10.
Voici, dans la pose extatique du Fakir, un irascible propriétaire de l'avenue de l'Alma. Ce vautour intraitable ne voulait accepter ni enfant, ni perroquet, ni belle-mère.
Il est bien puni de ces fautes. L'œil au créneau de la tranchée, il regrette l'œil de bœuf qu'il disputait à son concierge.
11.
Celui-ci lui envoie d'ailleurs les meilleures nouvelles de la Capitale, et, si notre attentif veilleur affirme qu'il n'y a rien à signaler sur le front, il commet une grande erreur que la dernière lettre de son pipelet lui aidera à dissiper.
Choeur :
Il est bossu, l' propriétaire (bis)
S'il est bossu
C'est par les locataires (bis)
Ohé ! Ohé !
C'est ce qu'on peut appeler la bosse de la veine. On prévoit la baisse des loyers.
12.
Premières mesures de la valse « sur les grands flots bleus ».
Quel est donc ce nageur hardi dont la tête émerge des flots bleus ? Il semble hésiter, malgré sa hardiesse à dépasser le piquet qui se dresse devant lui. Regardez-le de plus près. Quelle erreur ! (Fin de la valse !)
Ce nageur est un veilleur, une sentinelle déposée là, non pardon, posée là pour observer. Le corps disparaît dans un trou d'homme (le mot est latin) ! On ne voit du fusil que la baïonnette qui est prête à transpercer l'adversaire audacieux qui le braverait. L'homme a quelques mouvements d'impatience qui se traduisent par l'articulation des mâchoires.
13.
Il semble se réveiller quelques instants, puis lancer à l'ennemi là-bas, tout ce qu'il a sur le cœur, et il en a gros.
Cambronne en avait, paraît-il, tout autant.
14.
Cette observation paraît justifiée, elle trouve son explication dans ce fait que des émanations capiteuses peuvent venir chatouiller ses narines.
Faisons-nous diriger par ces vapeurs délétères.
15.
Le décor représente un paysage d'hiver par une nuit calme. Au premier plan, le personnage précédent en même posture, mais le regard levé vers la nue où glissent doucement les sylphes. (Très piano, l'orchestre fait entendre une valse très langoureuse)
La nuit est douce infiniment ;
La lune dans le firmament
Brille, blanche fée argentée.
La nue entière est veloutée ;
Dans les grands bois passe un frisson
C'est le zéphir et sa chanson.
Dans la feuillée, allons chercher
Le rêve qu'y viennent cacher
Dans leurs rondes entremêlées
Les sylphes aux grâces ailées.
Devant Tanit, leur grande sœur,
Leurs gestes ont plus de douceur !
Sur un nuage transparent,
Comme un désir désespérant,
Les sylphes glissent dans l'espace.
Soudain, la vision s'efface ;
Tout disparaît, le rêve fuit.
La lune s'endort, c'est la nuit.
(Extinction des lumières.)
Vous remarquerez avec quelle exactitude ce tableau est rendu !(Rallumez toute lumière)
(L'orchestre qui s'est tu durant la période d'obscurité reprend la valse.)
16. Le sac.
Dans cette vie nouvelle organisée sur le modèle de la vie normale, les déplacements étant fréquents, quelques articles de voyage ont dû être modifiés, quelques un même créés.
Voici de la façon la plus ingénieuse comme l'élégante valise a été fusionnée. Vous remarquerez que ce noble voyageur marche les pieds nus, à la façon antique. Il a pourtant de gracieuses chaussures, dites ribouis, pompes, écrase-merdes (pour les sentiers qui en sont remplis) et aussi godillots.
Les godillots ne se voient pas, car ils sont dans le sac...
Chœur : Les godillots sont lourds dans l' sac... etc.
17. Le bidon et le quart.
Voici le bidon et son inséparable le quart. Ce sont deux joyeux compères d'humeur égale. Le bidon est un sanguin, c'est le bon vin de France qui court dans ses veines. Vin, c'est à dire pinard, pisse, tord-boyaux, casse-pattes, etc.
Air : « Le printemps chante »
Le pinard chante
Dans les bidons
Chanson charmante
Pour les pitons.
C'est pour le bid' un v'lours qui passe
Le pin' nous fait boire l'espace.
Le pinard chante dans les bidons,
Chanson charmante
Pour les pitons
Chantons, chantons la voix puissante
Du vin qui chante !
Le vin est quelquefois avantageusement remplacé par la flotte.
18. La chaussette
Une autre compagne de route indispensable est la chaussette. Son usage s'est accru dans des proportions étonnantes, non pas en raison de la multiplication des marches mais surtout avec les besoins de boissons énergétiques telles que café, jus de chaussettes, etc, etc...
Air : « Ah mes enfants »
Prenez de l'eau de quoi avoir pour vos poilus
Un bon quart bien rempli, et même un p'tit peu plus
Et fait à bouillir.
Pendant que la vapeur se forme au-dessus d' l'eau
Vous écrasez l' café avec un vieux croqu'no
Pour le réduire.
Quand l'eau chante et bouillonne avec des airs d'invite
Vous jetez le café et vous retirez vite
Votre marmite
Et très dévotement, vous ouvrez la chaussette
Il n'est pas superflu de prendre des pincettes
Et d' la violette.
Le café est passé dans cette passoire commode
Aux mailles enduit's d'engrais à bas' de philopode
Et d' jusopode
Il n'est plus qu'à sucrer et touiller le mélange
Le jus ainsi traité se boit et, chose étrange,
Même on en mange !
On parle de la faillite des cafés Biard !
19.
La trousse à boutons a été chantée de nombreuses fois. Elle a droit à des égards. Elle n'en tire pas vanité, car elle sait que toute gloire est éphémère et que tout s'en va en fumée, surtout le tabac qu'elle contient.
Chœur : Y a du bon tabac
Dans la trousse à Pierre
Y a du bon tabac
Mais il n'en donne pas.
20. La musette.
Voici la musette ou le petit bazar ambulant. J'attire votre attention sur ce détail que cette musette est garnie ; sans doute, son propriétaire aura été au marché.
Ne dirait-on pas le petit panier à Minette ? La gracieuse Minette, au profil souple et dégagé qui trottine avec son petit panier au bras.