Au menton pendait une barbe énorme.
Je me dis : « C'est ell' qu'est le vrai poilu » ;
J'étais si troublé, contemplant sa forme,
Que je manquai de tomber sur le nez.
Je restai figé. La marraine affreuse
Me voyant ainsi, muet sur le seuil,
Me dit : « Mon ami, je suis bien heureuse,
Venez m'embrasser, mon petit filleul. »
Je lui répondis : « Je crains pas les Boches,
Mais vous embrasser, vous me faites peur ! »
Je demeurais coi, les mains dans les, poches,
Lorsque tout à coup. prodige, stupeur !
Pour la saluer, je r'tirais mon casque
Et très poliment j'allais m'esbigner,
Voilà que soudain elle enlèv' son masque,
Qu'ell' ne s'était mis que pour m'éprouver.
C'était la plus bell' de tout's les marraines ;
Près d'elle, ravi, j'ai passé huit jours.
Quand je repartis, après la semaine,
Je fis le serment de l'aimer toujours.
Je l'épouserai, la chose est promise,
Quand je reviendrai vainqueur, quelle fêt' !
Filleul triomphant et marraine exquise,
Nous songerons à la classe 37.
LES BATAILLES
Des rives de la Marne à celles de l'Yser,
Nos poilus ont livré de terribles batailles ;
Ce fut la longue lutte autour des fils de fer,
Les héros opposant leur poitrine aux mitrailles.
Ils ont ainsi lutté des semaines, des mois,
Chaque jour attendant que l'offensive sonne ;
Saluons les soldats de l'Oise, de l'Artois,
Et ceux de Champenoux comme ceux de l'Argonne !
Soldats d'une épopée encor sans précédent,
Des forêts de la Meuse aux canaux de Dixmude,
Ils ont continué les combats des Titans,
Chaque jour, chaque nuit, la bataille est plus rude.
Saluons ces héros magnifiques et doux,
Saluons-les bien bas, ces poilus fils de France,
Devant lesquels nous tous, pleins de reconnaissance,
Nous devons nous courber et nous mettre à genoux.
1915
ROUTE DE CHAMPAGNE
Où va-t-on ? On ne sait : ordre du général !
La voici donc enfin, l'heure de la victoire.
À nous dragons, demain, et la charge et la gloire !
La route est longue. Ils vont., ils vont, les cavaliers.
Le vent pour un salut courbe les peupliers.
Le régiment défile à travers la campagne.
On va se battre enfin. Où va-t-on ?. En Champagne !
Le bruit du combat monte et l'on marche au canon.
Une immense lueur embrase l'horizon.
Le cavalier attend le signal de l'avance ;
Il arme le mousquet, assujétit sa lance.
Il voit les fantassins se ruer à l'assaut,
Grenade en main et prêts à mourir s'il le faut !
Ils enlèvent Massige, ils enlèvent Tahure !
Le blessé ne sent pas que saigne sa blessure !
Officiers et soldats, sans souci de la mort,
Pour libérer le sol font un sublime effort.
Est-ce donc la victoire, est-ce la délivrance ?
Et chacun de crier : « En avant !. pour la France ! »
Mais non. il faut attendre encore un temps prochain,
L'heure que marquera sûrement le destin,
L'heure de la revanche éclatante et certaine,
Où les poilus, formant une vague d'airain,
Chargeront l'Allemand par les monts, par la plaine,
Lancés d'un tel élan qu'ils franchiront le Rhin