THÉÂTRE D'OMBRES ET DE SILHOUETTES

 State Library of Victoria.

    Une recherche dans l'ouvrage "Les théâtres d'ombres de Montmartre de Paul JEANNE a permis de trouver le titre et le nom de l'illustrateur de cette pièce d'ombres.
 
     Le site dont la référence est placée ci-dessus offre l'ouvrage au téléchargement. Le voici.

     L'ouvrage étant manuscrit, certaines incertitudes persistent. Dans le doute, on pourra toujours se référer au texte original.

     La pièce est unique. Elle se compose d'une série de portraits de poilus, d'objets ou d'actions du quotidien, accompagnés d'un boniment humoristique et, parfois, d'une chanson du même lot.

     Il est intéressant de persévérer dans la lecture car, au delà de son côté satyrique, la pièce donne des renseignements sur la guerre des tranchées.

     Le combat est comparé à une entrée dans un entonnoir, les Allemands à des poux (à moins que ce ne soit le contraire). La vermine, le quotidien des "poilus" est abordée. Le passage sur les maisons closes, tout en nuance, est à savourer sans modération.

     Au-delà de son humour décalé, cette pièce est un témoignage et, même si les propos ne prêtent plus à rire, ils sont chargés d'une réelle émotion pour qui sait qu'elles étaient les conditions des hommes (Français comme Allemands) lors de cette guerre.

 

1.

Au lecteur

Lecteur, c'est une loi de notre humanité
Que le rire toujours à nos larmes s'allie

Le monde est un contraste en pleine activité :
Près du glaive de Mars, le masque de Thalie !

L'humour a, Dieu merci, toujours droit de cité
Tout comme en nos salons une femme jolie

Le cœur, pour conserver sa régularité
Et battre sans effort, veut un peu de folie !

Le « Poilu » vient te dire, Ami, ce qu'il en pense :
Te distraire, voilà son rêve de « Poilu »

Et s'il y réussit, toute sa récompense.

Et s'il voit dans tes yeux, dès que tu l'auras lu
Une lueur plus vive, une force nouvelle,

Il se glorifiera d'avoir mis l'étincelle !!

 

                                                             A. Parisot.


2.

Parisot, de Percy, salut !

 

Donc, amis, vous auriez voulu
Pour ce très amusant « Poilu »

Une préface... il eut fallu
Chercher un maître de la plu-
Me, et non pas un autre « poilu »
Ayant la main droite velue
À l'intérieur beaucoup plus

Que le plus Velu des « poilus »...

Oh ! Certainement il me plut
Votre spirituel Volu-

Me dont le texte est bien le plus
Truculent et fin que j'ai lu
Depuis que j'ai dû quitter Lu-
Tèce, afin de faire la lut-
Te, eh ! Oui, la lutte et le « poi-lu ! »

Et quant aux ombres qui l'illus-
Trent, profils maigres ou joufflus,
Soldats ou femmes à poil-us.
Elles sont drôles, à la Lu-
Ne Rousse où le public afflue,
On ne fait mieux, c'est le « nec plus ! »
Au crâne, j'aurai la fêlu-

Re, si je n'arrête le flux
De ces russes en l – u- lu.
Parisot, Percy, je conclus
En parigot pur et sans blu-
Ff : « Il est poilant votre « Poilu ».
Quoi ! Vous parliez d'ajouter plu-
Sieurs dessins ?... non, c'est superflu,
Laissez-le tel votre « Poilu »
Il est prisé, n'y touchez plus.

 

             Noël Laut

                    Chansonnier des « Poilus »

                                 Reims, 4/4/15


3.


     La philosophie de l'Histoire nous enseigne que nos actions, nos tendances, nos progrès en civilisation sont subordonnés au mouvement de rotation de notre globe terrestre. Ceci est d'ailleurs prouvé d'une façon plus naturelle par la chanson du boy Parisot, autrement dit par la voix de l'innocence.

          Choeur : Quand je bois du vin clairet
          Tout tourne, tourne (bis)
          Au cabaret.

     Sans le secours du vin clairet, il nous sera facile de nous rendre compte que l'évolution humaine se fait normalement autour d'un axe fixe, ce qui lui permet de revenir quelquefois à ses origines.

     Nous prendrons comme exemple de cette vérité le spectacle de nos actualités.

     La première chose qui nous frappe dans la situation actuelle est le retour à la nature.


4.

     Le tango

     Après le règne fabuleux du tango qui marquera dans l'histoire des peuples comme un degré extrême de civilisation ; après les thés tango si florissants, les soirées tango, les mariages tango, les plum-pudding et water-closets tango, la mère tango et sa fille nous retournons aux Goths, Wisigoths, Ostrogoths et autres peuples en goths et couverts de gos.
 


5.
 

La sauterelle.

     Voici, par exemple, un de nos maîtres en musique dans son rôle nouveau ; il est ici dans sa pose favorite. Il a tous les secrets de la clé de sol. Il reste donc sur le sol, allongé, prêt à bondir. Il prend appui sur le bras droit et sur la main gauche. Il a quitté la tranchée, son œil observe. Il ne marche pas, il ne rampe pas non plus : il saute. Ceci a contribué au développement des membres supérieurs. On l'appelle l'Homme sauteur, ou pour le définir par un seul mot : l'Homme toujours prêt à sauter :

 

Air : le Furet :
               Il saut', il saut' dans la nuit.

               C'est l'Homme sauteur, Mesdames :
               Il saute vite et sans bruit
               Ce n'est pas une réclame
               Il saute, il saut' dans la nuit
               C'est l'Homme sauteur, Mesdames !!!


6.
 

     Voici un autre spécimen qui nous reporte plus loin dans l'histoire du monde. Ne dirait-on pas la reproduction imaginaire d'après fossile du Mammouth de l'époque glaciaire ? Le voyez-vous qui s'avance la tête haute d'un mouvement rythmique ? Les défenses semblent avoir été oubliées. Ne croyez pas pour cela que l'esprit de défense soit absent chez notre sujet. Il avance prudemment. Remarquez la forme des mains qui se sont élargies. Quant à la queue, il ne saurait, à l'instar de nos animaux domestiques, traduire des impressions en le faisant se mouvoir : elle est forcément rigide. Vous aurez reconnu l'indispensable Rosalie.

     Écoutez le chant de son âme primitive :

Air : « Les Agents » :
     J'suis l' mammouth qui fait joujoute

     Tri ya ya ya tri you you you
     J' surprends l' Boch quand y youyoute
     J' suis l' mammouth en pousse caillou.


7.

     Voici l'homme des cavernes « Cavernus omnipotens Homo » comme disait Virgile à Madame Putinhar.
    
Son poil hérissé et abondant dit sa virilité. C'est un poilu.
     Ces poilus ont un rôle très actif : on les voit à l'œuvre partout ! Celui-ci pousse une reconnaissance, ce n'est pas celle du ventre :

Air : « Complainte de Fualdis »
          Le poilu a l'âme guerrière,
          Un œil de fauv' qui voit tout !

          On dit qu'il cherche partout
          Des attributs militaires.
          C'est pourquoi chaque Poilu
          A ses deux... douilles d'obus.


8.


     Mais voici venir un autre personnage. Remarquez sa taille particulière. Ses membres supérieurs et intérieurs se sont prodigieusement allongés. Le corps lui-même a pris de la longueur au détriment de la largeur. Ce personnage qui semblerait a priori s'enfoncer plus avant dans les temps préhistoriques est le moderne « Homme Cisaille ». Il coupe le fil de fer, ce qui ne prouve pas qu'il ait inventé le fil à couper le beurre.

     Le fil de fer qui est devenu une arme défensive ne saurait résister à la gueule béante de la cisaille. Voyez comme notre guerrier la brandit en avant ! Un organe s'est développé dans des proportions étonnantes : c'est le nez qui marque que « l'Homme Cisaille » doit toujours aller au fil du flair.


9.

L'Homme fil de fer.

     Toutefois, il est à remarquer que cette disproportion dans l'équilibre du guerrier ne tend qu'à s'accroître et il est permis de supposer que dans quelque temps, l'Homme Cisaille s'allongeant indéfiniment deviendra lui-même bon à couper.

     Enroulé autour d'un piquet, la barbe en pointe, notre héros fournira un superbe modèle de fil de fer barbelé.

 
 



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