reste à faire pour vous.


LE CHŒUR. -

Le vainqueur de Goliath

Épousera la fille aînée du Roi.


DAVID. - Seigneur, votre peuple le dit et j'attends les effets de votre promesse.


MÉRAB, à part. - Plutôt mourir, que d'épouser le fils d'Isaïe.


MICAL, à part. - Pourquoi ne suis-je pas à la place de Mérab ?


SAÜL. - Ma fille Mérab est engagée à un roi, qui devient, par ce mariage, l'allié d'Israël. Voyez, si vous voulez vous contenter de la main de ma jeune fille Mical.

DAVID. Quand Goliath ravageait les terres de votre peuple, ô roi vous étiez moins réservé dans vos offres. Mais, tel est mon respect pour vous, que je me trouverai encore trop honoré en épousant la princesse Mical.


LA REINE, à part. - Malheur sur moi et sur ma race, de voir une telle alliance.


SAÜL, à David. - Que ma fille apporte dans ta maison tout le bonheur que je te souhaite.


DAVID. - Je ne sais si vos paroles expriment la haine ou la tendresse. Mais je jure ici que nul présent ne pouvait me rendre plus heureux que la main de Mical.


MICAL, à David. - Notre mariage est-il un acheminement à l'accomplissement des prédictions que Samuel a faites à notre égard ?


DAVID à Mica!. - Quels que soient les sentiments du roi pour moi, en devenant son fils, je m'engage à lui garder une fidélité et une soumission inviolables.


     (Le chœur et les danses recommencent puis la toile tombe pour la dernière fois.)

 

FIN

 
 



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