THÉÂTRE D'OMBRES ET DE SILHOUETTES

SCÈNE  I

ÉDELBERT,   ROSE (elle entre par la droite).

ROSE. - Chevalier Édelbert, je viens vous apporter vos aliments, et c'est moi maintenant qui serai chargée tous les jours de ce soin.


ÉDELBERT. - Je suis charmé qu'il en soit ainsi, ma chère enfant ; car en vous voyant vous me rappelez ma pauvre Rose qui a bien votre taille et le même son de voix... Ah ! qui me donnera de ses nouvelles ?...


ROSE. - Moi-même, chevalier.


ÉDELBERT. - Est-il vrai ?... Oh ! parlez, mon enfant ; dites-moi, dites-moi vite, je vous en conjure, ce que vous savez de ma fille. L'avez-vous vue, lui avez-vous parlé ? est-elle heureuse ?


ROSE. - J'ai tiré la teinte brune qui me masquait la figure... Maintenant, mon père, regardez-moi...


ÉDELBERT. - Ô ciel !... Quoi, c'est toi ; c'est toi, Rose... ô fille chérie, viens dans les bras de ton père, quel bonheur de te revoir encore.

ROSE (elle embrasse son père.) - Mon père !... Mon père !...


ÉDELBERT. - Je me plaignais de mon malheur, maintenant que je te vois, j'oublie mes maux, je me sens heureux et remercie le ciel... mais comment es-tu venue jusqu'à moi ?


ROSE. - Je vais vous le dire : je voudrais auparavant vous voir prendre votre nourriture. Je vous apporte un bon bouillon ; la moitié d'une perdrix qui m'était destinée ; une bouteille de vin vieux achetée de mes épargnes ; et pour dessert quelques pêches dont on m'a fait cadeau et que je crois bonnes (elle pose son panier à terre).


ÉDELBERT. - Je te remercie. Laisse là ces provisions, je n'ai point en ce moment l'appétit ouvert. Un peu plus tard je mangerai. Dis-moi donc, tandis que nous sommes seuls, tout ce que je désire savoir de toi.


ROSE. - Comme vous me l'aviez recommandé, mon père, je me suis réfugiée chez le bon Burkar qui, ainsi que Gertrude, sa femme, m'ont prodigué les plus tendres soins. J'appris d'eux que la concierge de ce château cherchait une servante. C'est là ce qui me donna l'idée de me présenter sous les habits de Gertrude, en me noircissant la figure.


ÉDELBERT. - Vertueuse enfant !... (on entend sonner quatre heures.) Mais tu ne peux plus continuer ce récit; car j'entends sonner l'heure de la ronde des gardes. Il ne faut pas qu'ils nous surprennent à causer, cela pourrait éveiller leurs soupçons.


ROSE. - Vous avez raison, mon père ; je vais me retirer. Vous trouverez encore dans ce panier des basques j'ai tricotés pour vous, du linge blanc que je me suis procuré avec mes gages et quelques fleurs que vous aimez (on entend le son du cor).


ÉDELBERT. - Merci, mon enfant, éloigne-toi bien vite, je les entends venir.


ROSE. - Cher père, je vous quitte à regret, mais je reviendrai bientôt ; car je veux renouveler la paille de votre lit et m'occuper de mettre un peu de propreté dans votre cachot. Adieu !... (elle embrasse son père, se retourne et sort par la droite).

(On voit passer ensuite la ronde des gardes.)

soldats gardes en theatre d`ombres ombres chinoises silhouettes marionnettes free


CINQUIÈME  TABLEAU

Même tableau que le troisième. 

SCÈNE  I

TÉCLA,  ALBERT (ils entrent par la gauche).



ALBERT. - Técla, voulez-vous bien me laisser m'amuser un instant dans la cour jusqu'à ce que vous ayez fait vos commissions ?


TÉCLA. - Oui, mais restez-là et ne vous éloignez pas ; vous savez qu'on vous a défendu de sortir seul.


ALBERT. - Bonne Técla, je vous promets que je ne sortirai pas du tout. Je resterai à jouer ici avec des petits cailloux.


TÉCLA. - C'est bien. Mais si vous désobéissez, Albert, je ne vous accorderai plus rien. Je vais entrer un instant chez la portière, j'ai besoin de parler à Rose (elle sort par la droite).



SCÈNE  II

ALBERT. (Il se retourne vers le puits. On toit voltiger un petit oiseau qui vient se poser à terre devant lui.) - Oh ! le petit oiseau !... si je pouvais l'attraper! (il s'approche à pas lent.: l'oiseau s'envole et va se poser sur le seau du puits) le vilain !... il est parti... bon !... le voilà posé sur le seau. Approchons-nous doucement. Il n'a pas l'air de faire attention à moi ; en montant sur le puits, je m'en vais bien l'attraper. Oh ! qu'il m'amusera !... (il monte sur le puits, tend les bras pour prendre l'oiseau).



SCÈNE  III

TÉCLA,  ALBERT.



TÉCLA (elle entre par la droite). - Albert !... Mon Dieu ! vous allez tomber dans le puits !... (L'oiseau s'envole, Albert tombe dans le puits.) Ah ! mon Dieu,quel malheur ! (elle court vers le puits et semble y regarder.) (On entend du fond du puits l'enfant crier.)


ALBERT. - Maman !... Maman !


TÉCLA. - Il n'est pas tout au fond... Il est resté accroché... ô mon dieu, comment le retirer ?... Rose !... Rose !... Venez vite à mon secours ! Mon Dieu !... Mon Dieu !... personne ne vient... Il va tomber au fond et se noyer.



SCÈNE  IV

TÉCLA,  ROSE.
(Elle entre en courant venant de la droite).


ROSE. - Qu'y a-t-il ?


TÉCLA (elle se tourne vers Rose). - Je vous en prie, aidez-moi !... Albert est dans le puits, suspendu par ses habits à un des crochets de la muraille !... Que faire pour le retirer ?...

ROSE. - Tire à toi le seau pour que je puisse monter dedans; tu tiendras la corde et tu me descendras doucement jusqu'à ce que je te dise d'arrêter.


TÉCLA. - Vous allez vous risquer ainsi ? (elle se tourne et sort par la gauche).


ROSE. - Comment faire autrement ? Il le faut bien (elle sort par ta gauche). Si tu te sens trop fatiguée par mon poids, tu feras un tour avec la corde sur cette barre de fer (on voit passer un crochet qui attire le seau hors des coulisses. Le seau revient arec Rose dedans). Mon Dieu ! Je vous en conjure, ne m'abandonnez pas !... prie aussi pour moi, Técla, cela te donnera des forces. Allons !... À la grâce de Dieu !... Descends le seau (on entend l'enfant crier:)


ALBERT. - Maman ! Maman ! (Puis, peu après, Rose crie du fonds du puits :)


ROSE. - Arrête !... Je vais tâcher de le décrocher (la roue du puits cesse de tourner). Remonte le seau maintenant (la roue continue à tourner et on toit arriver le seau dans lequel est Rose tenant l'enfant). Noue la corde à la barre de fer et prends le croc pour attirer le seau à toi (on voit passer le croc qui cherche à attirer le seau vers la gauche, mais il revient toujours en se balançant au-dessus du puits).


TÉCLA (toujours dans les coulisses). - Ah ! Mon Dieu ! Je n'ai pas la force !...


ROSE. - Pousse le seau de manière à le faire balancer d'abord tout doucement, et ensuite de plus en plus fort jusqu'à ce qu'il vienne à dépasser le puits. Alors tu lâcheras la corde et nous tomberons au dehors (le seau balance et lorsqu'il est hors de ta scène, on entend Rose s'écrier:) Oh ! nous sommes sauvés !... (Le seau revient vide.) Ô dieu de bonté !... Je vous rends grâces d'avoir bien voulu sauver cet enfant et moi.



SIXIÈME  TABLEAU


La scène représente un salon.



 

 
 



Créer un site
Créer un site