SCÈNE VI
LE CAPITAINE. ROBINSON.
ROBINSON (de son rocher). - Voilà le bon moment de délivrer ce malheureux, descendons (il se retire).
SCÈNE VII
LE CAPITAINE. ROBINSON.
ROBINSON (il vient du rocher, et se tourne vers le capitaine). - Monsieur, qui êtes-vous ?
LE CAPITAINE. - Ah ! Qui que vous soyez, ayez pitié de moi, je suis bien malheureux ; j'étais capitaine de ce vaisseau que vous voyez en mer ; mon équipage s'est révolté contre moi et veut m'abandonner dans cette île déserte ; mais, par quel motif venez-vous m'adresser cette question ?
ROBINSON. - Pour vous sauver.
LE CAPITAINE. - Vous êtes donc un ange envoyé du ciel ?
ROBINSON. - Tout secours vient du ciel, monsieur, mais tranquillisez-vous ; je ne suis pas un ange : si Dieu avait envoyé un ange à votre secours, il paraîtrait sous de meilleurs habits.
LE CAPITAINE. - Ah ! Ciel ! Voilà le matelot du canot éveillé !
ROBINSON. - Laissez-moi taire, il est ivre ; j'en viendrai facilement à bout.
SCÈNE VIII
LE CAPITAINE, ROBINSON, LE MATELOT
ROBINSON. - Rends-toi, coquin, ou tu es mort.
LE MATELOT. - Qu'est-ce que tu dis, mine de diable : rends-toi toi-même.
ROBINSON. - Insolent ! je vais bien te fermer la bouche (il tire son coup de fusil et on voit le matelot tomber mort. Robinson se retourne alors et va vers le capitaine). En voilà un de moins.
LE CAPITAINE. - Oui, mais il reste six autres matelots qui sont encore dans l'île.
ROBINSON. - Venez dans mon château, je dénouerai vos liens et nous délibérerons sur le moyen de nous défaire de tous ces coquins (ils rentrent tous deux dans le rocher).
SCÈNE IX
ROBINSON (On l'entend crier :) - Vendredi ! Vendredi !
VENDREDI (du dedans). - Mon maître ici, moi prêt.
ROBINSON. - Prends une hache et va faire un trou dans la chaloupe afin que personne ne puisse se sauver.
VENDREDI (il va vers le canot et on l'entend frapper dans le bateau, il rentre ensuite au rocher).
ACTE CINQUIÈME
LE RETOUR.
SCÈNE I
VENDREDI (il sort du rocher et va vers le canot). - Moi aller boucher trou à canot, pour moi aller avec maître chez nation anglaise, moi, bien battu ; moi, tué deux avec fusil ; maître faire tous matelots prisonniers (arrivé près du canot, on l'entend frapper arec sa hache, ensuite il revient). Allons, moi, bien raccommodé le bateau ; bateau bon pour aller trouver le vaisseau la bas (il rentre au rocher).
SCÈNE II
LE CAPITAINE (il sort du rocher, arrivé au milieu de la scène, il se retourne vers le rocher).
ROBINSON (il va vers le capitaine). - Eh bien ! capitaine, nous voilà maîtres de tous ces mutins.
LE CAPITAINE. - Ah ! monsieur, je vous dois la vie ; je vous en conserverai une profonde reconnaissance et je veux faire tout ce qui est en mon pouvoir pour vous tirer de cette île et vous reconduire dans votre patrie.
ROBINSON. - Pour cela, il faut nous rendre maîtres du vaisseau.
LE CAPITAINE. - La mer est haute ; voici le moment.
ROBINSON. - Je vais donc donner des armes aux quatre matelots qui sont chez moi.
LE CAPITAINE. - Vous le pouvez, je réponds d'eux ; ils avaient été entraînés par les plus mauvais sujets que nous avons tués. Maintenant, ils me seront fidèles, et je suis sûr qu'ils se battront courageusement contre les autres révoltés qui sont au navire afin de nous en rendre possesseurs. Ainsi, donnez-leur sans crainte des armes et dites-leur de venir me joindre. Je vais les attendre dans la chaloupe (il se retourne et ta vers le bateau).
SCÈNE III
ROBINSON (rentre au rocher ; on l'entend du dedans parler aux matelots). - Thomas ! Guillaume ! Pierre ! Richard ! venez ici ; tenez, voici vos armes, je vous les rends à condition que vous n'en ferez usage que pour mettre votre capitaine en possession de son navire ; promettez-le moi donc avant de partir.
(On les entend tous ensemble.)
MATELOTS. - Gouverneur, je le jure !... je le jure, gouverneur.
SCÈNE IV
(On voit passer, allant du rocher au bateau, les matelots, les uns agrès les autres).
SCÈNE V
ROBINSON (il va du rocher, jusqu'au bord de la mer, où il s'arrête). - Allons, capitaine, bonne réussite, au revoir.
CAPITAINE (On l'entend du dedans du canot.) - Quand nous nous serons rendus maîtres du vaisseau, je ferai tirer sept coups de canon et alors vous pourrez vous embarquer sur votre pirogue et venir nous rejoindre (le bateau part).
ROBINSON. - Les voilà partis !... Dieu veuille favoriser leur entreprise et me permettre de m'embarquer sur ce vaisseau.
Après avoir souffert toutes sortes de privations pendant vingt-huit ans dans cette île déserte, je vais donc enfin trouver le terme de tant de maux et j'aurai le bonheur de retourner dans ma chère patrie.
Ô ciel, daigne prendre pitié de mes souffrances, tu vois mon repentir.
Oh ! je t'en conjure, que ce jour soit le dernier de mon triste exil... Dieu tout-puissant, que ma prière te soit agréable et que ta volonté soit faite.
Afin de ne mettre aucun retard à mon départ, je vais préparer mes effets.
Vendredi, pendant ce temps, pourra disposer la pirogue et mettre dedans tout ce que nous pourrons emporter. Vendredi ! Vendredi ! (il se retourne vers le rocher).
SCÈNE VI
ROBINSON, VENDREDI
VENDREDI (il vient du rocher). - Maître, moi, venir !
ROBINSON. - Tu vas amener la pirogue sur le rivage, tu la tiendras prête à partir et tu viendras chercher mes effets et les tiens pour les y embarquer, afin de ne pas nous faire attendre quand nous entendrons le signal.
VENDREDI. - Moi faire tout, moi faire vite.
ROBINSON. - Es-tu content de quitter ton pays, et de venir avec moi vivre en Angleterre ?
VENDREDI. - Moi content, vivre toujours pour maître ; pas quitter maître ; mourir pour maître. Moi fâché ! grande douleur si maître pas laisser aller chez nation anglaise.
ROBINSON. - Sois tranquille mon ami, tu viendras avec moi. Allons, va faire ton ouvrage de ton côté ; je vais aussi m'occuper du mien (ils rentrent tous deux au rocher).
SCÈNE VII
On voit aller du rocher à la mer Vendredi. Lorsqu'il est sorti de la scène, on voit la pirogue, puis Vendredi retourne au rocher.
On voit revenir du rocher Vendredi, tenant une valise à la main et portant sur ses épaules un sac.
Quelques instants après, il revient encore, portant sur sa tête un panier rempli de provisions, tantôt d'autre chose et retourne au rocher les mains vides. Après plusieurs voyages, on entend les sept coups de canon. A chaque coup, Vendredi compte :
VENDREDI. - Un, deux, trois, quatre, cinq, six, sept. Maître ! maître ! joie grand bonheur beaucoup... moi, entendu coups de canon, sept, moi compter bien (il court au rocher).
SCÈNE VIII
ROBINSON. - (du dedans) Eh bien ! partons, Vendredi. N'oublie pas surtout mon perroquet.
(Robinson arec son perroquet, va vers la pirogue et embarque.)
SCÈNE IX
VENDREDI (du dedans). - Moi, vite venir, moi pas trouver chien.
ROBINSON (du dedans du bateau). - Viens toujours, je vais l'appeler.
(Vendredi va vers la pirogue et embarque.)
ROBINSON (on l'entend alors dire à son perroquet :) - Cocotte, appelle médor, cocotte.
LE PERROQUET. - Médor ! médor ! allez vite ! allez vite !
LE CHIEN (court au bateau en aboyant). - Ouâou ! ouâou ! Ouâou !
(La pirogue disparaît...)
FIN