THÉÂTRE D'OMBRES ET DE SILHOUETTES

MONSIEUR DE LA CANARDIÈRE (il entre du côté du feu). - À quel bonheur, monseigneur, dois-je l'honneur de recevoir votre grandeur ?

MIRLIFLOR. - Ayant pour le bal de ce soir prié vos demoiselles, j'ai cru devoir, par procédé, venir au devant d'elles pour les y conduire moi-même.

MONSIEUR DE LA CANARDIÈRE. - Monseigneur !... quel honneur !... mes filles n'ont rien négligé pour se rendre dignes de figurer avec avantage parmi les beautés que vous allez réunir.

MIRLIFLOR. - Au moment où je vous parle, le tambour annonce le motif secret de la fête que je vais donner.

MONSIEUR DE LA CANARDIÈRE. - C'est pour vous marier, autrement dit pour prendre une épouse.

MIRLIFLOR. - Oui, c'est ce soir que je choisis celle qui de mon nom doit étendre l'éclat.

MONSIEUR DE LA CANARDIÈRE. - Et quelles sont les qualités requises pour mériter l'honneur de...

MIRLIFLOR. - Mais, que je trouve une femme jeune, jolie, bonne et spirituelle, et je m'en contenterai.

MONSIEUR DE LA CANARDIÈRE. - Je crois que vous n'irez pas loin pour fixer votre choix. Mes filles, Madelon et Javotte, réunissent, aux qualités que vous désirez, quelques talents de société, tels que le chant et la danse...

MIRLIFLOR. - Le chant et la danse, j'en raffole.

MONSIEUR DE LA CANARDIÈRE. - Monseigneur, nous sommes à vos ordres, mes filles sont dans le salon.

MIRLIFLOR. - Cette jeune personne qui était ici tout-à-l'heure, n'est-elle pas des nôtres ?

MONSIEUR DE LA CANARDIÈRE.  - Ça ! fi donc ! ça n'est bon que pour garder la maison.

MIRLIFLOR. - Elle n'aurait pas été la plus laide des belles que je réunis.

MONSIEUR DE LA CANARDIÈRE. - Monseigneur est trop honnête.

MIRLIFLOR. - Allons, le bal va s'ouvrir ; il est temps de nous y rendre (ils se retournent et sortent par la porte).


SCÈNE XIX 
 

CENDRILLON. - Elles vont au bal et je vais rester seule, j'aurais pourtant bien voulu aller au bal avec elles... mais avec une méchante robe comme la mienne, est-ce que c'est possible ? À propos, je me souviens que Minette m'a dit que je pourrais, en le lui demandant, devenir tout ce que je voudrais, essayons. Ma bonne marraine, je voudrais bien être magnifiquement habillée (ses vêtements disparaissent et Cendrillon paraît magnifiquement habillée). Que de belles choses! mon Dieu que je suis belle !... regardez donc, si mes sœurs voyaient ça ! elles en seraient jalouses.

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SCÈNE XX

CENDRILLON. LA FÉE.

 

LA FÉE. - Eh bien ! Cendrillon, es-tu contente de moi ?

CENDRILLON. - Oh ! ma bonne marraine, qu'est-ce que je vous ai donc fait pour que vous me fassiez tant de bien ?

LA FÉE. - Tu étais malheureuse et tu m'as sauvé la vie.

CENDRILLON. - Oh ! c'est sans intérêt d'abord.

LA FÉE. - Mais dis-moi : est-ce que cette belle toilette là ne te donne pas envie de sortir pour la montrer ?

CENDRILLON. - Dame ! c'est bien naturel.

LA FÉE. - Et où voudrais-tu aller

C
ENDRILLON. - Oh ! je sais bien où.


LA FÉE. - Allons, parle-moi franchement.

CENDRILLON. - Je n'ose pas... mais puisque vous êtes fée, vous devez bien le savoir.

LA FÉE. - Au bal, où sont tes sœurs !

CENDRILLON. - Comme vous avez deviné ça !

LA FÉE. - Tu aimes donc bien la danse ?
 
CENDRILLON. - Oh ! ça c'est vrai. Quand j'entends un violon, mon pied se lève de suite.

LA FÉE. - Eh bien ! tu iras.
 
CENDRILLON. - Vrai ! mais si mes sœurs me reconnaissent. ..

LA FÉE. - Pas plus que si elles ne t'avaient jamais vue, je te l'ai déjà dit.
 
CENDRILLON. - Mais est-ce que j'irai à pied, belle comme me voilà ?

LA FÉE. - Ce n'est pas mon intention ; voilà justement une citrouille, tu vas y entrer.

CENDRILLON. - Vous allez me faire rouler au bal dans une citrouille ?

LA FÉE. - Oui, vraiment.

CENDRILLON. - Est-ce qu'elle va rouler toute seule, sans chevaux ni cocher ?

LA FÉE. - Tu m'y fais penser ; regarde s'il n'y a rien dans la souricière.
 
CENDRILLON (se retourne). - Je vais y voir (elle regarde dans la souricière). Ma marraine, il y a un gros rat et deux souris.


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LA FÉE. - Eh bien ! touche-les toi-même avec ma baguette.

CENDRILLON. - Moi, ma marraine ? Oh ! j'en ai trop peur.

LA FÉE. - Tu en as peur, eh bien, je vais les toucher moi-même. (Elle touche la souricière. La citrouille, la table et la souricière disparaissent, ainsi que Cendrillon. On voit à leur place une jolie calèche attelée de deux chevaux avec un cocher, Cendrillon est dedans). Tu peux aller, maintenant.

CENDRILLON. - Seule ?

LA FÉE. - Je veille sur toi.

CENDRILLON. - Je vous en prie, car je ne suis pas plus tranquille qu'il ne faut... tout ça m'a...

LA FÉE. - Ne crains rien, mais à une condition, c'est que tu sortiras de la salle au premier coup de minuit.

 
CENDRILLON. - Au premier coup de minuit, ma marraine ?

LA FÉE. - Il le faut, et si tu laissais passer l'heure, maîtresse, voiture et cocher, tout reprendrait sa première forme.

CENDRILLON. - J'y ferai attention.

LA FÉE. - Allons, au revoir.

CENDRILLON - De tout mon cœur.

LA FÉE. - Tu m'entends bien ? à minuit ! fouette cocher.
CENDRILLON. - Un moment, cocher !... Dites-donc, ma marraine, s'il vous prend fantaisie de redevenir chatte d'ici à ce soir, vous trouverez votre panier sous le garde-manger.

LA FÉE. - Je te remercie de ton attention (elle chante).

Air : Bon voyage, cher Dumollet.
Bon voyage, ma chère enfant !
Que le plaisir vole sur ton passage
Bon voyage, et minuit sonnant
Songe qu'ici ta marraine t'attend.


CENDRILLON. -
Quel voyage ! quel agrément.

D'aller au bal dans un tel équipage. 
Quel voyage pour moi, vraiment
Quelle surprise et quel heureux moment.


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(La voiture roule et Cendrillon part.)

 


ACTE DEUXIÈME


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