THÉÂTRE D'OMBRES ET DE SILHOUETTES

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passant

UN PASSANT. - Monseigneur, un terrible dragon vient d'enlever la princesse Aïa. Il va la manger au repas de midi, entre la poire et le fromage.

GEORGES. - Comment ? Cette bête immonde... Je ne permettrai pas ça ! Où habite votre dragon ?

LE PASSANT. - Monseigneur, il se terre dans les marais de Courbe-Lune, c'est tout droit, en direction du soleil couchant.

GEORGES. - Merci, mon brave. Je m'y précipite immédiatement ! (Il sort.)

     (Changement de décor. On est dans une forêt. Aïa est au centre de l'écran, le dragon à côté d'elle).

LE DRAGON. - Princesse, je dois vous avouer que vous êtes à croquer. Vous ne pouvez être que délicieuse. Permettez que je dise quelques mots : Isis, Osiris, déposez vos bienfaits sur cette nourriture que je vais prendre.

     (Il va se jeter sur la princesse mais Georges arrive par derrière et lui donne un coup d'épée).

GEORGES. - Meurs, animal malfaisant !

LE DRAGON, se retournant. - Super, encore de la viande. J'aurais double portion aujourd'hui. (Il crie.) À table ! (Il se jette sur Georges.)

GEORGES, se jetant sur le dragon. - Par le Christ vivant, en avant !

     (Un combat a lieu entre Georges et le dragon. Blessé, le dragon se retire un instant. Georges se précipite vers la princesse).

GEORGES. - Princesse, sauvez-vous vite dans votre ville !

LA  PRINCESSE. - Je ne peux pas faire ça, preux chevalier. Mon sort est lié au vôtre. Si vous succombez à ce combat, je devrai mourir avec vous. Si je m'enfuis, c'est mon royaume qui sera détruit.

GEORGES. - N'avez-vous donc pas confiance en Dieu, princesse ?

LA  PRINCESSE. - Oui, sans doute, j'ai prié Isis et Osiris et vous êtes venu me secourir... Attention !

GEORGES. - Isis et Osiris, princesse ? N'avez-vous donc jamais entendu parler du Dieu vivant ? 

     (Le dragon arrive de derrière Georges qui se retourne et lui fait face).

LE DRAGON. - Viens ici, bouchée gourmande !

GEORGES. - Par Dieu le Père, par son fils Jésus Christ et par l'Esprit Saint, que mon bras porte la Parole à l'encontre des serviteurs du Mal !

     (Georges frappe le dragon qui s'écroule).

LE DRAGON. - Aaaaah ! Mes dieux m'auraient-ils trahi ?

GEORGES. - Non, dragon, ils ne peuvent pas te trahir. Ce ne sont que des statues de pierre et de boue. Seul le Dieu des chrétiens est Dieu. Les autres ne sont que des images ! (Le dragon s'enfonce dans le sol).

LA  PRINCESSE, se précipitant vers Georges. - Merci, preux chevalier, merci ! Comment avez-vous pu ?...

GEORGES. - C'est cela qu'il convient de souligner, princesse, seul, je ne pouvais rien faire. C'est Dieu qui, par mon bras, a occis la bête immonde ! Mais venez, retournons à Sylène pour rassurer la population ainsi que votre père...

LA  PRINCESSE. - Sachez, cher chevalier, que, désormais, le moindre de vos désirs sera un ordre auquel je mettrai tout mon cœur à obéir.

     (Changement de décor, on se retrouve en ville. Le roi est présent avec quelques habitants - en fonction de la taille de l'écran).

LE PEUPLE. - Hourra ! Hourra ! Vive la princesse Aïa ! Vive le chevalier qui nous a libérés du dragon ! Hourra !

LE ROI. - Ma fille, viens dans mes bras ! (La princesse se jette dans les bras de son père). (à Georges) Preux chevalier, sans vous, ma fille, mon peuple, mon royaume et moi-même étions perdus. Que désirez-vous comme récompense ?

GEORGES. - Votre Majesté, ce n'est pas moi qu'il faut remercier, c'est le Dieu vivant des chrétiens. Sans Lui, mon épée ne parvenait qu'à faire des égratignures au dragon. Aussi, je vous demande, à vous, à votre fille, ainsi qu'à votre peuple, d'abandonner vos fausses croyances. Recevez le baptême et adoptez Dieu dans votre cœur.

LE ROI. - Il en sera fait comme tu le désires. Mais qui va nous enseigner la Parole de ton Dieu ?

GEORGES. - Un homme de Dieu m'a dit qu'il viendrait...

LE ROI. - Soit, je n'ai aucune objection à te faire. Néanmoins, me ferais-tu la faveur d'épouser ma fille, la princesse Aïa ?

GEORGES. - C'est que... je désirais offrir ma vie à Dieu...

LA  PRINCESSE. - Non ! ne me dites pas que...

L'HERMITE, arrivant. - Bonjour, princesse, bonjour, votre majesté, bonjour Georges. C'est à toi que je veux parler. Dieu m'est apparu cette nuit. Pour le servir, pour Lui offrir ta vie, Il te demande d'accomplir ta destinée en épousant la princesse. Fondez une famille dont le bonheur portera témoignage de l'amour de Dieu et de la famille chrétienne. Moi-même, je ne puis plus rester ermite car Il m'a confié la tâche de baptiser les habitants de Sylène et de leur donner son enseignement.

GEORGES. - Très bien, mon frère. (au roi). Sire, voici l'homme qui donnera le baptême chrétien à vous-même et à votre peuple. Votre majesté, j'ai l'honneur de vous demander la main de votre fille, la princesse Aïa.

LE ROI. - Je te l'accorde, cher chevalier.

GEORGES. - Je vous demanderai également de faire bâtir des églises et d'accueillir d'autres représentants de Dieu ici. Mais d'abord, je désire, si la princesse est d'accord, que le mariage soit fait sur l'heure.

LA  PRINCESSE. - C'est mon vœu le plus cher, cher chevalier.

L'HERMITE. - Ah, jeunesse ! Jeunesse ! Votre mariage pourra bien attendre un peu : la princesse n'a pas encore reçu le sacrement du baptême...

LE ROI. - C'est juste ! Que devons-nous faire ?

LE  DRAGON, survenant. - Georges, où es-tu ?

GEORGES. - Tu n'es donc pas mort, suppot de 
l'enfer ?

LE  DRAGON. - Non, et permets-moi de te servir. Je te serai fidèle, je te servirai...

GEORGES. - Si tu jures au nom de Dieu...


NARRATEUR, tandis que la lumière baisse progressivement. - C'est ainsi que le dragon resta auprès de notre chevalier. Dès le lendemain, le peuple de Sylène, son roi et sa princesse furent baptisés. Georges épousa Aïa. Il devint le protecteur de la ville de Sylène dont la prospérité rayonna sur la terre enrière. On le connaît désormais sous le nom de Saint Georges.


RIDEAU.
 


 On pourra trouver d'autres ombres aux pages :
http://ombres-et-silhouettes.wifeo.com/le-dragon-vert.php

et :
http://ombres-et-silhouettes.wifeo.com/doubloeil-et-ses-soeurs.php

 


Mes Nuits d'insomnie, poésies diverses, 2e édition, augmentée de plusieurs Légendes.
 

http://gallica.bnf.fr/ark:/12148/bpt6k5467735d.r=A+F+BERNARD.langFR
 

A. F. Bernard - 1862

domaine public

 

Légende Bretonne.

Je vous avais promis de vous conter, plus tard,
Des miracles de saints ; voilà que le hasard
Dans mes mains, l'autre jour, fit tomber un vieux livre
Que, pour l'épicier, on vendait à la livre.
Les Saints de la Bretagne, ainsi s'intitulait
Le vieux bouquin ; ce titre rappelait
Tout justement à ma mémoire
Ma promesse, et pouvait me fournir une histoire.
J'ouvre au hasard et vois : Saint Georges et le Dragon.
Saint Georges ! Eh quoi ! ce saint serait-il donc Breton ?
Ainsi, ce cri fameux : Saint Georges et l'Angleterre,
Que les fils d'Albion ont pris pour cri de guerre,
Invoque un saint d'emprunt qui n'est pas né chez eux,
Puisque nous le comptons parmi nos bienheureux.
L'anglais prenant partout de cette fois encore
Pilla jusqu'au patron que, sans titre, elle honore. (*) 

 

(*) Il ne faut cependant pas trop accuser les Anglais de s'être appropriés saint Georges,, dont l'origine n'est pas plus sûre que celle de beaucoup de saints des premiers siècles de l'église bretonne. Les auteurs anciens qui ont écrit leurs actes se sont servis du mot latin Britannia, qui désignait aussi bien l'Angleterre que la Bretagne armorique. De là le doute sur l'origine véritable d'un très-grand nombre de saints.


Je réclame mon Saint. Partout où l'on parvient
À retrouver son bien, de droit il vous revient.
Ne croyez pas au moins que ce soit fanatisme,
Non, c'est tout simplement chez moi patriotisme. .
Je tiens à celui-ci parce qu'il est à nous,
De tout autre, à coup sûr, je serais peu jaloux.
Tout le monde connaît saint Georges et son histoire,
Pourtant en général on sait peu sa victoire.
Il vainquit le dragon, c'est fort bien, mais comment ?
Fort peu savent ce fait bien positivement.
Je vais vous le conter sans craindre la critique,
Car je parle d'après un auteur authentique.

Auprès de Languidic, sur le haut d'un plateau,
On voit une chapelle à côté d'un hameau.
C'est là que du Hayo s'étend l'immense lande,
Qui, par sa nudité, paraît encore plus grande.
Sur ce sol de granit, abandonné du ciel,
Semble régner sans cesse un hiver éternel.
Rien ne vient animer cette aride nature,
Le printemps est sans fleurs, l'herbe y croît sans verdure,
Et lorsque vient l'automne à sa sombre couleur,
L'ajonc mêle à regret le jaune de sa fleur.
Quelques rares menhirs qui, dans la lande nue,
Viennent de loin en loin arrêter votre vue,
Semblent des criminels condamnés par le sort
À garder jour et nuit un vaste champ de mort.
Au milieu de la lande, et creusé dans la roche,
S’entrouvre un large trou qui tourne et se rapproche
D'un autre trou moins grand. Par un passage droit
Qui va de l'un à l'autre et devient plus étroit.

Les deux trous sont liés. C'était là la retraite
Du monstre dont saint Georges accomplit la défaite.
Dans le plus grand des trous il pliait en cerceaux
Les énormes replis de ses nombreux anneaux.
Dans le passage étroit la redoutable bête
Avait passé son col, et sa hideuse tête
Était dans le petit. On n'en saurait douter,
Car les deux trous sont là qui peuvent l'attester.
Peut-être qu'en cherchant de la pierre de taille
On pourrait au besoin retrouver une écaille,
Mais je n'affirme rien. Je ne suis point menteur ;
Donc, de peur de soupçon, laissons parler l'auteur :

C'était le temps où l'Ophiolâtrie
Régnait encore ainsi que les faux Dieux ;
Temps malheureux, siècle de barbarie,
Où si longtemps vécurent nos aïeux.
De Languidic, la paisible contrée
Vivait sans crainte, exempte de danger,
Quand tout-à-coup elle fut altérée
Par un fléau subit qui vint la ravager.
On apprit, qu'un Dragon, sorti des noirs abîmes
Et déchaîné par Lucifer,
Était sorti des gouffres de l'enfer.
Et partout sur sa route entassait des victimes.
Il ne respectait rien, hommes, femmes, enfants,
Jeune fille ou vieillard ; partout sur son passage
On rencontrait les restes palpitants
Des malheureux succombés sous sa rage.
Et le canton, pour comble de douleur,
N'espérait pas de sitôt s'en défaire,
Car il avait pris, par malheur,
Le haut du Hayo pour repaire.

Plus d'un guerrier, d'un courage éprouvé,
Avait bravé sa terrible puissance
Et l'avait combattu ; mais tous avaient trouvé
Un trépas sans merci pour prix de leur vaillance.
Par quelle arme, en effet, et comment terrasser
Cet ennemi ? De solides écailles
Entouraient tout son corps d'un triple rang de mailles
Qu'aucun effort humain ne pouvait traverser.

On se rendit, ne pouvant pas combattre,
Et vers le monstre on convint d’envoyer
Des députés. On en adopta quatre
Qui consentaient, par leur mort, à payer
La triste paix que l'on espérait faire.
Les députés allèrent en tremblant
Supplier le dragon au fond de son repaire,
Et se livrer à son instinct sanglant.


 
 



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